Section 1 : Notion de document
Section 2 : Valeur juridique et intégrité des documents
Section 3 : Équivalence de documents (...)
Section 4 : Maintien de l'intégrité (...)
Section 1 : Choix des moyens pour établir le lien
Section 2 : Modes d'identification et de localisation
Section 3 : Certification
Section 1 : Harmonisation des systèmes des normes et des standards techniques
Section 2 : Pouvoirs réglementaires du gouvernement
ÉTUDE PRÉLIMINAIRE
La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (LCCJTI RLRQ c C-1.1)
près de 20 ans plus tard ! : état des lieux et perspectives
Vincent Gautrais*
1 – Mise en contexte
1.1 – Adoption de la LCCJTI
1.2 – Consultation favorisée autour de la LCCJTI
1.2.1 – Outils de vulgarisation de la LCCJTI
1.2.2 – Consultations autour de la LCCJTI
2 – État des lieux
2.1 – État de la doctrine
2.2 – État de la jurisprudence
3 – État du droit
3.1 – Les dispositions à questionner
3.2 – Les dispositions non mises en œuvre
3.3 – Les dispositions non prévues dans la LCCJTI qui pourraient être ajoutées
3.4 – Les dispositions en lien avec de nouveaux textes internationaux (Accord Canada – États-Unis – Mexique)
Sondage. Le présent document est une étude préliminaire effectuée par Vincent Gautrais, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, sur la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (RLRQ c C-1.1) (ci-après « Loi » ou « LCCJTI »). Il constitue la première étape d’un mandat qui nous a été octroyé par le ministère de la Justice du Québec. Aussi, outre les développements proposés, elle entend sonder les personnes intéressées à donner leur point de vue sur ce texte important du droit québécois. Des questions (40) sont donc posées soit avec des choix de réponses soit avec des zones de saisie pour laisser des commentaires. Pour de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter Vincent Gautrais (vincent.gautrais@umontreal.ca). Nous sommes conscients que le présent sondage, inséré dans l’étude préliminaire, est assez long et requiert un temps oscillant entre 30 et 45 minutes. Aussi, sentez-vous à l’aise de ne répondre qu’à une seule partie des questions. Bonne lecture !
* Vincent Gautrais est professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, directeur du CRDP, titulaire de la Chaire LR Wilson en droit du commerce électronique. www.gautrais.com; vincent.gautrais@umontreal.ca; @gautrais. Cette étude a été facilitée grâce au support de Me Kenza Sassi (étudiante au Doctorat – Faculté de droit de l’UdeM – CRDP) et de Rénald Prébé (coordonnateur Chaire L.R. Wilson – CRDP). L’auteur tient également à remercier Me Patrick Gingras (MJQ), Me Marilène Gallien (MJQ), Me Soleïca Monnier (MJQ), Patricia-Anne De Vriendt (Conseil du trésor) pour leurs commentaires sur le présent document. La présente étude a été financée par le ministère de la Justice du Québec. Il importe toutefois de souligner que les positions qui y sont défendues constituent celles du seul auteur et ne sauraient lier le Ministère.
Prénom
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Ces renseignements sont assujettis aux conditions identifiées plus tôt à https://www.lccjti.ca/sondage/.
Mandat. L’objectif de ce mandat proposé par le ministère est d’évaluer comment la LCCJTI doit être envisagée près de vingt ans après son adoption. En effet, alors qu’elle est venue bouleverser plusieurs pans du droit québécois, il importait, d’une part, d’effectuer un état des lieux et, d’autre part, d’envisager si des changements devraient être proposés. Cette évaluation et les propositions éventuelles de changements sont d’autant plus importantes à considérer que le Code de procédure civile (ci-après « N.C.p.c. ») a été totalement revampé depuis et que certains textes internationaux sont intervenus dans l’entrefaite.
Sommaire. Au regard notamment de la situation jurisprudentielle et doctrinale, nous croyons que la Loi présente quelques éléments sujets à caution qu’il serait loisible de revisiter. Ceci dit, il nous semble qu’elle ne devrait pas être trop profondément bouleversée. En effet, après des années d’hésitations, plusieurs signes d’une certaine adéquation entre la jurisprudence et ce texte semblent apparaître. Fort de cette maturité, il est loisible de considérer certaines avenues qui demandent sans doute que la Loi soit légèrement rénovée. La finalité de ce document préliminaire est simple : limité à moins de pages, il va être transmis à des membres de la communauté juridique et d’affaires intéressés par cette Loi pour qu’un échange puisse avoir lieu.
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Introduction. La présente étude préliminaire est le produit d’un mandat confié par le ministère de la Justice du Québec (ci-après « MJQ ») afin de faire un état des lieux de la Loi après presque vingt ans d’existence. En quelques pages seulement, nous souhaitons en effet faire un bref bilan de la situation (Partie 2) mais surtout identifier les dispositions de la Loi qui, peut-être, ont mal vieillies (Partie 3). Préalablement, une rapide mise en contexte sera proposée (Partie 1).
Plan. Au préalable, il nous apparaissait important d’identifier certains éléments de mise en contexte tant au regard de l’adoption de la Loi (1.1) que relativement à de précédentes collaborations que nous avons eues dans le passé (1.2).
Adoption délicate. La loi a été adoptée dans un contexte quelque peu tendu. D’une part, les débats parlementaires ne se sont pas déroulés comme convenu, seulement les sept premiers articles donnant lieu à une analyse. D’autre part, la Loi a finalement été adoptée en juin 2001 lors d’une adoption en bloc à la fin de la session parlementaire.
Réception délicate. Mais au-delà de cette naissance houleuse, la Loi avait préalablement été mal reçue par la communauté juridique. À titre d’exemple, le Barreau du Québec a produit un mémoire exigeant une réécriture substantielle de l’avant-projet de Loi[1]. Cette réception compliquée sera ensuite reprise tant dans la doctrine[2] que dans la jurisprudence. Dans ce dernier cas, cela se fera soit indirectement en omettant d’utiliser la Loi[3], soit en la citant mais sans offrir une réelle analyse[4], soit même directement en la critiquant sans ambages[5].
Face à cette situation de faits, il semble opportun d’entamer un dialogue avec la communauté en place ; dialogue d’ailleurs précédemment entrepris dans le cadre d’un mandat antérieur avec le MJQ en 2011 et qui avait donné lieu à la création d’une plateforme web dédiée à la Loi : www.lccjti.ca. Depuis plus de sept ans, ce site fédère des articles de doctrine (217), des décisions de justice (199) et des propositions de définitions de termes clés de la Loi (37). L’idée derrière cette plateforme était d’offrir du contenu vis-à-vis d’un texte, la Loi, qui présentait un certain niveau de complexité ; d’une doctrine et d’une jurisprudence encore trop peu élaborées.
Dans la même veine que les travaux qui avaient été entrepris en 2011, il semble important de mettre en place une large consultation relativement à la pertinence – ou pas – de revisiter la Loi. Si tel est le cas, il importe de savoir quelles sont les dispositions qui demandent à être rénovées. Aussi, par le présent document, nous souhaitons effectuer une consultation qui se présente de la façon suivante :
Da façon traditionnelle, notre état des lieux va traiter des deux sources classiques qui viennent complémenter tout texte législatif : la doctrine et surtout la jurisprudence. En effet, cette seconde source est un bon indicateur de l’importance de la Loi mais aussi de sa réception par la communauté juridique.
Doctrine en construction. Il est difficile de faire un état des lieux de la doctrine traitant de la Loi dans la mesure où il n’existe pas de registre particulier en la matière. Néanmoins, il nous plait de faire état des 217 documents de doctrine que nous avons publiés sur le site www.lccjti.ca. En effet, et sans prétendre être totalement exhaustif, nous prenons soin d’indexer les articles, ouvrages, rapports qui traitent de près ou de loin de la preuve, de la preuve technologique et de la gestion documentaire.
