Extraits pertinents: “[1] Les défendeurs et le mis en cause, dans une requête introductive d'instance en dissolution de société, soumettent trois (3) moyens incidents, conformément aux avis de dénonciation déposés au dossier les 23 avril et 7 juin 2010. [2] Les moyens préliminaires concernent : a) l'admissibilité, comme pièces à être déposées par les demandeurs, de deux (2) transcriptions d'enregistrement mécanique, et; b) la non-recevabilité de la requête introductive d'instance à l'égard de la défenderesse 9187-7894 Québec inc. et du mis en cause Rémi Lepage, et; c) la non-recevabilité en droit de la demande pour l'émission d'une ordonnance de sauvegarde incluse à la requête introductive d'instance. […] [8] Les défendeurs s'opposent au dépôt des pièces P-4 et P-11 dont les demandeurs ont dénoncé la production, conformément aux articles 331.1 et 331.2 du Code de procédure civile. Il s'agit, dans le cas la pièce P-4, de la transcription par un sténographe officiel d'un enregistrement sur microcassette, effectué par le demandeur Croussette, d'une conversation tenue avec le défendeur Desgagné vers le 4 février 2008, sur les lieux de l'entreprise en litige. Quant à la pièce P-11, elle comprend la transcription de trois (3) enregistrements de conversations téléphoniques intervenues entre les parties et réalisées par les demandeurs. Recevabilité des pièces P-4 et P-11 [42] Ainsi, la pièce P-4 reproduit le contenu d'une conversation intervenue entre le demandeur Croussette et le défendeur Desgagné le 4 février 2008. [43] Les défendeurs soutiennent que cet élément de preuve a été obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et que son utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. L'article 2858 C.c.Q. prescrit que le Tribunal doit rejeter ces moyens de preuve. [44] En outre, les défendeurs prétendent que le document P-4 ne répond pas aux conditions d'authenticité que pose l'article 2874 C.c.Q. pour être admis en preuve. [45] Quant à la pièce P-11, elle reproduit le contenu de trois (3) conversations téléphoniques, dont deux (2) impliquent le demandeur Huet et le défendeur Desgagné et l'autre, le demandeur Croussette et le même défendeur. Toutes ces conversations se seraient tenues au cours du mois de mai 2008. [46] Dans ces cas, seule la pertinence du contenu des entretiens soulève l'opposition des défendeurs. Comme il s'agit de conversations impliquant les parties elles-mêmes, les défendeurs reconnaissent que ces enregistrement ne portent pas atteinte à la vie privée, selon les enseignements qu'ils retiennent de l'arrêt de la Cour d'appel dans Bellefeuille c. Morisset. [47] Comme les défendeurs n'ont émis aucune réserve en regard de l'authenticité de ces enregistrements magnétiques reproduits à la pièce P-11, il faut présumer qu'ils en reconnaissent l'authenticité au sens de l'article 2874 C.c.Q. [48] D'entrée de jeu, le Tribunal se doit d'indiquer qu'à première vue, malgré la grossièreté des propos qu'on y retrouve, le contenu des conversations reproduites en P-11 peut paraître pertinent. Il y est, en effet, question de menaces et de chantage dans un contexte qui peut se rattacher à l'allégation contenue au paragraphe 14 de la requête introductive d'instance, où il est fait état d'accusation fausse de trafic de drogue à l'intérieur du commerce faisant l'objet du litige. [50] Quant au contenu de la pièce P-4, il présente un intérêt primordial puisque les demandeurs veulent s'en servir comme commencement de preuve, au sens de l'article 2865 C.c.Q., aux fins d'établir l'existence d'un contrat verbal de société. [51] À cet effet, les demandeurs ont d'abord présenté une preuve testimoniale, somme toute sommaire mais non contredite, établissant les circonstances dans lesquelles s'est effectué l'enregistrement de la conversation, l'identité de la personne qui a procédé à cette opération, le demandeur Croussette, ainsi que les diverses étapes