Extraits pertinents:

[12] La poursuite pénale est intentée au moyen d’un constat d’infraction, mais le Code de procédure pénale précise que toute poursuite pénale débute au moment de la signification du constat aux articles 144 et 156.

[13]La signification a donc une grande importance puisqu’elle démarre la poursuite pénale et ainsi, parce qu’elle interrompt la prescription.

[...]

[26]          Donc, à la lecture de tous ces articles, le Code de procédure pénale prévoit un mode de signification autre que la remise du constat au défendeur lors de la perpétration de l’infraction.

[27]           On l’a servi par courrier ordinaire, à l’article 157.1; par courrier recommandé, certifié ou prioritaire, à l’article 20; le dépôt d’un double du constat à un endroit apparent du véhicule dans le cas d’une infraction relative au stationnement d’un véhicule, article 158; la signification par agent de la paix ou huissier, article 21; par les journaux ou par avis public dans un palais de justice sur autorisation d’un juge lorsque les circonstances l’exigent, article 24.

[...]

[29]Revenant à l’article 24 du Code de procédure pénale, celui-ci permet un mode de signification différent à ceux prévus si les circonstances l’exigent et ce, autorisé par un juge. Comme mentionné au préalable, cet article a permis par le passé la signification par voie de journaux ainsi que par la télécommunication par toute autre forme d’avis public; d’où la requête pour la Poursuite dit inclure par voie électronique, soit par Facebook, la signification se basant sur l’article 24.

[30]           Quant à la signification par Facebook, j’ai eu le loisir de consulter deux (2) arrêts qui traitent de la signification par Facebook, et qui en ont permis son utilisation tous les deux (2) en matière civile, soit; K.G. c. R.B. (2013 QCCS 4080 (CanLII)), Cour supérieur, division de la famille, et; le deuxième arrêt est l’arrêt Boivin & Associés c. James Walter Scott, Cheryl Elizabeth Vernet, Me Robert Estell (2011 QCCQ 10324 (CanLII)), Cour du Québec, division de Pratique.

[31]           Dans ce dossier Boivin & Associés c. Scott, Vernet et Estell, l’honorable Juge Daniel Dortélus utilise la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (L.R.Q. c. C-1.1) et ses articles 28 et 74.

[32]           À l’article 28, il est annoncé que :

« 28. Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n’exige l’emploi exclusif d’un mode spécifique de transmission.

Lorsque la loi prévoir l’utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis. De même, lorsque la loi prévoit l’utilisation de la poste certifiée ou recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d’un document technologique, au moyen d’un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.

Lorsque la loi prévoit l’envoi ou la réception d’un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cadre d’un document technologique, d’un identifiant propre à l’emplacement où le destinataire peut recevoir communication d’un tel document.»

[33]           L’article 74 est écrit de cette façon :

« 74. L’indication dans la loi de la possibilité d’utiliser un ou des modes de transmission comme l’envoi ou l’expédition  d’un document par lettre, par messager, par câblogramme, par télégramme, par télécopieur, par voie télématique, informatique ou électronique, par voie de communication ou de télétransmission, au moyen de fibre optique ou d’une autre technologie de l’information n’empêche pas de recourir à un autre mode de transmission approprié au support du document, dans la mesure où la disposition législative n’impose pas un mode exclusif de transmission. »

[34]           Ensuite, j’ai fait une analyse de ces articles 28 et 74 avec l’article 123 du Code de procédure civile, qui concerne la signification en m’appuyant sur les auteurs Me Jean-François  De Rico et Me Dominic Jaar, qu’on va retrouver dans le cadre juridique des technologies de l’information au Congrès annuel du Barreau du Québec, service de la Formation continue, 2009 CAIJ, pp. 17 et 18, et ceux-ci écrivent :

« Comme son nom l’indique, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information est une loi ‘chapeau’ qui a aussi amendé nommément plusieurs lois, mais qui a aussi pour effet d’amender toutes lois(…) qui traitent de documents et de modes de transmission, incluant le Code de procédure civile. L e législateur a été précurseur en comprenant que l’avènement des TI et la vitesse de leur évolution ne permettent pas d’amender chacune des lois à chaque avancée technologique. Ainsi, il a favorisé un cadre juridique général qui chapeaute toutes les lois pertinentes pour éviter de recourir à l’amendement législatif de ces dernières.