Création de ponts en droit classique et technologique. Ceci dit, et en quelques lignes seulement, il importe de mentionner que l’une des difficultés majeures rencontrée en analysant cette doctrine, c’est le peu de ponts entre droit traditionnel (droit civil, preuve, etc.) et le droit des technologies, dont notamment la Loi. Dans cette perspective, l’arrêt de la Cour d’appel Benisty c. Kloda[6] est une avancée majeure, et ce, même si nous attendons encore que cette décision obtienne la reconnaissance qu’elle mérite. Dans le même sens, la doctrine a depuis quelques années « maturée » et les liens entre les deux domaines (preuve civile et droit technologique) se tissent peu à peu. À titre d’illustration, et dans cette perspective, la mise à jour du livre de Jean-Claude Royer sur la preuve civile, effectuée par Catherine Piché, va dans le bon sens[7]. En effet, même si la version de 2008 avait participé à préciser la donne sur le sujet, elle n’avait sans doute pas eu le temps de totalement intégrer ce lien entre droit civil et droit des technologies[8]. La fracture est par contre encore visible avec les écrits de Léo Ducharme[9]. Comme pour la jurisprudence que nous allons envisager maintenant, une certaine harmonie semble se mettre en place.
Jurisprudence en construction. La jurisprudence sur la Loi a mis du temps à se consolider. S’il existe en fait un nombre important de décisions, rares sont celles, surtout les 15 premières années, qui traitèrent en profondeur de ces dispositions.
« [54] L’application et l’interprétation de la L.c.c.j.t.i., entrée en vigueur en 2001, n’a jamais véritablement fait l’objet de décisions de nos tribunaux. » [10]
Quantité. Néanmoins, il importe de mentionner que la donne change, et ce, minimalement au regard de deux critères. D’abord, sur le plan quantitatif, nous observons une hausse soutenue des références à la Loi. Sur la base de recherches effectuées sur le site www.canli.org, en juin 2019, il existe 274 décisions où la Loi est citée. En revanche, malgré ce nombre impressionnant, on doit constater, comme nous le verrons plus tard, que plusieurs de celles-ci n’analysent pas véritablement en profondeur la Loi. À titre d’exemple, la disposition la plus citée est l’article 12 sur la notion d’original qui est mentionnée dans 50 décisions. Ceci dit, ce chiffre élevé s’explique par le fait que l’article 2860 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. »), concernant la règle de la meilleure preuve de l’écrit, réfère explicitement à cet article. Ensuite, parmi les articles les plus cités, on peut mentionner :
En résumé, 5 articles sont cités entre 18 et 50 fois (12, 3, 31, 5, 7) et 5 ayant de 6 à 9 occurrences (1, 2, 6, 17, 74), le tout, pour une loi d’environ 75 articles.
Sinon, de façon plus globale, on observe une hausse quantitative qui se manifeste particulièrement depuis les dernières années (2015 – 2019). Ainsi, la Loi qui était citée autour de 10 fois par année les 10 premières années de son existence, dispose désormais d’une moyenne de citation autour de 25 fois par année.
Pour conclure sur le plan quantitatif, mentionnons tout de même que cette moyenne est encore bien faible si on la compare aux 85 000 à 95 000 décisions qui sont rendues publiques chaque année au Québec.
Qualité. Ensuite, sur le plan qualitatif, nous disposons de plusieurs décisions traitant en profondeur de la Loi. Évidemment, un changement de cap est récemment apparu avec la décision Benisty c. Kloda[11] qui est sans doute celle, de surcroît de la Cour d’appel, que l’on attendait depuis longtemps. Même si certains éléments de la décision sont peut-être sujet à interrogation (document magnétique, place des métadonnées, etc.), il n’en demeure pas moins que cet arrêt (2018) est séminal en citant pas moins de 88 fois la Loi ; un record absolu. Un arrêt qui de surcroît élabore un pont jamais réellement créé entre le droit du numérique et le droit de la preuve. Cette jurisprudence constitue une version aboutie de ce qui avait été déjà initié en 2013 par la Cour du Québec[12] avec, certes, « seulement » 7 occurrences. Ces améliorations plutôt récentes nous amènent donc à faire preuve d’une certaine circonspection avec la Loi qui, bien qu’ayant quelques travers, parvient peu à peu à être apprivoisée par la communauté juridique.
Diversité. À cet égard, il faut aussi constater qu’il existe une grande diversité de tribunaux qui utilisèrent ce texte pour le moins transversal, et ce, même si presque les deux tiers des décisions sont le fruit de trois instances (CS (19%) – CQ (34%) – CAI (12%)).
Si ces quelques mots étaient nécessaires pour une présentation liminaire de la Loi, nous croyons que ce troisième pan de notre document constitue le cœur du mandat que nous nous devons de réaliser. Nous croyons possible de séparer les dispositions en quatre catégories.
La présentation des dispositions à questionner dans la Loi concerne des hypothèses qui ne sont pas d’égale intensité. Aussi, nous avons établi une gradation de niveau de 1 à 5, le 1 correspondant à des situations tolérables, et le 5 concernant des dispositions plus problématiques, critiques.
NIVEAU 1 Technologies magnétiques (ARTICLE 1). L’article 1 al. 2 qualifie les documents magnétiques comme étant des documents technologiques.
« 2° (…) documents qui sont sur des supports faisant appel aux technologies de l’information, qu’elles soient électronique, magnétique, optique, sans fil ou autres ou faisant appel à une combinaison de technologies ; »
Cette position ne semble pas de mise à l’article 2874 C.c.Q. où la référence à « ruban magnétique » laisse présager un support « physique ».
« La déclaration qui a été enregistrée sur ruban magnétique ou par une autre technique d’enregistrement à laquelle on peut se fier, peut être prouvée par ce moyen, à la condition qu’une preuve distincte en établisse l’authenticité. Cependant, lorsque l’enregistrement est un document technologique au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (chapitre C-1.1), cette preuve d’authenticité n’est requise que dans le cas visé au troisième alinéa de l’article 5 de cette loi. » (Nos soulignements)
L’arrêt Benisty traite d’ailleurs de cette question et semble dire que
« [74] (…) Je suis d’avis qu’il convient de privilégier l’interprétation selon laquelle un enregistrement sur ruban magnétique est un document technologique. »
Au-delà d’un avis tranché sur la question, il semble important de faire preuve de pragmatisme afin d’évaluer « une erreur dite matérielle lorsque la formulation de la loi est manifestement déficiente. »[13] D’une part, cette question est peut-être plus théorique que pratique dans la mesure où la preuve d’authenticité du document est requise quoi qu’il en soit.
« [84] Cette qualification me semble toutefois plus théorique que pratique. En effet, tel que je l’expliquerai plus loin, je dois reconnaître qu’une partie qui souhaite présenter un document technologique à titre d’élément matériel ou de témoignage ne sera pas dispensée de faire la preuve de son authenticité. »
D’autre part, et dans la même veine, il est légitime de se demander si un régime distinct s’impose entre les documents technologiques et analogiques. En effet, cela revient à se poser la question de la clause par référence à l’article 5 al. 3 de la Loi dans le C.c.Q., précisément aux articles 2855 et 2874.
QUESTION 1 : (ARTICLE 1)
Pensez-vous que cette ambivalence de la LCCJTI devrait être clarifiée ?
