Extraits du jugement

LES FAITS

[4]           Le 29 mai 2014, le Syndicat signe une entente de service avec l’Association des employés(es) des traversiers (Baie–Sainte–Catherine–Tadoussac).

[5]           Cette entente contient notamment les paragraphes suivants :

[…]

Les parties conviennent ce qui suit :

1.   L’objectif de cette entente de service est de permettre au Syndicat de mieux connaître Unifor et de favoriser une syndicalisation future.

[…]

12. Lors de la période légale, le Syndicat et ses membres joindront Unifor dans le but de déposer une requête en accréditation au nom d’Unifor.

[…]

[6]           D’où la présente requête en accréditation.

[7]           Le rapport sommaire de vérification transmis aux parties, par l’agente de relations du travail, indique que l’original de la requête en accréditation n’est pas signé par le mandataire du Syndicat, Michel Ouimet. Elle ajoute qu’une photocopie de sa signature provenant d’un autre document a été découpée et collée avec du ruban adhésif sur l’original de la requête.

[8]           Dans son rapport sur le caractère représentatif, l’agente mentionne avoir vérifié les documents du Syndicat. Elle précise que le procès-verbal de la résolution n’est pas signé par le mandataire du syndicat. Une photocopie de sa signature provenant d’un autre document a été découpée et collée avec du ruban adhésif sur celui-ci.

[9]           À l’audience, le Syndicat dépose une déclaration assermentée de monsieur Ouimet dans laquelle il affirme avoir autorisé le personnel de bureau à apposer sa signature électronique en son absence sur les deux documents. Il ajoute avoir été informé que, pour une raison technique qu’il ignore, l’adjointe administrative n’a pas été en mesure d’apposer sa signature électronique.

[10]        Le deuxième mandataire du Syndicat, monsieur Lepage, a par ailleurs dûment signé la requête en accréditation.

[11]        Le Syndicat prétend que le fait d’apposer la copie d’une signature avec du ruban adhésif sur le procès-verbal de la résolution est un vice de forme qui n’emporte pas nullité au sens de l’article 151 du Code qui se lit comme suit :

151.   Aucun acte de procédure fait en vertu du présent code ne peut être rejeté pour vice de forme ou irrégularité de procédure.

[17]        Dans l’affaire Restaurants Chatelaine limitée et Union des employés de service, Local 298, C.S. Montréal, 500-05-002478-848, 9 mai 1984, j. Hannan, [1984] AZ‑84149054 (C.S.), la Cour supérieure déclare irrecevable une requête en accréditation accompagnée d’une résolution dont les signatures des mandataires autorisés y sont reproduites à l’aide d’une estampe en caoutchouc, vu le texte explicite de l’article 25 du Code.

[18]        L’évolution technologique depuis cette époque a incité le législateur à adopter la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, RLRQ, c. C-1.1. L’article 39 de cette loi adoptée en 2001 se lit comme suit :

39. Quel que soit le support du document, la signature d’une personne peut servir à l’établissement d’un lien entre elle et un document. La signature peut être apposée au document au moyen de tout procédé qui permet de satisfaire aux exigences de l’article 2827 du Code civil.

[19]        L’article 2827 du Code civil du Québec se lit comme suit :

2827. La signature consiste dans l’apposition qu’une personne fait à un acte de son nom ou d’une marque qui lui est personnelle et qu’elle utilise de façon courante, pour manifester son consentement. (caractères gras ajoutés)

[20]        Dans l’affaire Syndicat des Employées et Employés de la SOGEECOM (SEESOG) / Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) c. Société générale des Étudiantes et Étudiants du Collège Maisonneuve (SOGEECOM)2013 QCCRT 184 (CanLII), 2013 QCCRT 0184, la Commission a conclu qu’un courriel envoyé par un salarié en utilisant son compte ou sa boîte personnelle de messagerie constitue une formule d’adhésion au sens de l’article 36.1 du Code. Elle s’exprime comme suit :

[39]  La Commission considère que l’inscription en caractères dactylographiés du nom de la personne qui envoie un courriel à partir d’un compte de messagerie identifié à son nom ou l’inscription au bas du courriel d’une signature électronique ou encore, l’inscription sur le courriel de la signature dessinée en utilisant la souris de l’ordinateur, constituent autant de modes de signature du document au sens où l’entend le Code civil du Québec et qui satisfont aux exigences de l’article 36.1 du Code.

[21]        La présente affaire se distingue de la décision précitée. Le fait de découper une signature apparaissant sur un document et de l’apposer sur un autre document à l’aide de ruban adhésif ne satisfait manifestement pas les critères de l’article 2827 du Code civil du QuébecD’une part, il ne s’agit pas d’une véritable signature, ni d’une signature électronique. D’autre part, on ne peut conclure que ce type de procédé est d’usage courant comme l’exige le Code civil du Québec.

[22]        L’obligation de signer le procès-verbal de la résolution est une formalité essentielle. Il ne s’agit pas de formalisme excessif, mais d’un minimum permettant de confirmer que l’association a tenu une assemblée et a dûment adopté une résolution autorisant le dépôt d’une requête en accréditation. Donner ouverture à l’utilisation du type de procédé utilisé dans le présent dossier irait à l’encontre de la lettre et de l’esprit du Code. Le fait que l’on se retrouve dans un contexte de maraudage « amical » n’y change rien.

[23]        Dans l’affaire Rodrigues c. Bibeault et Le Syndicat des travailleurs en communication, électronique, électricité, techniciens et salariés du Canada, [1986] R.J.Q. 2243, à la page 18, la Cour supérieure écrit :

Le Tribunal ne peut accepter l’affirmation à l’effet que les exigences du Code du travail et du Règlement ne sont pas impératives. L’article 25 est impératif («doit»), de même que le texte de l’article 9 du Règlement qui a force de loi. Et le dépôt d’une simple copie, non certifiée conforme par la personne autorisée à le faire, ne rencontre pas l’exigence du Règlement, laquelle a sa raison d’être face aux effets découlant du dépôt d’une requête en accréditation conforme à toutes les formalités requises.

Le législateur a entouré le processus d’accréditation d’une certaine rigueur et il faut respecter cette volonté. […]

[24]        La requête en accréditation est en conséquence irrecevable.


Dernière modification : le 15 décembre 2014 à 12 h 22 min.