Extraits pertinents :

OBJET

DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

[1] Le 16 décembre 2011, le demandeur s’adresse au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour obtenir un exemplaire du formulaire « Événement » ainsi que de tout autre formulaire que les policiers du SPVM doivent remplir lorsqu’ils tirent un coup de feu ou font usage de gaz Capsicum (poivre de Cayenne) et du dispositif à impulsion électrique (Tazer).

[2] Le 5 janvier 2012, le SPVM refuse de donner suite à la demande d’accès en vertu des articles 9 et 28 de la Loi sur l’accès.

[3] Insatisfait, le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) pour faire réviser la décision de l’organisme.

ARGUMENTATION

L’organisme

[27] Me Lyne Campeau soutient que les formulaires vierges demandés ne sont pas des documents au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès et qu’ils ne sont donc pas accessibles.

[28] Selon elle, il ne s’agit pas non plus de documents au sens de l’article 3 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information qui mentionne qu’un document est constitué d’information délimitée, structurée et intelligible contenue sur un support.

[29] Ainsi, un formulaire indiquant uniquement des champs à remplir n’est pas un document contenant de l’information structurée et tangible.

[30] Me Campeau ajoute que l’article 114 de la Loi sur la police distingue les documents des formules. Il s’agit donc de deux notions différentes puisque le législateur a utilisé des termes différents.

[31] Ainsi, elle plaide qu’un formulaire vierge, dans lequel on consigne des renseignements, est une formule. S’il s’agit d’une formule, il ne peut s’agir d’un document au sens de l’article 114 de la Loi sur la police et par conséquent, ce n’est pas un document au sens de la Loi sur l’accès.

[32] Si la Commission en arrivait à la conclusion qu’un formulaire vierge constitue un document, Me Campeau soutient qu’il constitue un aide-mémoire ou des notes préparatoires à la confection d’un rapport par des policiers. Ce document ne serait donc pas accessible selon l’article 9 al. 2 de la Loi sur l’accès.

[33] Si la Commission conclut que l’article 9 al. 2 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas, les passages masqués sont protégés par l’article 28 al. 1 (3) et (6) et l’article 29 de la Loi sur l’accès qui protègent les méthodes d’enquête, les composantes d’un système de communication et les informations dont la divulgation aurait pour effet de réduire l’efficacité d’un programme ou d’un dispositif de sécurité. Le SPVM ne veut pas révéler des renseignements de nature policière et a même conçu un formulaire précisément à l’usage des citoyens.

[34] Les renseignements à masquer en vertu de ces articles constituant la substance des documents, elle conclut que l’accès devrait en être refusé en vertu de l’article 14 de la Loi sur l’accès.

[35] Finalement, Me Campeau soutient que ce n’est pas parce que les documents demandés peuvent être accessibles dans le cadre d’un procès qu’ils sont accessibles en vertu de la Loi sur l’accès.

Le demandeur

[36] Le demandeur allègue que les formulaires sont des documents qui ne sont pas confidentiels par nature. En effet, ces formulaires sont largement en circulation tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du milieu policier. Ils sont accessibles notamment à tous les policiers et à toutes les personnes qui les ont obtenus dûment remplis.

[37] Le demandeur soutient qu’on ne peut alléguer à la fois que l’information contenue dans le formulaire n’est pas intelligible et que sa divulgation révélerait des renseignements sur des méthodes d’enquêtes ou des systèmes de sécurité.

[38] Les formulaires vierges ne sont pas des documents inachevés ou des aide-mémoires. Il s’agit de documents complets en soi. Ils sont terminés et prêts à être utilisés.

ANALYSE

Notion de document

[44] Le SPVM soutient qu’un formulaire vierge n’est pas un « document » visé par l’article 1 de la Loi sur l’accès :

1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers.
Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.

[45] Il ajoute qu’un tel formulaire ne correspond pas aux critères définissant ce qu’est un document prévus à l’article 3 de la LCCJTI et se distingue de la « formule » visée par l’article 114 de la Loi sur la police :

LCCJTI

3. Un document est constitué d'information portée par un support. L'information y est délimitée et structurée, de façon tangible ou logique selon le support qui la porte, et elle est intelligible sous forme de mots, de sons ou d'images. L'information peut être rendue au moyen de tout mode d'écriture, y compris d'un système de symboles transcriptibles sous l'une de ces formes ou en un autre système de symboles. […]

Loi sur la police

114. Le gouvernement peut, par règlement, définir les documents qui doivent être tenus par les corps de police, les policiers et constables spéciaux, de même que les formules qu'ils doivent utiliser et les renseignements qui doivent y être consignés.

(Nos soulignements)

[46] Selon l’article 1, la Loi sur l’accès vise tous les documents qui sont détenus par un organisme public. Ainsi, un formulaire, même non rempli, est un document.

[47] Quant à la LCCJTI, elle définit un document comme étant de l’information portée par un support, que ce dernier soit ou non de nature technologique. Selon le professeur Gautrais, la LCCJTI définit la notion de document comme suit :

L’article 3 pose la notion de document qui ne bénéficiait avant l’avènement de la Loi d’aucune définition. Pierre angulaire de la Loi (222 occurrences dans la Loi), cet article doit être analysé avec le suivant qui précise le cas plus précis du document technologique. Ainsi, un document est la symbiose entre une information et un support; une symbiose qui vise à faire en sorte qu’un document soit réalisé dès lors qu’il permet d’accéder à une information intelligible, et ce, quelle que soit la manière dont celle-ci est structurée.

Dans le cadre d’un article qui se veut très inclusif, plein de souplesse, il est très clairement établi, si l’on en doutait, qu’un document n’est aucunement associé au support papier. Cela dit, l’article 3 montre aussi que la Loi a pour vertu de s’appliquer à tous les documents et donc pas uniquement aux documents technologiques. Elle est donc susceptible de s’appliquer aux documents papier aussi.

[48] Autant dans le contexte de la LCCJTI que de la Loi sur l’accès, le mot document est très englobant. On ne peut pas conclure qu’un formulaire produit et utilisé par les services de police n’est pas un document tant qu’il n’est pas utilisé.

[49] Le formulaire contient de l’information structurée, laquelle sera complétée par d’autres informations lorsqu’il sera utilisé. Même avant son utilisation, on ne peut pas dire que l’information contenue dans les formulaires est inintelligible à sa lecture.

[50] La notion de document utilisée dans ces deux lois doit s’interpréter largement plutôt que de la manière restrictive suggérée par le SPVM.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[93] ACCUEILLE la demande de révision du demandeur.

[94] ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur, dans les 30 jours de la réception de la présente décision, un exemplaire en blanc des formulaires : « Événement » (F-520-1), « Rapport complémentaire » (F-520-26) et « Usage de la force » (F-502-04).

LINA DESBIENS
Juge administratif


Dernière modification : le 27 mars 2014 à 15 h 47 min.