Extraits pertinents:

[...]

[19]        Par ailleurs, pour déterminer si la dénonciation faite par courriel, comme en l'espèce, répond aux exigences de l'article 2728 C.c.Q., il y a lieu d'examiner la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information[6].

[20]        À cet égard, les articles 28, 31 et 74 de cette loi énoncent :

  1. Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n'exige l'emploi exclusif d'un mode spécifique de transmission.

Lorsque la loi prévoit l'utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis. De même, lorsque la loi prévoit l'utilisation de la poste certifiée ou recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d'un document technologique, au moyen d'un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.

Lorsque la loi prévoit l'envoi ou la réception d'un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cas d'un document technologique, d'un identifiant propre à l'emplacement où le destinataire peut recevoir communication d'un tel document.

  1. Un document technologique est présumé transmis, envoyé ou expédié lorsque le geste qui marque le début de son parcours vers l'adresse active du destinataire est accompli par l'expéditeur ou sur son ordre et que ce parcours ne peut être contremandé ou, s'il peut l'être, n'a pas été contremandé par lui ou sur son ordre.

Le document technologique est présumé reçu ou remis lorsqu'il devient accessible à l'adresse que le destinataire indique à quelqu'un être l'emplacement où il accepte de recevoir de lui un document ou celle qu'il représente publiquement être un emplacement où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés, dans la mesure où cette adresse est active au moment de l'envoi. Le document reçu est présumé intelligible, à moins d'un avis contraire envoyé à l'expéditeur dès l'ouverture du document.

Lorsque le moment de l'envoi ou de la réception du document doit être établi, il peut l'être par un bordereau d'envoi ou un accusé de réception ou par la production des renseignements conservés avec le document lorsqu'ils garantissent les date, heure, minute, seconde de l'envoi ou de la réception et l'indication de sa provenance et sa destination ou par un autre moyen convenu qui présente de telles garanties.

  1. L'indication dans la loi de la possibilité d'utiliser un ou des modes de transmission comme l'envoi ou l'expédition d'un document par lettre, par messager, par câblogramme, par télégramme, par télécopieur, par voie télématique, informatique ou électronique, par voie de télécommunication, de télétransmission ou au moyen de la fibre optique ou d'une autre technologie de l'information n'empêche pas de recourir à un autre mode de transmission approprié au support du document, dans la mesure où la disposition législative n'impose pas un mode exclusif de transmission.

[21]        Ainsi, dans le cas de la dénonciation par le sous-entrepreneur, le Code civil du Québec n'impose pas l'utilisation d'un mode exclusif de transmission pour son envoi. La seule exigence est qu'elle soit donnée par écrit; condition rencontrée par un message courriel.

[22]        Aussi, l'article 31 de la LCCJTI prévoit qu'un tel document est présumé transmis et reçu si les conditions suivantes sont remplies:

-     preuve de l'envoi du document technologique par l'expéditeur et que celui-ci n'a pas été contremandé;

-     preuve que le document technologique est rendu accessible à l'adresse que le destinataire indique à quelqu'un être l'emplacement où il accepte de recevoir de lui un document ou celle qu'il représente publiquement être un emplacement où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés et que cette adresse est active au moment de l'envoi. 

[23]        Ainsi, l'article 31 de cette Loi crée une présomption de réception du courriel à l'égard d'une adresse de courriel publique ou commerciale. Il s'agit toutefois d'une présomption réfragable c'est-à-dire qui peut être renversée par une preuve contraire.

[24]        Cependant, à défaut de réponse formelle au courriel transmis ou de mécanisme permettant de confirmer la réception, il faut reconnaître qu'il est possible qu'il y ait eu un certain délai entre l'envoi et l'ouverture et la prise de connaissance du courriel.

[25]        Il s'agit là de circonstances qu'il appartient au Tribunal d'évaluer en fonction de l'utilisation habituelle du courriel du destinataire.

[26]        De même, lorsqu'il n'y a pas obtention d'une réponse suite à l'envoi d'un courriel, il y a lieu de vérifier si son expéditeur a fait une démarche supplémentaire pour s'assurer que le destinataire l'a reçu.

[27]        En regard des événements survenus le 5 juin 2012, la preuve démontre que monsieur Adam De Champlain, coordonnateur chez la demanderesse, appelle la défenderesse Thibodeau pour l'informer qu'il a obtenu de l'entrepreneur général, la défenderesse Gemco, le contrat des travaux d'installation de fosse septique, de champ d'épuration et de ponceaux chez elle et lui en explique le contenu.

[28]        De même, il lui demande son adresse courriel afin de lui envoyer la dénonciation du contrat en cause.

[29]        De son côté, la défenderesse Thibodeau lui donne son adresse courriel à cette fin.

[30]        C'est ainsi que, le 6 juin 2012, monsieur De Champlain envoie de l'adresse courriel de la demanderesse un message et une pièce jointe à l'adresse courriel de la défenderesse Thibodeau.

[31]        Alors que le message énonce « tel que discuté, voici la dénonciation », la pièce jointe, la dénonciation, fait état du contrat de sous-traitance obtenu par la demanderesse de la défenderesse Gemco relativement à l'installation septique ainsi que du prix des travaux et précise que « le présent avis est donné en conformité avec les dispositions de l'article 274 et suivants (sic) du Code civil du Québec aux fins de conservation de notre droit à l'hypothèque légale de la construction (…) et doit être considéré comme une procédure régulière afin que notre compagnie puisse respecter les exigences du Code civil du Québec ».

[32]        Monsieur De Champlain ajoute avoir envoyé le courriel et qu'il n'y a pas eu de retour de celui-ci à l'effet que l'adresse de la défenderesse Thibodeau était inactive.

[33]        De son côté, la défenderesse Thibodeau affirme que, bien qu'elle soit la seule personne à avoir accès à ses courriels, ce n'est qu'après avoir reçu signification des présentes procédures et fait des démarches auprès du notaire de la défenderesse Gemco et de monsieur De Champlain de la demanderesse qu'elle a alors pris connaissance du courriel de dénonciation de la demanderesse retrouvé dans la corbeille de son ordinateur vu que sa boite courriel est programmée de telle sorte que tout courriel non authentifié ou inconnu est considéré comme un courriel indésirable et, partant, se retrouve à la corbeille.

[34]        Par ailleurs, la preuve ne démontre pas que la demanderesse a fait quelconque démarche supplémentaire pour s'assurer que la défenderesse Thibodeau a pris connaissance du courriel de dénonciation, et ce, avant l'exécution des travaux.

[35]        De la preuve, le Tribunal retient que la dénonciation accompagnant le message courriel à titre de pièce jointe est formulée par écrit et indique l'existence du contrat intervenu entre la demanderesse et la défenderesse Gemco ainsi que son prix.

[...]


Dernière modification : le 17 août 2015 à 8 h 00 min.