INTRODUCTION

[1]   Il est reproché au défendeur le 22 juillet 2018, d’avoir conduit un véhicule routier sans avoir eu avec lui l’attestation d’assurance prévue par la loi sur l’assurance automobile, le tout en contravention de l’article 35 du Code de la sécurité routière;

[2]   Le défendeur ayant mentionné à la cour avoir eu en fichier électronique PDF sur son téléphone la note de couverture, est-ce que le fait d’avoir uniquement une version électronique satisfait les critères de l’article 35 C.s.r. ? ;

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]   Est-ce qu'à l’article 35 du Code de la sécurité routière, lorsqu’il est question que le conducteur doit avoir avec lui l’attestation d’assurance, cela permet la possession d'une copie ?;

[4]   Si oui, la copie électronique respecte-t-elle les exigences du législateur ? ;

LES FAITS

[5]   Le 22 juillet 2018, le policier Chabot alors qu’il est sur la 25e avenue à St-Eustache, remarque un véhicule devant lui en direction nord ;

[6]   Il décide d’intercepter le véhicule pour valider les documents ;

[7]   Selon le policier, le défendeur n’a pas son attestation d’assurance avec lui ;

[8]   Le défendeur viendra témoigner à la cour qu’il est exact qu’il n’avait pas l’attestation d’assurance « papier », mais a montré au policier une copie de sa note de couverture qui se constitue en une lettre de deux pages en format PDF sur son téléphone cellulaire ;

[9]   Le policier aurait fait fit de le voir et aurait émis le présent constat d’infraction ;

[10]   Il dépose à la cour la note de couverture imprimée qu’il atteste être le même fichier PDF montré au policier ;

[11]   Cette note de couverture décrit : le numéro de police d’assurance, le véhicule concerné, le numéro de série, la période de validité et les garanties financières de couverture ;

[12]   Le défendeur mentionnera à la cour qu’il n’a jamais reçu l’attestation d’assurance par la poste lorsqu’il a assuré en octobre 2017 son véhicule, mais n’avait que la note de couverture dans son téléphone ;

[13]   Il n’a jamais demandé à l’assureur de réexpédier l’attestation d’assurance puisqu’il avait la copie de la note de couverture numérique ;

LES ARGUMENTS

La poursuivante

[14]   La poursuivante plaide que le policier n’a pas vu d’attestation d'assurance et ne traite pas de l’évènement du fichier PDF, donc le défendeur tente d’induire la cour en erreur ;

[15]   Quant à l’aspect de l’intention du législateur sur le respect ou non de l’article 35 C.s.r. si la cour retient que le défendeur a montré un fichier PDF, la poursuite s’en remet au tribunal ;

La défenderesse

[16]   Le défendeur mentionne qu’il respecte la réglementation et qu’au surplus, selon un extrait provenant d’internet il indique que les assureurs du Québec sont autorisés à expédier le certificat d’assurance par courriel, donc que le fichier électronique est permis ;

ANALYSE ET DÉCISION

[17]   Est-ce qu'à l’article 35 du Code de la sécurité routière, lorsqu’il est question que le conducteur doit avoir avec lui l’attestation d’assurance, cela permet la possession d'une copie ?;

[18]   Le législateur défini ainsi les articles 35 et 36 du C.s.r. :

Article 35

        La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle le certificat d’immatriculation du véhicule ou une copie de celui-ci, sauf dans les 10 jours de l’immatriculation, ainsi que l’attestation d’assurance prévue par la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25).

        Si le certificat d’immatriculation a été délivré en vertu du Régime d’immatriculation international (IRP), cette personne doit avoir avec elle l’original du certificat, sauf dans la mesure prévue par ce régime.

        Si le véhicule routier est loué pour une période de moins d’un an ou s’il a été prêté par un commerçant de véhicules routiers, elle doit également avoir avec elle le contrat de location ou une copie de celui-ci ou un document faisant preuve de la durée du prêt.

        En outre des chemins publics, le présent article s’applique sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler. Il s’applique également sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles et de la Faune ou entretenus par celui-ci.

        Article 36

        La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit, à la demande d’un agent de la paix, lui remettre pour examen les pièces visées à l’article 35.

        L’agent doit remettre ces pièces à leur détenteur dès qu’il les a examinées. (Mes soulignés);

[19]   Puisque l’article 35 du C.s.r. réfère à la Loi sur l’assurance automobile[1], le tribunal trouve important de citer certains passages :

SECTION III

L’ATTESTATION D’ASSURANCE

  1. La Société peut exiger en tout temps du propriétaire d’une automobile qu’il fournisse une déclaration attestant qu’il satisfait aux obligations imposées par la présente loi concernant l’assurance de responsabilité de même qu’une attestation d’assurance.