[1] BARREAU DU QUÉBEC, Mémoire sur la Loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l’information, 2000, en ligne : Barreau du Québec <https://www.lccjti.ca/files/sites/105/2013/08/MEMOIREBARREAU2000.pdf> (consulté le 12 juin 2019). [2] Voir notamment Michèle LAFONTAINE, « Technologies de l’information au Québec : une technique législative inappropriée », dans Jacques BEAULNE (dir.), Mélanges Ernest Caparros, Montréal, Wilson & Lafleur, 2002, p. 105; Serge KABLAN, « Réglementation des technologies de l’information au Québec : la philosophie du projet de loi 161 en regard du droit canadien », (été 2001) 7-1 Lex electronica, n° 50, disponible en ligne : Lex Electronica (consulté le 12 juin 2019); Jean-Claude Royer, La preuve civile, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003; Claude FABIEN, « La preuve par document technologique », (2004) 38 R.J.T. 533; Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd, Wilson & Lafleur, 2005; Claude MARSEILLE et Raphaël LESCOP, « Règle de la nécessité de l’original », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Preuve et prescription, fasc. 13, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles.[3] Voir par exemple Citadelle, Cie d’assurance générale c. Montréal (Ville), 2005 QCCS 24709.[4] Nous avons perçu à plusieurs reprises le syndrome de ce que nous nous sommes plu à dénommer la règle du « 2/3 – 1/3 ». En effet, dans certaines décisions, les juges citent la Loi en copiant-collant les dispositions s’approchant quelque peu de la cause, et ce, pour environ les deux tiers de leurs développements. Ensuite, très vite, ils élaborent en quelques lignes seulement la justification de leur décision. On peut notamment penser à Lefebvre Frères ltée c. Giraldeau, 2009 QCCS 404; Intercontinental Corporate Technology Services Ltd. c. Bombardier inc., 2008 QCCS 5086; Directeur des poursuites criminelles et pénales c. 3341003 Canada (Restaurant Pizzédélic), 2015 QCCQ 8159.[5] Sécurité des Deux-Rives ltée c. Groupe Meridian construction restauration inc., 2013 QCCQ 1301.[6] 2018 QCCA 608.[7] Catherine PICHÉ, dir. Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 5ième éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2016.[8] Jean-Claude ROYER et Sophie LAVALLÉE, Droit de la preuve, 4ième éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008.[9] Évidemment, ce commentaire ne remet pas du tout en cause la qualité des travaux de l’auteur cité ; simplement, les développements sur la Loi semblent, à notre humble avis, un peu distinct de la vision majoritaire. Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd, Wilson & Lafleur, 2005 ; Léo DUCHARME, « De l’incohérence et de l’impossibilité d’application du régime dérogatoire en matière de preuve des documents technologiques », (2016) 75 Revue du Barreau 319. [10] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608.[11] 2018 QCCA 608.[12] Sécurité des deux-Rives c. Groupe Meridian construction restauration, 2013 QCCQ 1301.[13] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, par. 79.
NIVEAU 1 Ambivalence du terme technologie (ARTICLE 1). Sans que cela ne soit hautement problématique, il faut constater qu’une certaine ambivalence prévaut entre les technologies de l’information que l’on trouve à l’article 1 alinéa 2 et les technologies, que l’on considère comme une composante d’un document. Ainsi, l’article 1 al. 2 liste des exemples de technologies de l’information comme celles qui sont « électronique, magnétique, optique, sans fil ou autres ou faisant appel à une combinaison de technologies ».De l’autre côté, il y a la notion de technologie, souvent au singulier, qui est associée à un document. À titre d’exemple, l’article 2841 C.c.Q., relativement à la distinction entre copie et transfert, base la différence entre ces notions sur le passage d’une technologie à une autre.
QUESTION 2 : (ARTICLE 1)Pensez-vous que cette ambivalence sur le terme « technologie » devrait-être clarifiée ?
QUESTION 3 : (ARTICLE 1)Pensez-vous que le terme « technologie » pourrait être remplacé en certains cas par celui de « format » (comme à l’article 17) ? Un autre terme ?
QUESTION 4 : ZONE DE COMMENTAIRES
NIVEAU 2 Ambivalence entre 2 et 29 (ARTICLE 2 et ARTICLE 29). L’article 2 de la Loi propose un principe général d’utilisation des technologies selon lequel
« chacun peut utiliser le support ou la technologie de son choix ».
Plus loin, à l’alinéa 2, cette idée est renforcée par le fait que
« (…) les supports qui portent l’information du document sont interchangeables et, l’exigence d’un écrit n’emporte pas l’obligation d’utiliser un support ou une technologie spécifique. »
Cette disposition illustre le « libéralisme technologique »[1] de la Loi. Cependant, si cette liberté offerte est très large à l’article 2, elle est plus mesurée à l’article 29, ce dernier établissant des conditions d’application uniquement en matière de transmission.
« Nul ne peut exiger de quelqu’un qu’il se procure un support ou une technologie spécifique pour transmettre ou recevoir un document, à moins que cela ne soit expressément prévu par la loi ou par une convention. De même, nul n’est tenu d’accepter de recevoir un document sur un autre support que le papier ou au moyen d’une technologie dont il ne dispose pas. Lorsque quelqu’un demande d’obtenir un produit, un service ou de l’information au sujet de l’un d’eux et que celui-ci est disponible sur plusieurs supports, le choix du support lui appartient. »
Ainsi, avec ces 2 dispositions, on observe une jurisprudence assez polarisée[2] notamment dans le domaine du droit du travail. Sur la base de l’article 2, certaines tentatives de numérisation des employeurs (notamment relativement à l’accessibilité numérique des fiches de paye) sont validées[3] alors qu’au contraire, sur la base de décisions faisant primer l’article 29, d’autres sont refusées[4]. Ceci dit, nous croyons qu’une conciliation peut être trouvée entre ces deux dispositions, la seconde, l’article 29, établissant des balises limitant la liberté qui semble apparaître aux articles 2 et 29[5]. Plus accessoirement, on peut aussi se demander si l’expression « la loi » contenue aux articles 2 et 29 inclut aussi les règlements[6].
QUESTION 5 : (ARTICLE 2/29)
Pensez-vous que cette ambivalence entre 2 et 29 demande à être clarifiée ?
QUESTION 6 : (ARTICLE 2/29)
Pensez-vous que l’article 29 demande à être éclairé ?
QUESTION 7 : ZONE DE COMMENTAIRES
[1] Mark PHILLIPS, La preuve électronique au Québec, Montréal, Éditions Lexis Nexis, 2010, n° 69.[2] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 40. [3] Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, local 1999 et L’Oréal Canada, [2012] n° AZ-50832524 (T.A).[4] Syndicat de l’Enseignement de la région de la Mitis et Commission scolaire des Monts-et-Marées, [2012] n° AZ-50833548 ; Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) (grief syndical), 2014 QCTA 282 ; Hydro-Québec c. Bergeron, 2017 QCCS 5387 ; Fraternité des travailleurs et travailleuses du préhospitalier du Québec – section locale 592 c. Ambulance Val-D’Or, 2019 QCSAT 9711.[5] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 42 et suiv. [6] Id., par. 37, note 156.
NIVEAU 1 Valeur juridique et effet juridique.(ARTICLE 5). Même si c’est sans doute un élément de détail, nous pouvons constater que la notion de « valeur juridique » est une expression qui est étrangère au droit. On ne la retrouve nulle part par exemple dans le C.c.Q., le terme valeur étant uniquement utilisé pour désigner une consonance pécuniaire. En fait, derrière cette notion, il y a sans doute une fonction probatoire ou une fonction formelle qu’un document est susceptible d’avoir[1]. Une critique est présentée de la même manière par Claude Fabien sur la notion d’« effet juridique »[2] que l’on retrouve dans le même article 5.
QUESTION 8 : (ARTICLE 5)
Pensez-vous que cette terminologie («valeur juridique») devrait être revue ?
