Résumé

Dans le cadre d'une demande de la Directrice de la protection de la jeunesse afin de faire déclarer la sécurité et le développement d'un enfant comme compromis et ainsi le confier à une famille d'accueil, un enregistrement audio est déposé en preuve par le procureur de la DPJ, lequel est contesté par la mère au motif que celui-ci a été enregistré à son insu. La DPJ fait valoir que l'enregistrement est un élément matériel de preuve dont l'authenticité et la fiabilité sont établis de par les témoignages recueillis lors du voir-dire. La Cour mentionne que pour conclure à l'authenticité d'un enregistrement, l'identité des interlocuteurs, l'audibilité et l'intelligibilité des propos captés doivent être prouvés. La Cour a autorisé le dépôt en preuve de l'enregistrement, considérant que « le processus d'enregistrement et de transfert ne permettait pas de conclure à la non fiabilité du document, étant entendu au surcroît que la force probante de cet élément matériel se devra d'être apprécié en fonction notamment de la crédibilité des personnes qui l'ont confectionné, du contexte familial qui prévalait, le tout en fonction de l'ensemble de la preuve présentée ».

 

Extraits:

 [30]   Après avoir établi que cet enregistrement constituait un document au sens de l'article 3 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, la Cour a considéré qu'il s'agissait là d'un élément matériel de preuve au sens de l'article 2855 du Code civil du Québec.

[31]   La doctrine nous enseigne que l'élément matériel sera apprécié par le juge.  Il pourra constituer un élément indépendant de preuve établissant le fait à prouver ou encore compléter ou corroborer des témoignages ou donner source à une présomption de faits ou constituer un commencement de preuve[3].

[32]   Le troisième alinéa de l'article 5 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information prévoit que le document dont le support ou la technologie ne permettent ni d'affirmer, ni de dénier que l'intégrité en est assurée, peut selon les circonstances, être admis à titre de témoignage ou d'élément matériel de preuve et servir de commencement de preuve comme prévu à l'article 2865 du Code civil du Québec.

[33]   Par ailleurs, l'article 7 de cette même loi précise qu'il n'y a pas lieu de prouver que le support du document ou que les procédés, systèmes de technologie utilisés pour communiquer au moyen d'un document permettant d'assurer son intégrité, à moins que celui qui conteste l'admission du document n'établisse par prépondérance de preuve qu'il y a eu atteinte à l'intégrité du document.

[34]  Bien qu'on ait tenté d'attaquer la crédibilité des personnes ayant procédé à l'enregistrement, la présomption d'intégrité en soi du document n'a pas été renversée.

[35]  Pour conclure à l'authenticité d'un tel document il faut prouver l'identité des interlocuteurs, l'audibilité et l'intelligibilité des propos captés.

[36]  Toutefois, on ne doit pas en déduire que la recevabilité de cet enregistrement fera en sorte que le juge lui accordera toute la force probante requise.

[...]

[38]    Bien que cet enregistrement ait été fait à l'insu de la mère, il ne s'agit pas en soi d'un motif d'exclusion de cette preuve sous prétexte qu'elle violerait un droit fondamental.

[39]  Dans Bellefeuille c. Morissette, la Cour d'appel est venue dire que c'est plutôt le rejet de cette preuve qui risquerait de déconsidérer l'administration de la justice dans la mesure où il permettrait à celui qui a commis un acte potentiellement répréhensible d'entraver le fonctionnement du système de justice en cachant un fait ou en masquant la vérité.

[41]   La Cour d'appel dans Ville de Mascouche c. Houle est venue préciser que lorsqu'il y a lieu d'établir l'admissibilité d'un élément de preuve obtenu suite à la violation d'un droit fondamental reconnu par la Charte, le juge doit se livrer à un exercice de pondération entre la protection des droits fondamentaux et la recherche de la vérité.

[...]

[45]    En définitive, le droit à la vie privée doit céder le pas au droit à la découverte de la vérité dans une affaire mettant en cause l'intérêt d'un enfant et ce, sans qu'on puisse obligatoirement conclure que cela déconsidère l'administration de la justice.

[46] Tenant compte de la jurisprudence et des dispositions législatives, la Cour a donc autorisé le dépôt de cet élément de preuve enregistré sur CD-Rom estimant que le processus d'enregistrement et de transfert ne permettait pas de conclure à la non fiabilité du document, étant entendu au surcroît que la force probante de cet élément matériel se devra d'être apprécié en fonction notamment de la crédibilité des personnes qui l'ont confectionné, du contexte familial qui prévalait, le tout en fonction de l'ensemble de la preuve présentée.


Dernière modification : le 28 mai 2012 à 14 h 22 min.