La déclaration doit énoncer le nom de l’assureur et, sauf dans le cas d’une personne qui détient une attestation provisoire visée dans l’article 98, le numéro de la police et sa date d’expiration.

  1. L’assureur doit, sans frais, délivrer une attestation d’assurance pour chacune des automobiles assurées par la police, indiquant:
  1. le nom et l’adresse de l’assureur;
  2. le nom et l’adresse du propriétaire de l’automobile et, le cas échéant, de la personne assurée;
  3. le numéro de la police et la période de validité de cette dernière;
  4. s’il s’agit d’un garagiste, la mention de ce fait;
  5. sauf s’il s’agit d’un garagiste, les caractéristiques de l’automobile, notamment le numéro du châssis;
  6. toute autre mention déterminée par règlement du gouvernement.

Pour l’application du présent titre, un garagiste est la personne qui exploite un établissement où les automobiles sont, moyennant rémunération, entretenues ou réparées.

[…]

  1. En cas de perte ou de vol des documents prévus par le présent titre,l’assureur ou l’autorité compétente en délivre un duplicata sur demande de la personne au profit de laquelle le document original avait été établi.

Le duplicata indique, outre les mentions du document original, la date à laquelle il est établi et le mot «duplicata» ; le duplicata a valeur de document original. (Mes soulignés) ;

[20]   Avec distinction du dossier DPCP c. Ciarallo[2], le tribunal après étude du texte législatif aux articles 35 et 36 du C.s.r., en vient à la conclusion que le législateur a permis au conducteur d’avoir une copie, mais a distingué entre l’immatriculation et l’attestation d’assurance;

[21]   En effet, le conducteur peut avoir avec lui une copie du certificat d’immatriculation seulement;

[22]   Pour le certificat d’assurance en reliant l’article 107 de la Loi sur l’assurance automobile à l’article 35 C.s.r., le tribunal en vient à la conclusion que le législateur a prévu que le conducteur peut avoir une copie de l’attestation d’assurance, mais avec la mention « duplicata » provenant de son assureur ;

[23]   Le tribunal est d’avis que le législateur n’inclut pas à l’article 35 C.s.r.  toute autre copie d’attestation d’assurance (photocopie, note de couverture, contrat d’assurance) ;

[24]      Si oui, la copie électronique respecte-t-elle les exigences du législateur ? ;

[25]   Le tribunal ne croit pas que Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information[3] ne peut s’appliquer en regard de l’attestation d’assurance ;

[26]   En effet, des articles suivants, le tribunal y voit là l’exception à l’application de la loi :

CHAPITRE I

DISPOSITIONS GÉNÉRALES 

  1. La présente loi a pour objet d’assurer :

1°   la sécurité juridique des communications effectuées par les personnes, les associations, les sociétés ou l’État au moyen de documents quels qu’en soient les supports ;

2°   la cohérence des règles de droit et leur application aux communications effectuées au moyen de documents qui sont sur des supports faisant appel aux technologies de l’information, qu’elles soient électronique, magnétique, optique, sans fil ou autres ou faisant appel à une combinaison de technologies ;

3°   l’équivalence fonctionnelle des documents et leur valeur juridique, quels que soient les supports des documents, ainsi que l’interchangeabilité des supports et des technologies qui les portent ; 

4°   le lien entre une personne, une association, une société ou l’État et un document technologique, par tout moyen qui permet de les relier, dont la signature, ou qui permet de les identifier et, au besoin, de les localiser, dont la certification ;

5°   la concertation en vue de l’harmonisation des systèmes, des normes et des standards techniques permettant la communication au moyen de documents technologiques et l’interopérabilité des supports et des technologies de l’information.

  1. À moins que la loi n’exige l’emploi exclusif d’un support ou d’une technologie spécifique, chacun peut utiliser le support ou la technologie de son choix, dans la mesure où ce choix respecte les règles de droit, notamment celles prévues au Code civil.

Ainsi, les supports qui portent l’information du document sont interchangeables et, l’exigence d’un écrit n’emporte pas l’obligation d’utiliser un support ou une technologie spécifique.