Il semble justifié d’appliquer les dispositions de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information aux articles concernant la signification dans le Code de procédure civile. Rappelons que le principe juridique à la base de la signification est en fait ‘la remise d’une copie de l’acte à l’intention de son destinataire’ (123 du Code de procédure civile). Selon l’article 28 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, cette remise peut être effectuée ‘par tout mode de transmission approprié à son support’, à moins que la loi n’exige l’emploi exclusif d’un mode spécifique de transmission’. Notons que la seule exception à l’article 28 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information tient dans l’exigence législative d’un mode exclusif de transmission. Or, à la lecture des articles 123 et 140.1 du Code de procédure civile, on constate l’usage du mot ‘peut’ qui dénote d’une possibilité, c’est-à-dire tout le contraire d’une obligation exclusive. Considérant que le Code de procédure civile ne prévoit pas de mode exclusif de transmission pour effectuer une signification, retenant plutôt plusieurs modes (huissier, poste, télécopieur, etc.), nous croyons que l’article 28 de la Loi  concernant le cadre juridique des technologies de l’information peut recevoir pleine application et ainsi permettre au courriel d’être utilisé comme de signification. »

[35]           Et le tribunal ajoutant que – le Tribunal, qui partage l’avis de ces auteurs et estime que le même raisonnement pour l’usage du courriel comme mode de signification est aussi applicable pour une signification Facebook.

[36]           Procédons à cette même méthode d’analyse, mais cette fois-ci concernant le Code de procédure pénale.

[37]           Rappelons le principe juridique à la base que la signification est en fait la remise d’une copie de l’acte de procédure à son destinataire; ici, c’est le constat d’infraction.

« Selon l’article 28 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, cette remise peut être effectuée ‘par tout mode de transmission approprié à son support’, à moins que la loi n’exige l’emploi exclusif d’un mode spécifique de transmission’. Notons que la seule exception à l’article 28 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information tient dans l’exigence législative d’un mode exclusif de transmission. »

[38]           Or, à la lecture des articles 19 à 29 du Code de procédure pénale, on constate l’usage du mot « peut » qui dénote une possibilité, c’est-à-dire tout le contraire d’une obligation exclusive.

[39]           Considérant que le Code de procédure pénale ne prévoit pas de mode exclusif de transmission pour effectuer une signification du constat d’infraction, retenant plutôt plusieurs modes – huissier, courrier régulier, courrier recommandé, certifié ou prioritaire, dépôt dans un endroit apparent du véhicule, signification par agent de la paix, dans les journaux ou avis public dans le palais de justice sur autorisation d’un juge – nous croyons que l’article 28 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information peut recevoir pleine application dans le cas du Code de procédure pénale.

[40]           Nous sommes ici devant une situation où le requérant a tenté sans succès de faire signifie, en vertu des dispositions de l’article 19 et suivants du Code de procédure pénale, un acte de procédure, soit un constat d’infraction. Le seul moyen dont il dispose pour transmettre le constat est par un envoie électronique à son adresse Facebook.

[41]           Pour les motifs exprimés précédemment, l’article 28 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information permet l’utilisation de ce mode de signification.

[42]           Le Tribunal tient compte que le requérant sera en mesure de faire la preuve de la signification du constat d’infraction par la voie actuelle de Facebook.

[43]           De plus, l’utilisation de Facebook, du réseau social Facebook, est beaucoup moins onéreuse et engendre beaucoup moins de frais contre le défendeur que la signification par journaux ou par huissier. De plus, la façon de procéder par Facebook est beaucoup plus privée; donc, moins dommageable pour la vie privée du défendeur que celle par les journaux.

[44]           L’ensemble de ces facteurs m’amène à conclure que les critères sont rencontrés pour autoriser la signification du constat d’infraction à l’adresse du défendeur sur Facebook; et ce, en application de l’article 24 du Code de procédure pénale  ainsi que de l’article 28 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information.

[45]           Et je me permets de répéter que je tiens compte que le requérant sera en mesure de faire la preuve de la signification du constat d’infraction par la voie Facebook.

 CONCLUSION

[46]           Pour ces motifs, j’accueille la présente requête;

[47]           J’autorise la signification du constat d’infraction au défendeur Kevin Sabourin, et ce par voie électronique, à son adresse Facebook, qui est […] le tout sans frais.


Dernière modification : le 24 mars 2015 à 10 h 07 min.