Résumé:
Dans cette décision, la représentante de l’employeur souhaite faire admettre en preuve des extraits du contenu du profil Facebook de la travailleuse, qu’elle a obtenu en se créant un compte fictif lui ayant permis de devenir «amie» avec cette dernière. Pour décider de la recevabilité de cet élément preuve, le Tribunal rappelle que l’article 2858 C.c.Q. constitue une exception à la règle posée à l’article 2857 C.c.Q. en vertu de laquelle tout élément de preuve est recevable pour autant qu’il soit pertinent au litige.
Ainsi, un élément de preuve, malgré sa pertinence, sera jugé irrecevable si les deux conditions cumulatives décrites à l’article 2858 C.c.Q. sont rencontrées [Article 2858]. Premièrement, l’élément de preuve doit avoir été obtenu dans des conditions portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux. Sur ce critère, le Tribunal rappelle que, s’il est vrai qu’on ne peut parler d’une violation de la vie privée lorsque le contenu du profil Facebook est obtenu légalement, il en va autrement lorsque le tiers y accède de façon illicite, comme c’est le cas en l’espèce.
Deuxièmement, son utilisation doit être de nature à déconsidérer l’administration de la justice, c’est-à-dire que
« la gravité de la violation aux droits fondamentaux, tant en raison de sa nature, de son objet, de la motivation et de l’intérêt juridique de l’auteur de la contravention que des modalités de sa réalisation [est] telle qu’il serait inacceptable qu’une cour de justice autorise la partie qui l’a obten[u] de s’en servir pour faire valoir ses intérêts privés. » [Mascouche c. Houle, #1909]
Relativement à ce critère, le tribunal conclu que l’admissibilité de l’élément de preuve est en l’espèce susceptible de déconsidérer l’administration de la justice et que
«[c]conclure autrement donnerait à tous les employeurs le champ libre afin de fouiller, au hasard, dans la vie privée de leurs employées. » [Campeau et Services alimentaires Delta Dailyfood Canada inc., #60]
Le Tribunal en arrive donc à la conclusion que le contenu du profil Facebook de la travailleuse n’est pas admissible en preuve puisque les deux critères de l’article 2858 C.c.Q. sont rencontrés.
Informations
Le texte intégral
Campeau et Services alimentaires Delta Dailyfood Canada inc., 2012 QCCLP 7666
Article
Jurisprudence
- Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), 2011 QCCLP 1802
- Maison St-Patrice inc. et Cusson, 2016 QCTAT 482 (CanLII)
- N.D. et Commission scolaire A, 2013 QCCLP 2138
- Pneus Touchette Distribution inc. c. Pneus Chartrand inc., 2012 QCCS 3241
- Québec inc. c. Senécal, 2010 QCCS 3308
Doctrine
- BELLE-ISLE V., « Commentaire sur la décision Landry c. Provigo Québec inc. (Maxi & Cie) – La recevabilité en preuve de commentaires émis sur Facebook »
- GAUTRAIS V. « TIC + TAQ + preuve technologique »
- GAUTRAIS, V., Preuve technologique
- GINGRAS P. et É. GRATTON, Accéder ou ne pas accéder au matériel informatique de son employé, telle est la question
- GINGRAS Patrick, « Quand la preuve technologique est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice »,
- GRATTON É., Commentaire sur la décision Images Turbo inc. c. Marquis – Les critères pertinents pour décider de l'admissibilité en preuve de courriels personnels d'un employé sur un Blackberry fourni par son employeur
- VERMEYS N.W. et GINGRAS P., «Je tweet, tu clavardes, il blogue : les aléas juridiques de la communication électronique»
- VERMEYS N.W., « L'admissibilité en preuve de contenus issus de sites de réseaux sociaux »
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