[…]

SECTION II

VALEUR JURIDIQUE ET INTÉGRITÉ DES DOCUMENTS

  1. La valeur juridique d’un document, notamment le fait qu’il puisse produire des effets juridiques et être admis en preuve, n’est ni augmentée ni diminuée pour la seule raison qu’un support ou une technologie spécifique a été choisi. Le document dont l’intégrité est assurée a la même valeur juridique, qu’il soit sur support papier ou sur un autre support, dans la mesure où, s’il s’agit d’un document technologique, il respecte par ailleurs les mêmes règles de droit. Le document dont le support ou la technologie ne permettent ni d’affirmer, ni de dénier que l’intégrité en est assurée peut, selon les circonstances, être admis à titre de témoignage ou d’élément matériel de preuve et servir de commencement de preuve, comme prévu à l’article 2865 du Code civilLorsque la loi exige l’emploi d’un document, cette exigence peut être satisfaite par un document technologique dont l’intégrité est assurée.

[…]

  1. La notion de document prévue par la présente loi s’applique à l’ensemble des documents visés dans les textes législatifs, que ceux-ci y réfèrent par l’emploi du terme document ou d’autres termes, notamment acte, annales, annexe, annuaire, arrêté en conseil, billet, bottin, brevet, bulletin, cahier, carte, catalogue, certificat, charte, chèque, constat d’infraction, décret, dépliant, dessin, diagramme, écrit, électrocardiogramme, enregistrement sonore, magnétoscopique ou informatisé, facture, fiche, film, formulaire, graphique, guide, illustration, imprimé, journal, livre, livret, logiciel, manuscrit, maquette, microfiche, microfilm, note, notice, pamphlet, parchemin, pièce, photographie, procès-verbal, programme, prospectus, rapport, rapport d’infraction, recueil et titre d’emprunt.

Dans la présente loi, les règles relatives au document peuvent, selon le contexte, s’appliquer à l’extrait d’un document ou à un ensemble de documents. (Mes soulignés) ;

[27]   Puisqu’il est exigé que le conducteur ait en sa possession une attestation d’assurance selon le C.s.r. et que la Loi sur l’assurance automobile mentionne que l’assureur délivre une attestation d’assurance, le tribunal croit que l’intention du législateur est d’assurer par le mot attestation une authenticité du document et de son support ;

[28]   L’article 71 de Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information à sa définition de « document » n’inclut pas spécifiquement le terme « attestation » ;

[29]   Par ailleurs, il n’est pas fonctionnel que le policier sur le bord de la route, demande que le défendeur déverrouille son téléphone et le maintienne déverrouillé pendant la vérification des informations à la voiture patrouille ;

[30]   Le tribunal ne peut imaginer les conséquences juridiques qui pourraient découler de permettre aux policiers d’avoir accès au téléphone cellulaire et à ses données[4] qui sont pourtant protégés par la Charte canadienne des droits et libertés ;

[31]   De surcroit il est impensable de transférer la responsabilité de la manutention dudit téléphone aux policiers;

[32]   Car l’article 36 C.s.r. prévoie que le policier peut prendre le certificat d’immatriculation et l’attestation d’assurance ;

[33]   Donc, l’intention du législateur n’était surement pas de permettre la preuve sur support électronique à son article 35 et 36 C.s.r. ;

[34]   De plus, le document déposé en preuve n’est pas une attestation d’assurance en ce que c’est une note de couverture ;

[35]   Le policier n’a pas à fouiller et lire des pages de documents comme le contrat d’assurance en entier pour trouver les informations prévues à l’article 97 de la Loi sur l’assurance automobile ;

[36]   De surcroit la date du document est le 25 février 2018 alors que le défendeur a mentionné que c’était la lettre numérisée qu’il a eue en octobre 2017 lorsqu’il a assuré son véhicule ;

CONCLUSION

[37]   Le tribunal sans même se pencher sur la crédibilité de la preuve présentée par le défendeur, mentionne que même s’il croyait ce dernier, il doit en venir à la conclusion que le défendeur n’a pas fourni l’attestation d’assurance prévue à l’article 35 C.s.r. ;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

DÉCLARE               le défendeur coupable de l’infraction ;

CONDAMNE            le défendeur à payer une amende au montant de 30$, en plus des frais et la contribution fixée par la Loi ;

ACCORDE               au défendeur un délai de trente (30) jours pour procéder au paiement.

__________________________________

Jean-Sébastien Brunet j.c.m.

Pour la poursuivante :
Me Yves Tétreault

 

Pour le défendeur :
Se représente seul
Date d’audience : 17 janvier 2019

 


Dernière modification : le 15 mars 2019 à 12 h 25 min.