Développement

[1] La notion d'authenticité est polysémique; il est en effet possible de lui voir attribuer trois sens distincts. En premier lieu, rapidement, il y a ce que l'on dénomme l'acte authentique tel que définit à l'article 2813 CCQ, à savoir, celui qui a été «reçu ou attesté par un officier public compétent selon les lois du Québec ou du Canada» [Acte authentique]. En deuxième lieu, l'authenticité peut aussi être envisagée comme une preuve distincte qui est apportée à l'appui de certains documents et notamment les éléments matériels [Article 2855] et certains témoignages [Article 2874]. Enfin, en troisième lieu, il importe de rappeler que ce critère demeure celui qui prévaut pour l'admissibilité  en preuve d'un document.

[2] En effet, en droit de la preuve en général, et sauf exception, il est généralement reconnu que la preuve d’un écrit doit être faite par celui qui l’invoque (actor incumbit probatio). Également, cette preuve s’attache tant à la qualité du document [Intégrité] qu’à l’auteur dont il émane (authenticité à strictement parler).

«Dans le cas d’un document papier qui constate un écrit sous seing privé, pour que ce document puisse faire preuve de son contenu, il faut au préalable que son authenticité soit établie. Cette preuve, qui est à la charge de celui qui l’invoque en vertu de l’article 2828 C.c.Q., implique la démonstration des deux faits suivants: que l’écrit émane bien des personnes qui paraissent l’avoir signé et que le document n’a pas été altéré depuis qu’il a été rédigé» [DUCHARME, 2005, #477]

Il est donc généralement admis que ces deux conditions cumulatives sont requises; deux conditions que l’on reconnaît sous l’appellation d’authenticité [GAUTRAIS, 2002] [FABIEN, 2004] [MARSEILLE+LESCOP, 2008] [DE RICO+JAAR, 2008] [ROYER+LAVALLÉE, 2008] [BELANGER, 2010].

[3] Sans que l’on puisse les citer tous, on peut par exemple reprendre les propos du professeur Fabien qui répète à plusieurs reprises que la «notion classique d’authenticité comporte deux volets» [FABIEN, 2004]. Également, on peut citer Claude Marseille et Raphaël Lescop qui prétendent :

« En principe, comme pour tout autre écrit privé, celui qui invoque un acte sous seing privé doit prouver son authenticité, c’est à dire qu’il doit établir l’authenticité des signatures et le fait que l’acte n’a pas été altéré depuis sa confection initiale. » [MARSEILLE+LESCOP, 2008]

[4] Or, et c’est là où la confusion règne, à plusieurs reprises, la notion d’authenticité se mêle à la notion d’intégrité. À titre d’exemple, on peut prendre l’illustration de l’arrêt [Cadieux c. Service de gaz naturel Laval inc., 1991] de la Cour d’appel du Québec qui, relativement à la recevabilité en preuve d’un enregistrement sonore identifie trois critères d’analyse:

« Aussi, la production d'un enregistrement mécanique impose à celui qui la recherche, la preuve d'abord de l'identité des locuteurs, ensuite que le document est parfaitement authentique, intégral, inaltéré et fiable et enfin que les propos sont suffisamment audibles et intelligibles. »

Dans cette affaire basée sur le C.c.B.-C., à une époque donc où la notion d’élément matériel n'avait  pas encore été formellement reconnue par le CCQ, le deuxième critère évoque les qualités «authentique, intégral, inaltéré et fiable» d’un enregistrement, et ce, d’une façon qui pourrait très bien être assimilée à ce qui est intègre. Ici donc l’authenticité réfère à l’intégrité.

[5] L’authenticité implique donc à la fois 1) un lien avec son auteur et 2) l’intégrité du document. Dans l’acte sous seing privé [Article 2826 CCQ], le lien avec l’auteur est fait avec une signature [Article 2827]; pour les autres écrits [Article 2831 CCQ et suiv.], il est prouvé par tout autre moyen [Article 2836 CCQ].

[6] Notons aussi qu'il nous semble que ce critère d'authenticité n'est pas uniquement limité aux actes authentiques et aux sous seing privé. Dans ces deux cas, il y a certes un lien explicite avec l'auteur dudit document. Mais ce lien vaut également avec les autres écrits, et ce, même si certains d'entre eux sont par définition non signés [Article 2831]. D'ailleurs, l'article 2835 CCQ met de l'avant explicitement ce lien nécessaire avec l'auteur [Autre écrit].

«Celui qui invoque un écrit non signé doit prouver que cet écrit émane de celui qu'il prétend en être l'auteur.»


Dernière modification : le 30 mai 2017 à 17 h 07 min.