[1] Vincent GAUTRAIS, La neutralité technologique : rédaction et interprétation des lois face aux technologies, Montréal, Éditions Thémis, 2012, p. 203.[2] Claude FABIEN, « La preuve par document technologique », (2004) 38 R.J.T. 533, 565 : « Le terme effets juridiques serait mal choisi pour désigner la force probante (…) ». Ceci dit, l’expression « effet juridique » est suivie dans le Règlement européen eIDAS (article 25).
NIVEAU 1 Référence à l’article 5 al. 3 (ARTICLE 5). Il existe une triple ambiguïté en lien avec l’article 5 al. 3. En premier lieu, le texte même présente un certain degré de complexité :
« Le document dont le support ou la technologie ne permettent ni d'affirmer, ni de dénier que l'intégrité en est assurée peut, selon les circonstances, être admis à titre de témoignage ou d'élément matériel de preuve et servir de commencement de preuve, comme prévu à l'article 2865 du Code civil »
En deuxième lieu, s’il existe 20 références à l’article 5 dans la jurisprudence, c’est souvent car une simple répétition est faite des articles 2855 et 2874 C.c.Q. qui utilisent une clause par référence à cette disposition.
« La présentation d’un élément matériel, pour avoir force probante, doit au préalable faire l’objet d’une preuve distincte qui en établisse l’authenticité. Cependant, lorsque l’élément matériel est un document technologique au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (chapitre C-1.1), cette preuve d’authenticité n’est requise que dans le cas visé au troisième alinéa de l’article 5 de cette loi. »
En revanche, il n’y a pas une véritable analyse faite de cet article et aucune jurisprudence ne vient préciser cette hypothèse que l’on identifie à l’article 5 al. 3[1]. En troisième lieu, si une référence explicite est faite à l’article 5 al. 3 dans ces deux dispositions, c’est que ce sont, comme on peut le lire, des documents qui exigent des preuves d’authenticité externes. Or, cette preuve externe que constitue une déclaration ne sera pas requise lorsque la preuve d’authenticité aura été effectuée par des métadonnées, une documentation, etc. [2]. Il nous semble donc qu’une preuve d’authenticité est toujours requise[3], mais celle-ci peut parfois se matérialiser par une documentation interne ou externe. Même si la Cour d’appel a validé une pareille position[4], l’ordonnancement de cette disposition est pour le moins délicat.
QUESTION 9 : (ARTICLE 5)
Pensez-vous que l’article 5 al. 3 est pertinent ?
QUESTION 10 : (ARTICLE 5)
Pensez-vous que cette clause législative par référence devrait être revue ?
QUESTION 11 : ZONE DE COMMENTAIRES
[1] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, par. 104 et 105.[2] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 526. [3] Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd. Wilson & Lafleur, 2005, n° 1419. [4] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, par. 104, est une rare décision où un traitement est quelque peu proposé.
NIVEAU 1 Conjugaison (ARTICLE 6). L’article 6 al. 1, comme l’article 2839 Cc.Q., prévoit des critères pour objectiver l’intégrité. Néanmoins, et comme souligné par le professeur Fabien dans un article de 2004[1], il est étrange que l’adjectif « voulue » ne soit pas conjugué au pluriel, référant à la fois à la stabilité et à la pérennité.
« 6. L’intégrité du document est assurée, lorsqu’il est possible de vérifier que l’information n’en est pas altérée et qu’elle est maintenue dans son intégralité, et que le support qui porte cette information lui procure la stabilité et la pérennité voulue. » (Nos soulignements)
QUESTION 12 : (ARTICLE 6)
Pensez-vous que cette erreur cléricale devrait être corrigée ?
[1] Claude FABIEN, « La preuve par document technologique », (2004) 38 R.J.T. 533, 572.
NIVEAU 5 Principal écueil (ARTICLE 7). L’article 7 est sans doute la disposition la plus critique de la Loi, et ce, même si un arrêt récent de la Cour d’appel en 2018 a adopté une position que nous croyons particulièrement adéquate permettant « d’endiguer » une tendance jurisprudentielle que nous condamnions depuis le début de la Loi. Cette décision est donc en effet le « grand arrêt » que l’on attendait afin de contrer une incongruité majeure selon laquelle une présomption d’intégrité prévaudrait pour tous les documents technologiques.
« 7. Il n’y a pas lieu de prouver que le support du document ou que les procédés, systèmes ou technologies utilisés pour communiquer au moyen d’un document permettent d’assurer son intégrité, à moins que celui qui conteste l’admission du document n’établisse, par prépondérance de preuve, qu’il y a eu atteinte à l’intégrité du document. »
Cette mesure irait à l’encontre d’un principe pluriséculaire, que l’on retrouve à l’article 2803 du C.c.Q., qui se comprend d’autant moins qu’une certaine fragilité inhérente prévaut pour les documents technologiques[1]. La Cour d’appel expose donc avec force le principe selon lequel cette présomption vaut pour l’environnement dans lequel le document est conservé et non le document lui-même.
« [100] Ainsi, l’article 7 L.c.c.j.t.i. ne crée pas de présomption d’intégrité du document, mais seulement une présomption que la technologie utilisée par son support permet d’assurer son intégrité, ce que j’ai appelé la fiabilité technologique. La nuance vient du fait qu’une atteinte à l’intégrité du document peut provenir de différentes sources; on peut penser, à titre d’illustration, que l’information peut être altérée ou manipulée par une personne sans que la technologie soit en cause[2]. » (Nos soulignements)
Cet arrêt met donc possiblement fin à la polémique sur ce point, et ce, même si nous n’avons pu vraiment constater, depuis un an, de décision reprenant la Cour d’appel sur cet aspect. Mais ce n’est pas tout. Le caractère critique de cette disposition prévaut encore 1) avec la seconde préposition de l’article 7 ; mais aussi 2) dans la mesure où elle est reliée à d’autres dispositions du C.c.Q. (article 2840) et 3) du N.C.p.c (article 262).
QUESTION 13 : (ARTICLE 7)
QUESTION 14 : (ARTICLE 7)
[1] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 256. [2] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, par. 100 et suiv.
Prépondérance de preuve. Au-delà de la difficulté en lien avec la présomption de l’article 7, il est également étrange que la seconde proposition de cette disposition mette en place un régime de preuve qui exige une preuve prépondérante dès lors que la contestation du document est avérée.
« De plus, comment est-il concevable qu’une fois qu’il a été démontré qu’un document a été altéré, il soit possible de démontrer qu’il était inaltérable. C’est comme si une fois qu’un navire a coulé, on pouvait encore prouver qu’il était insubmersible[1]. »
QUESTION 15 : (ARTICLE 7)
Pensez-vous que la mention à la prépondérance de preuve doit être repensée ?
[1] Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd. Wilson & Lafleur, 2005, n° 483.
2840 C.c.Q. L’article 2840 C.c.Q. est un copier/coller de l’article 7. Les commentaires prévus à cette disposition s’appliquent donc aussi ici. Cependant, cela nous amène à nous interroger si cette présomption de « fiabilité technologique » [1] vaut uniquement pour les écrits (l’article 2840 est en effet dans la section 6 sur les écrits technologiques) où à l’ensemble des documents technologiques. Les avis divergent sur la question[2].
262 N.C.p.c. Dans un de nos ouvrages[3], nous avons étudié l’historique des dispositions qui, depuis 1965, mettent en place un régime spécial de contestation des documents en offrant une présomption d’authenticité à des documents sur lesquels on peut se fier. C’est le cas des documents signés (1965) ; des actes-semi-authentiques (1992) et de l’inscription informatisée (1992) « effectuée de façon systématique et sans lacunes » [4] . En 2001, et de façon étonnante, ce régime a été étendu à l’ensemble des documents technologiques, la référence au caractère systématique et sans lacunes n’étant plus requise. Même si une partie de la doctrine considère que ce régime dérogatoire ne vaut que pour l’environnement[5], tout comme la Cour d’appel[6], il est nécessaire de s’interroger sur le fait que l’article 262 N.C.p.c. reproduit non seulement les modalités de 89 al. 1 (4) de l’ancien C.p.c., mais étend possiblement son application. Assurément, cette « nouvelle » disposition de 2016 demande à être regardée au regard de la Loi[7].
