Extraits pertinents:

[19] Afin de déterminer si la restriction prévue à l’article 55 alinéa 2 s’applique en l’espèce, la Commission doit se demander si les deux conditions d’application suivantes sont satisfaites :

a. Le document en litige est un fichier de renseignements personnels à caractère public détenu par l’organisme;

b. Le responsable a des motifs raisonnables de croire que les renseignements seront utilisés à des fins illégitimes.

[20] Dans un premier temps, le document en litige est un rôle de perception de taxes foncières régi par le Code municipal du Québec[5].

[21] De façon générale, le Code municipal prévoit que le secrétaire trésorier de la municipalité a la garde de tous les livres, registres, plans, cartes, archives et autres documents qui sont la propriété de la municipalité ou qui sont produits, déposés et conservés dans le bureau de la municipalité[6]. Quiconque en fait la demande peut consulter les documents qui font partie des archives d’une municipalité[7] ainsi que recevoir une copie ou un extrait de tout document faisant partie des archives. Le rôle de perception étant accessible à tous, cela implique que les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l’identifier qui y sont inscrits[8] sont des renseignements personnels à caractère public au sens de l’article 55 de la Loi sur l’accès.

[22] Ainsi, en l’espèce, la Commission a examiné le rôle de perception de taxes foncières en format PDF pour l’année 2009, déposé sous pli confidentiel par l’organisme. Il contient les noms des propriétaires ou occupants des immeubles assujettis à la taxe foncière dont la majorité sont des personnes physiques. L’article 1002 du Code municipal mentionne que le nom du propriétaire ou de l’occupant d’un immeuble doit figurer au rôle de perception. Force est de constater que le rôle de perception de taxes foncières de l’organisme constitue un fichier de renseignements personnels à caractère public au sens de l’article 55 alinéa 2 de la Loi sur l’accès. La première condition d’application est donc satisfaite.

[23] Ceci étant établi, la Commission doit maintenant examiner si la preuve démontre qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les renseignements seront utilisés à des fins illégitimes.

[24] Alors que la Loi sur l’accès ne définit pas le sens du mot « illégitime », les auteurs Duplessis et Hétu s’expriment ainsi sur la signification à privilégier[9] :

Par définition ce mot signifie ici que les fins recherchées ne sont pas fondées en droit, qu’elles ne sont pas conformes à la justice ou à l’équité. Ainsi, nous croyons que le responsable peut conclure que le deuxième alinéa de l’article 55 s’applique s’il est démontré ou établi que les renseignements serviront à d’autres fins que celles pour lesquelles ils ont été recueillis par l’organisme public 1342. Ce dernier énoncé est d’autant plus vrai que l’article 65.1 de la Loi sur l’accès nous indique qu’ « [u]n renseignement personnel ne peut être utilisé au sein d’un organisme public qu’aux fins pour lesquelles il a été recueilli. »1343 Au surplus, l’article 24 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information1344 édicte que « [l]’utilisation de fonctions de recherche extensive dans un document technologique qui contient des renseignements personnels et qui, pour une finalité particulière, est rendu public, doit être restreinte à cette finalité. » Cette position du responsable pourrait également être confortée par l’article 3018 du Code civil du Québec qui interdit, sauf exception, toute recherche effectuée à partir d’une personne dans les registres et autres documents conservés par un officier de la publicité foncière. Comme on peut le constater, il ressort clairement des dispositions législatives précitées une volonté ferme et véritable de la part du législateur pour restreindre ou à tout le moins pour encadrer étroitement l’utilisation que l’on peut faire des renseignements personnels détenus par un organisme, y compris ceux qui sont rendus publics pour une fin particulière. (Soulignement ajouté.)

1342 Voir, entre autres ; Ascenseur OSC c. Régie du bâtiment du Québec, [2005] CAI 210, paragr. 19; Ville de la Baie c. Résidentex inc., [1999] CAI 433, 436.

1343 Notons que dès 1985 la Commission d’accès à l’information dans Texaco Canada inc. c. Ministère de la Justice, (1984-1985) 1 CAI 75, 76, affirmait qu’un renseignement personnel recueilli par un organisme public à une fin donnée ne peut être utilisé que par lui seul et qu’à cette seule fin.

1344 L.R.Q., c. C-1.1. Voir : Guylai c. Ville de Montréal, [2006] CAI 144, paragr. 50 et 57, la Cour du Québec a accueilli en partie l’appel de cette décision de la Commission d’accès à l’information : Guylai c. Ville de Montréal, C.Q. Montréal, no 500-08-006109-061, 14 mars 2007 (j. H. Richard), la requête en révision judiciaire de la décision de la Cour du Québec a été rejetée par la Cour supérieure : Guylai c. Cour du Québec, [2008] CAI 727 (C.S.), paragr. 27.

[28] En l’espèce, la preuve démontre que l’utilisation que le demandeur projette faire du rôle de perception n’est pas conforme à la finalité pour laquelle ce fichier de renseignements personnels a été rendu public. L’utilisation projetée du rôle de perception n’est pas reliée aux fins de perception des taxes foncières. Par conséquent, le responsable de l’accès aux documents avait des motifs raisonnables de croire qu’en l’espèce, les renseignements seraient utilisés à des fins qui sont non conformes à la loi ou illégitimes.

[29] Ainsi, la preuve démontre que les deux conditions d’application de l’article 55 alinéa 2 de la Loi sur l’accès sont satisfaites. Par conséquent, en l’espèce, le responsable de l’accès aux documents de l’organisme dispose, en vertu de l’article 55 alinéa 2 de la Loi sur l’accès, d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant de décider de l’accessibilité à un fichier de renseignements personnels à caractère public. 


Dernière modification : le 15 août 2012 à 11 h 10 min.