QUESTION 16 : (ARTICLE 7)
Pensez-vous que l’article 262 N.C.p.c. devrait être repensé ?
QUESTION 17 : ZONE DE COMMENTAIRES
[1] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, par. 100.[2] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 579. [3]Id., par. 416 et suiv. [4] Ancien article 2838 C.c.Q. Outre ces critères qualitatifs, et selon le professeur Ducharme, cette présomption ne valait que pour le système informatique mais pas pour le document à proprement parler ; Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd, Wilson & Lafleur, 2005, par. 484.[5] Jean-Claude ROYER et Sophie LAVALLÉE, Droit de la preuve, 4ième éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, par. 407.[6] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, par. 113 (voir la note 75).[7] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 73 à 75.
NIVEAU 1 Valeur juridique (ARTICLE 9). Les mêmes commentaires que pour l’article 5 peuvent être proposés pour l’article 9. Comme pour l’article 5, la jurisprudence montre la difficulté d’interpréter cette notion.
« 9. Des documents sur des supports différents ont la même valeur juridique s'ils comportent la même information, si l'intégrité de chacun d'eux est assurée et s'ils respectent tous deux les règles de droit qui les régissent. L'un peut remplacer l'autre et ils peuvent être utilisés simultanément ou en alternance. De plus, ces documents peuvent être utilisés aux mêmes fins. »
Mais de façon plus substantielle, il est loisible de s’interroger sur la pertinence de cette disposition qui n’a donné lieu à aucune jurisprudence véritable[1]. Une disposition qui tente, selon nous, de seulement faciliter l’admission en preuve d’un document qui présenterait des différences de forme, de présentation.
QUESTION 18 : (ARTICLE 9)
QUESTION 19 : (ARTICLE 9)
Pensez-vous que cette disposition devrait être modifiée ou abrogée ?
[1]Id., par. 232.
NIVEAU 3 Équivalence fonctionnelle et original (ARTICLE 12). L’article 12 de la Loi, comme mentionné plus tôt, est la disposition, et de très loin, qui est la plus citée dans la jurisprudence. En revanche, il est notable de constater qu’aucune décision n’a pris le soin d’interpréter la distinction entre les trois types de fonctions que l’original est susceptible de remplir. Cette analyse est d’autant plus complexe que l’approche suivie est unique quand on la compare avec ce qui s’est fait dans d’autres juridictions. Des trois notions juridiques les plus utilisées que sont l’écrit, la signature et l’original, ce dernier est celui qui pose le plus de difficultés à transposer dans le numérique. En effet, à cause du fait que cet office de « raccommodage » est contre-nature, l’original étant fortement ancré dans le support papier, il est souvent délicat de déterminer la fonction pour laquelle l’original a été créé[1]. C’est la raison pour laquelle plusieurs juridictions ont une approche fonctionnelle plus simple, centrant la notion d’original autour de l’intégrité[2] ou de l’authenticité[3]. Ce dernier point est d’ailleurs, depuis longtemps, pris en compte quand vient le temps de considérer la notion d’original associé à la règle de la meilleure preuve :
« En un mot, la règle de la meilleure preuve, veut dire qu’on ne doit pas faire une preuve qui, à sa face même, laisse voir que la partie pourrait recourir à une autre source d’information plus satisfaisante, plus digne de confiance en elle-même. »[4]
Plus récemment, la jurisprudence se limita à cette perspective en associant l’original à cette même quête de diligence afin de s’assurer de l’authenticité du document que l’on souhaite prouver[5]. Il est donc légitime de s’interroger si la Loi ne va pas trop loin en décortiquant de la sorte les trois fonctions que l’original est susceptible d’avoir. D’autant que certaines confusions prévalent notamment entre la première et la troisième fonction (« source première » (al.1) et « forme première d’un document relié à une personne » (al. 3)) [6].
QUESTION 20 : (ARTICLE 12)
QUESTION 21 : (ARTICLE 12)
Pensez-vous que la référence aux fonctions de l’original pourrait être simplifiée (fonction généralisée référant au document source) ?
QUESTION 22 : ZONE DE COMMENTAIRES
[1] « Un juge qui doit évaluer le respect de la condition d’un original doit donc au préalable tenter d’identifier pourquoi, pour quelle fonction, cette condition formelle est exigée » ; Vincent GAUTRAIS et Patrick GINGRAS, « La preuve des documents technologiques », (2010) 22-2 Cahiers de propriété intellectuelle 267.[2] On peut notamment penser aux travaux de la CNUDCI ; Convention des Nations Unies sur l’utilisation de communications électroniques dans les contrats internationaux, Rés. AG 60/2, Doc. Off. AG NU, 60e sess., Doc. NU A/RES/60/2 (2005), en ligne : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/electronic_commerce/2005Convention.html (consulté le 14 juin 2019), art. 9.4. [3] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 286 et suiv. [4] François LANGELIER, De la preuve en matière civile et commerciale, Montréal, Éditions C. Théoret, 1895, n° 238.[5] Sécurité des Deux-Rives ltée c. Groupe Meridian construction restauration inc., 2013 QCCQ 1301.[6] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 292 à 304.
NIVEAU 3 Distinction copie / transfert (ARTICLE 15, ARTICLE 17 et ARTICLE 2841). La notion de « transfert » est un néologisme qui a été créé par la Loi. Bien que déstabilisante, il s’agit d’une forme de reproduction qu’il importait de créer dans la mesure où elle ne se base pas sur le critère de « fidélité » que l’on retrouve dans la copie (article 15). D’ailleurs, à titre de comparaison, si le droit français n’a pas légiféré sur la notion[1], la jurisprudence de la Cour de cassation a introduit la notion de « réplique informatique » pour représenter la migration de fichiers d’une organisation dont la mise en forme a été modifiée dans l’opération[2]. Il y a donc bien deux formes de reproduction comme cela apparaît à l’article 2841 C.c.Q. ; deux formes de reproduction qui peuvent se résumer ainsi : alors que la copie a généralement un office de multiplication[3], le transfert a davantage pour objet une substitution[4]. Ceci étant dit, cette cohabitation des deux notions n’est pas sans difficultés. En premier lieu, la jurisprudence n’a pas pleinement maitrisé la distinction entre les deux[5], et ce, même si des décisions récentes semblent déceler la différence[6]. En deuxième lieu, et comme nous le reverrons plus tard, il importerait d’opérer un parallélisme quant aux hypothèses où la copie est acceptée en lieu et place de l’original comme cela apparaît à l’article 2860 C.c.Q. En effet, si on autorise « une copie qui légalement en tient lieu », il serait sans doute important que cela vaille de la même manière pour le transfert[7]. De façon similaire, quand le corpus législatif évoque la notion de « copie certifiée », il importerait de savoir si un transfert documenté pourrait équivaloir[8]. En troisième lieu, et peut-être surtout, on peut légitimement se demander si ce cumul des deux formes de reproduction n’est pas une source de complexité inutile :
« Pour une raison obscure à nos yeux, le législateur a choisi d’adopter des règles distinctes pour l’un et l’autre, ce qui ne manque pas de causer d’importants problèmes d’interprétation. »[9]
Cette question est d’autant plus pertinente qu’en fin de compte, le régime distinct propre à chacune des formes de reproduction n’est pas si différent. En effet, la certification est une forme particulière de documentation ; d’autant que l’article 2841 al.3 C.c.Q. a grandement libéralisé la façon de la matérialiser.
QUESTION 23 : (ARTICLE 15/17)
Y-aurait-il lieu d’unifier les statuts de la « copie » et du « transfert » ?
QUESTION 24 : ZONE DE COMMENTAIRES
[1] Si ce n’est dans un cadre très particulier d’un décret sur les actes notariés numériques.[2] Civ. 2, 17 mars 2011, no 10-14850. Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 327. [3] Il est en effet possible de trouver des hypothèses où une copie est opérée pour des fins de substitution. En effet, on peut imaginer une organisation reproduire des fichiers d’un cédérom vers un serveur, la durée du premier étant limitée. Dans ce cas, il y a bien copie (la technologie ne change pas) mais le « nouveau » document sert à pallier les défauts de l’ancien.[4] Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 306 et 328. [5] Sécurité des Deux-Rives ltée c. Groupe Meridian construction restauration inc., 2013 QCCQ 1301 ; Lefebvre Frères ltée c. Giraldeau, 2009 QCCS 404 ; Intercontinental Corporate Technology Services Ltd. c. Bombardier inc., 2008 QCCS 5086.[6] Benisty c. Kloda, 2018 QCCA 608, par. 137 ; Tabet c. Equityfeed Corporation, 2017 QCCS 3303; Simonetti c. El Moumni, 2016 QCCQ 11616 ; B.L. c. Maison sous les arbres, 2013 QCCAI 150.[7] Vincent GAUTRAIS et Patrick GINGRAS, « La preuve des documents technologiques », (2010) 22-2 Cahiers de propriété intellectuelle 267 ; Vincent GAUTRAIS, La preuve technologique, 2ième édition, 2018, LexisNexis Canada, Montréal, par. 333. [8] À titre d’exemple, on trouve la notion de « copie certifiée » dans pas moins de 447 lois ou règlements (selon une recherche CanLII).[9] Claude MARSEILLE et Raphaël LESCOP, « Règle de nécessité de l’original », dans Preuve et prescription, coll. « Droit civil », Obligations et responsabilité civile, fasc. 13, JurisClasseur Québec, Montréal, LexisNexis, 2008, feuilles mobiles, par. 44.
NIVEAU 1 Recherche extensive (ARTICLE 24). La Loi a innové en proposant une disposition visant en encadrer les recherches extensives concernant les banques de données, notamment disponibles en ligne.
« L’utilisation de fonctions de recherche extensive dans un document technologique qui contient des renseignements personnels et qui, pour une finalité particulière, est rendu public doit être restreinte à cette finalité. Pour ce faire, la personne responsable de l’accès à ce document doit voir à ce que soient mis en place les moyens technologiques appropriés. Elle peut en outre, eu égard aux critères élaborés en vertu du paragraphe 2° de l’article 69, fixer des conditions pour l’utilisation de ces fonctions de recherche. »
À titre d’illustration, comment s’assurer qu’une banque de données comme CanLII, accessible en ligne, ne puisse servir à certaines personnes de retracer certaines informations sur des individus ; en l’occurrence, dans cet exemple, ce principe doit être mis en contexte avec le principe de publicité des décisions de justice. Une autre hypothèse à laquelle on peut penser est le développement de l’Open Data où des ministères et organismes notamment mettent à la disposition du public des données sur leurs activités. Il faut s’assurer que cette mise à la disposition ne puisse être attentatoire à la protection des renseignements personnels des individus. La jurisprudence est peu prolixe sur le sujet et l’article 24 n’a pas vraiment donné lieu à beaucoup d’analyse[1]. Toutefois, nous ne sommes pas sûr qu’il faille intervenir sur ce texte qui est en mesure de laisser une certaine souplesse aux juges pour l’interpréter.
Règlement. En revanche, où il y a peut-être à s’interroger est sur le fait de savoir si un règlement doit être adopté afin de préciser les modalités à mettre en place lors de la mise à disposition d’une banque de données. En effet, c’est une possibilité offerte à l’article 69 al. 2 que de déterminer les normes à suivre. Ceci dit, il est loisible de s’interroger sur le fait de savoir si un tel règlement est requis, les manières de faire pouvant tout à fait être mises en place par l’institution concernée ; si les enjeux sont suffisamment grands pour justifier une telle intervention étatique.
QUESTION 25 : (ARTICLE 24)
L’article 24 devrait-il être modifié afin de faciliter la mise à disposition de banques de données publiques ? Si oui comment ?
COMMENTEZ.
[1] Patrick GINGRAS et Anne-Marie MARTIN, Commentaire sur la décision D. (M.) c.Montréal (Ville de) – La cohabitation imparfaite des articles 55 de la Loi sur l'accès et 24 LCCJTI » dans Repères, novembre 2014, La référence, EYB2014REP1607.
Si le cœur de nos développements porte sur les dispositions actuelles, il est également loisible de se demander s’il n’y aurait pas lieu d’aller de l’avant en identifiant des avenues qui n’ont pas encore été mises en œuvre. Plus exactement, il y a d’abord des dispositions qui offraient la possibilité de « botter en touche » en autorisant certaines instances à préciser des règles s’appliquant en la matière. C’est le cas de l’article 8 qui prévoit la possibilité pour l’exécutif de passer un décret, alors que l’article 69 prévoit plutôt que des règlements peuvent être adoptés. Ensuite, il existe certains questionnements qui en 2001 n’ont pas été traités et qui mériteraient, près de 20 ans plus tard, d’être considérés.
NIVEAU 1 Décrets applicatifs (ARTICLE 8). La Loi avait bien clairement identifié que des décrets pouvaient compléter la généralité nécessaire du texte législatif. Mieux, il était prévu qu’une présomption pourrait être associée aux prescriptions introduites par ledit décret.
« 8. Le gouvernement peut, en se fondant sur des normes ou standards techniques approuvés par un organisme reconnu visé à l’article 68, décréter qu’un dispositif est apte à remplir une fonction déterminée. Lorsque le décret indique le dispositif visé, la fonction qu’il doit remplir ainsi que la norme ou le standard retenu, il n’y a pas lieu de faire la preuve du fait qu’il est apte à remplir cette fonction. »
« 8. Le gouvernement peut, en se fondant sur des normes ou standards techniques approuvés par un organisme reconnu visé à l’article 68, décréter qu’un dispositif est apte à remplir une fonction déterminée.
Lorsque le décret indique le dispositif visé, la fonction qu’il doit remplir ainsi que la norme ou le standard retenu, il n’y a pas lieu de faire la preuve du fait qu’il est apte à remplir cette fonction. »
Comme constaté, rien ne fut produit. Pourtant, il y a un certain nombre de questions qui aurait pu bénéficier d’une telle production normative. À titre d’exemple, l’intégrité telle que définie à l’article 6 mériterait d’être précisée selon les contextes d’application. De la même manière, les hypothèses de transfert de documents où la destruction des documents sources est prévue pourraient être précisées dans un tel document. Également, il serait envisageable de prévoir des règles propres à certains secteurs d’activité. Quoi qu’il en soit, il existe plusieurs questions qui souffrent de l’absence de règles claires.
Pouvoir circonscrit. Ceci dit, le pouvoir de décréter semble assez limité. En effet, il ne porte que sur un « dispositif » qui identifie « la fonction qu’il doit remplir ». Par dispositif, on peut comprendre « un appareil, un mécanisme ou un procédé, (…) apte à remplir une fonction déterminée »[1].
Ensuite, ce pouvoir ne semble se cantonner qu’au fait d’identifier une norme ou un standard existant. De façon plus générale, il est loisible de se demander si c’est au gouvernement d’effectuer ce rôle d’identification.
QUESTION 26 : (ARTICLE 8)
Un décret devrait-il être envisagé ? Dans quel domaine en particulier ?
Donnez des exemples de sujets justifiant l’adoption d’un décret.
QUESTION 27 : (ARTICLE 8)
Pensez-vous que ce pouvoir prévu à l’article 8 devrait disparaître ?
[1] GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Loi annotée par article, article 8, 2001, disponible à https://www.tresor.gouv.qc.ca/ressources-informationnelles/cadre-normatif-de-gestion-des-ressources-informationnelles/loi-concernant-le-cadre-juridique-des-technologies-de-linformation/loi-annotee-par-article/loi-annotee-par-article-article-8/.
Processus de production. En fait, et même s’il ne s’agit pas du mode exclusif de production, l’article 8 fait explicitement référence au Comité d’harmonisation, précisément à l’article 68. Cette disposition identifie deux types d’institutions habilitées à produire de tels compléments d’information : les organismes de production de normes, plus formellement établis, mais aussi un « groupement d’experts », élargissant ainsi, avec une certaine souplesse, une souplesse certaine en fait, les organisations en mesure de produire de telles prescriptions. On pourrait donc facilement imaginer une association universitaire, professionnelle, jouer ce rôle de validation de la production ou de l’identification des normes techniques.
Présomption. Ce qu’il importe aussi de signaler c’est que ce « botté en touche » qui est proposé par la Loi permet de remplir deux objectifs. En premier lieu, c’est que ce décret ne consistera pas forcément à générer de nouvelles normes mais pourra se « limiter » à identifier certaines d’entre elles, préexistantes. Le décret pourra donc servir à « adouber » des normes existant déjà ; et qui sont souvent très nombreuses. En second lieu, il est prévu qu’une présomption peut être offerte à un procédé ou à une norme que l’on juge comme étant fiable (second alinéa de l’article 8). Si la mesure est séduisante, il est loisible de s’interroger sur la pertinence d’une telle présomption en toutes circonstances. En effet, si cela se conçoit bien pour l’utilisation de certains procédés, par exemple un dispositif de signature[1], il n’est pas évident que cela se transpose à une norme technique en général. En effet, la présomption a pour effet de faire porter la charge de la preuve sur l’autre partie ; or, cette autre partie sera souvent démunie afin de prouver que l’application de la norme est déficiente ou autrement mal effectuée. Il est donc envisageable que ces possibles décrets ne donnent pas forcément lieu à une telle présomption.
QUESTION 28 : (ARTICLE 68)
Pensez-vous qu’une telle présomption pourrait être intéressante ?
[1] De telles présomptions existent par exemple dans certains textes soit internationaux, régionaux ou nationaux relativement à certains procédés de signature sécurisée (comme par exemple des infrastructures à clé publique).
NIVEAU 1 Comité d’harmonisation (ARTICLE 63). Outre la possibilité de décret, la Loi autorise une extension avec le Comité d’harmonisation. Cette manière de faire est classique et permet d’introduire de la souplesse dans un domaine qui en demande, d’autant qu’une Loi est forcément plus difficile à modifier. Malheureusement, le procédé actuel a montré certaines limites lors d’une nomination qui a eu lieu en 2010[1]. En premier lieu, le processus de nomination est particulièrement lourd, la nomination s’étant opérée par le Conseil des ministres. Il est même loisible de se demander si la précision prévue dans le processus de nomination est requise. En deuxième lieu, le processus autour du Comité d’harmonisation a été conçu comme une organisation de production normative alors que bien davantage c’est un rôle d’identification des normes existantes applicables qui aurait dû être considéré. Pour illustrer cette tangente, la présidence est assurée par le Bureau de normalisation du Québec (article 63) qui doit élaborer des « guides de pratique » (article 65). En troisième lieu, le Comité d’harmonisation disposait d’une forte représentation du secteur public par rapport au secteur privé.
Comité indépendant. De façon plus générale, il est même possible de se demander si cet outil institutionnel ne pourrait pas être repensé plus globalement en permettant qu’il soit moindrement attaché à l’État qu’il ne l’est actuellement. Il serait par exemple possible de croire qu’une pareille organisation soit par exemple associée au monde universitaire ou à l’industrie. En pareil cas, il faudra néanmoins s’assurer qu’elle dispose d’un certain nombre de garanties tant processuelles que substantielles afin que sa légitimité soit assurée. Il est même loisible de se demander si un tel comité doit être prévu dans la Loi, une pareille organisation pouvant s’effectuer en marge de l’État.
QUESTION 29 : (ARTICLE 63)
Pensez-vous que le comité d’harmonisation devrait être modifié ?
QUESTION 30 : (ARTICLE 63)
QUESTION 31 : ZONE DE COMMENTAIRES
[1] Le comité d’harmonisation s’est réuni 6 ou 7 fois suite à sa nomination en 2010 : https://www.emplois-superieurs.gouv.qc.ca/Nominations/Communique/2010-03-10.
NIVEAU 1 Règlements applicatifs (ARTICLE 69). Au-delà de l’article 8 qui autorise l’exécutif de passer des décrets, l’article 69 prévoit l’hypothèse où le gouvernement souhaite adopter des règlements sur quatre sujets en particulier (valeur archivistique, recherche extensive, certification, intégrité). Si le processus est sans doute plus complexe, il importe de se demander d’abord si un tel processus est nécessaire. À titre d’exemple, de tels compléments normatifs ne semblent pas requis concernant la certification où l’industrie s’est régie elle-même, se basant notamment sur des normes existantes. Un débat peut donc avoir lieu quant à la nécessité de passer par le biais d’un règlement pour produire de la norme sur ces sujets. Ensuite, et dans le sens contraire, il est loisible de se demander s’il y a lieu d’étendre le pouvoir de réglementation sur d’autres domaines que ceux identifiés à l’article 69.
QUESTION 32 : (ARTICLE 69)
QUESTION 33 : (ARTICLE 69)
Pensez-vous que le domaine d’application de l’article 69 est trop étroit ?
QUESTION 34 : (ARTICLE 69)
QUESTION 35 : ZONE DE COMMENTAIRES
NIVEAU 1 Article 2860 C.c.Q. (ARTICLE 80). L’article de base de la règle de la meilleure preuve prévoit la production de l’original pour les écrits. Ceci dit, une exception majeure prévaut depuis déjà longtemps dès lors qu’il existe « une copie qui légalement en tient lieu » ; à savoir une copie certifiée. Dans la mesure où la Loi introduit désormais l’existence de deux formes de reproduction, il est loisible de se demander s’il ne faudrait pas autoriser aussi « un transfert qui légalement en tient lieu »[1] ; à savoir un « transfert documenté ».
QUESTION 36 : (ARTICLE 80)
[1] Vincent GAUTRAIS et Patrick GINGRAS, « La preuve des documents technologiques », (2010) 22-2 Cahiers de propriété intellectuelle 267.
NIVEAU 1 Conjugaison (ARTICLE 80). Un peu comme pour l’article 6, nous nous interrogeons sur l’existence d’une erreur d’accord à l’article 80 de la Loi qui est devenu l’article 2860 al. 3 C.c.Q.
« À l’égard d’un document technologique, la fonction d’original est remplie par un document qui répond aux exigences de l’article 12 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (chapitre C-1.1) et celle de copie qui en tient lieu, par la copie d’un document certifié qui satisfait aux exigences de l’article 16 de cette loi. » (Nos soulignements)
Dans cette disposition, on évoque en effet l’idée d’une « copie qui en tient lieu d’original » dès lors qu’il y a « copie d’un document certifié ». Avec égard, nous croyons que l’accord devrait se faire avec le mot « copie » et non pas « document », ce qui semble d’ailleurs être confirmé dans la version anglaise (by a certified copy of the document). En fait, nous pensons que l’article devrait référer tout simplement à « copie certifiée », la référence à la notion de document n’étant pas ici requise soit « par la copie certifiée qui satisfait aux exigences de l’article 16 de cette loi ».
QUESTION 37 : (ARTICLE 80)
eIDAS. Il est difficile d’identifier les prescriptions que la Loi aurait pu prévoir dans la mesure où celle-ci a fait preuve d’une certaine innovation en allant beaucoup plus loin que la plupart des lois canadiennes sur ce sujet. À titre d’exemple, plusieurs des lois des provinces et territoires canadiens se sont limitées à reproduire les dispositions de la Loi-modèle de la CNUDCI sur le commerce électronique de 1996, texte qui ne fait que préciser de rares notions comme l’écrit, la signature, l’original. En dépit de plusieurs travers, la Loi est donc passablement innovante quand on la compare avec d’autres. En fait, un texte étranger qui peut s’avérer utile pour l’identification des dispositions nouvelles est le règlement européen dit eIDAS[1]. Ce texte vise notamment à faciliter l’utilisation de procédés, dits « qualifiés », qui respectent certaines conditions.
Présomption associée à la signature. Comme dans le règlement eIDAS, il serait possible d’envisager que certaines formes de signatures, dès lors qu’elles respectent des conditions de sécurité prédéterminées, puissent bénéficier d’une présomption de validité. Ce régime prévaut pour ce que ce texte dénomme les « signature qualifiées ». Si nous avons vu plus tôt que la solution de la présomption devait être utilisée avec parcimonie, ici la donne serait différente dans la mesure où la qualification donnée passerait forcément par l’intervention d’un tiers de confiance. Il serait donc possible d’étoffer l’article 39 sur la signature qui ne fait que reproduire la pertinence de l’article 2827 C.c.Q. Bien évidemment, une telle présomption n’aurait pas pour effet d’empêcher la jurisprudence de reconnaitre des signatures utilisant un autre mode d’identification. Un tapuscrit par exemple pourrait continuer à valoir signature dès lors que les fonctions requises sont réunies.
CNUDCI. Même si les travaux sont encore préliminaires, la CNUDCI, lors de sa dernière séance en avril 2019, a décidé de travailler sur les services de confiance qui permettraient de faciliter le commerce électronique. Ainsi, un projet de thématique a été proposé portant sur la gestion d’identité et les services de confiance[2].
QUESTION 38 : (PRÉSOMPTION)
Pensez-vous qu’une telle présomption pourrait être envisagée afin de faciliter la mise en preuve d’une signature dûment qualifiée ?
Présomptions pour d’autres procédés. Comme dans le règlement eIDAS, cette présomption pourrait aussi s’appliquer à d’autres services comme le cachet[1] (article 13 de la Loi), les services de garde (article 26 de la Loi), l’horodatage[2] ou les services d’envoi recommandé[3]. Ceci étant dit, il est difficile d’évaluer si cette manière de faire européenne pourrait être d’intérêt au Québec où une plus large place est laissée à l’industrie.
[1] Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE, disponible à https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32014R0910&from=FR.[2] Projet de dispositions relatives à la reconnaissance internationale de la gestion de l’identité et des services de confiance, avril 2019, disponible à https://undocs.org/fr/A/CN.9/WG.IV/WP.157. [1] Id., article 35.[2] Id., article 41.[3] Id., article 43.
Nous n’avons pas autrement envisagé la compatibilité de la Loi avec des lois provinciales québécoises, dans la mesure où la plupart de celles qui sont apparues subséquemment faisaient justement référence à la Loi. C’est notamment le cas du N.C.p.c. qui fait explicitement référence à ce texte. De la même manière, nous n’avons pas vu de conflit potentiel entre des lois fédérales canadiennes et la Loi, soit du fait de l’absence de différences substantielles soit à cause de l’absence de contact étant donné le partage des compétences. En revanche, il nous semble important de mettre la Loi en contexte avec un texte international portant sur des domaines propres à la Loi à savoir le récent Accord Canada – Etats-Unis – Mexique signé entre les trois pays (ci-après le « CUSMA »).
Commerce numérique. Le CUSMA est en cours d’adoption. Or, si la portée est évidemment très extérieure à celle de la Loi, il y a quelques liens qu’il est possible d’identifier entre les deux textes. En fait, le Chapitre 19 s’intitulant « Commerce numérique »[1] prévoit de rares dispositions qui entrent en contact avec le domaine d’application de la Loi. Nous pouvons en relever principalement deux : une est en contact direct et l’autre est plus indirect.
Signature compatible. Plusieurs articles traitent spécifiquement et directement des méthodes d’authentification. Sans les décrire toutes, on peut seulement considérer qu’aucun problème ne semble prévaloir afin de faire concorder les deux textes.
« signature électronique désigne les données sous forme électronique contenues dans un document ou un message électronique, ou jointes ou logiquement associées à celui-ci, pouvant être utilisées pour identifier le signataire dans le cadre du document ou du message électronique et indiquer qu’il approuve l’information qui y est contenue. »[2]
Ceci vaut tant pour la définition même de signature électronique qui est proposée au début du chapitre qui reprend les deux fonctions identifiées à l’article 2827 C.c.Q. et reprise à l’article 39 de la Loi. Cela vaut aussi pour l’article 19.6 de la CUSMA dont les développements ne nous semblent aucunement incompatibles. Mieux, on y voit proclamé l’interopérabilité, conformément à l’article 1 al.5 de la Loi.
Écrit problématique. Plus indirectement cette fois, un éventuel problème de compatibilité pourrait surgir de la référence faite à la Loi-modèle de la CNUDCI de 1996 sur le commerce électronique. En effet, l’article 19.5 al. 1 prévoit :
« Chacune des Parties maintient un cadre juridique régissant les transactions électroniques conformément aux principes énoncés dans la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique de 1996. »
En 2008, nous avions été mandatés par le ministère de la Justice du Canada afin d’évaluer la compatibilité de ce texte avec la Loi. Dans un document rendu public, nous avions souligné que si l’ensemble du document de la CNUDCI était compatible, un concept risquait d’achopper, à savoir, celui de l’écrit électronique[3]. En effet, une discordance apparaissait entre les fonctions de l’écrit dans le texte de la CNUDCI et celles prévues par la Loi. Alors que le premier faisait valoir le critère de la consultation ultérieure[4], la seconde misait sur la notion d’intégrité.
Compatibilité à expliciter. Il nous est possible de constater une distorsion entre les deux textes, soit la CNUDCI et la Loi, quant aux fonctions que l’écrit se doit de satisfaire. Alors que le premier texte axe sur les fonctions que l’écrit doit respecter en tant que condition formelle, la Loi cible davantage les fonctions de preuve qu’un écrit doit respecter, comme la plupart des autres documents (intégrité et lien avec l’auteur). Bien que cette discordance de fonctions soit source à complexité, il est sans doute possible d’expliciter ces différences.
QUESTION 39 : (CUSMA)
QUESTION 40 : (GÉNÉRAL)
[1] https://www.international.gc.ca/trade-commerce/assets/pdfs/agreements-accords/cusma-aceum/r-aceum-19.pdf.[2] Id., article 19.1 (Définitions).[3] Vincent GAUTRAIS, Analyse comparative de la Convention des Nations Unies sur l’utilisation des communications électroniques dans les contrats internationaux au regard du droit civil québécois, août 2008, disponible à https://www.gautrais.com/fichiers/2018/02/FINAL._gautrais.ELECTRONIC_COMMERCE.fr_.pdf.[4] L’article 9 al. 2 de la Loi-modèle prévoyait que l’écrit est réalisé dès lors que « l’information qu’elle (la communication électronique) contient est accessible pour être consultée ultérieurement. ». (nos soulignements)
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