suivies dans la manutention de l'appareil enregistreuse et la minicassette qu'il contenait, allant de la remise de ces éléments au procureur des demandeurs, puis de celui-ci au sténographe officiel, et son retour à l'avocat qui l'a fait parvenir au procureur du défendeur Desgagné qui l'avait toujours en sa possession au moment de l'audition. [52] La preuve permet d'identifier les différents locuteurs dont les voix sont enregistrées, ainsi que le type d'appareil utilisé pour ce faire et la simplicité de son utilisation. Rien dans la preuve ne permet de croire que l'enregistrement mécanique aurait pu faire l'objet d'une altération quelconque. Aucune preuve n'a été présentée en vue de contredire les deux (2) seuls témoins entendus sur cette question d'authenticité. [53] Ainsi, le Tribunal estime qu'il ressort de ces témoignages une prépondérance de preuve de l'authenticité et de l'intégrité de l'enregistrement et de la reproduction sonore de la conversation tenue le 4 février 2008, sur les lieux même de la discothèque en cause dans ce dossier. [54] Cependant, les défendeurs plaident encore que le contenu de la pièce P-4 n'est pas fiable parce qu'inaudible pour le sténographe à plusieurs endroits. [55] En effet, on retrouve, entre parenthèses, le mot « inaudible » vingt-et-une (21) fois dans le texte qui compte seize (16) pages. Cependant, on ne peut évaluer l'importance des propos non reproduits et la raison de cette situation, sans l'écoute de l'enregistrement lui-même. [56] Toutefois, à l'examen du document P-4, on ne peut conclure que les omissions dénoncées par les défendeurs compromettent l'intelligibilité du texte dans son ensemble. [57] Ici, contrairement à ce qui s'était passé dans le cas décrit à l'arrêt Durand c. Drolet, l'intégralité de l'enregistrement de la conversation ne peut être mise en doute, bien que certains passages soient inaudibles. [58] En outre, une partie non reproduite par le sténographe se situe à la fin de la bande enregistrée et fait suite à l'arrivée d'une tierce personne, dont la présence a eu pour effet de mettre fin à l'entretien après l'échange de formules de convenance. [59] Il n'y a pas eu, dans ce cas, d'interruption d'enregistrement ni manipulation de l'appareil enregistreur pendant la rencontre entre les deux (2) principaux intervenants, de telle sorte que, sous réserve de l'évaluation de sa valeur probante par le juge du fond, la transcription du contenu de la cassette demeure suffisamment fiable pour faire l'objet de son dépôt en preuve, en l'instance. [60] Dans ce contexte, faut-il, au surplus, que l'élément de preuve litigieux, pour ne pas se voir rejeter du dossier, ne porte ni atteinte aux droits et libertés fondamentaux ni que sa production soit de nature à déconsidérer l'administration de la justice, comme le plaident les défendeurs. [62] Ainsi, l'examen des propos tenus démontre que les principaux interlocuteurs discutaient d'affaires plutôt que de questions concernant leur vie privée respective lorsque l'enregistrement de leurs propos a été effectué. [63] Bien sûr, le défendeur et sa conjointe pouvaient s'attendre à ce que leurs propos demeurent confidentiels, mais cela ne suffit pas à rencontrer les conditions de rejet en vertu de l'article 2858 C.c.Q. Dans l'arrêt Bellefeuille c. Morisset, Madame la juge Bisch précisait ce principe en ces termes : « [53] (...) Par ailleurs, l'expectative de confidentialité que pouvait, peut-être, entretenir Mme Morisset quant à l'expression de sa franche opinion sur Mme Bellefeuille ne suffit pas, dans le contexte, à lui conférer un doit à cette confidentialité, dont la violation pourrait être sanctionnée en vertu de l'article 2858 C.c.Q. » [65] Dans ces conditions, le Tribunal ne peut conclure que la pièce P-4 constitue un élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux du défendeur, comme il le prétend. [72] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : […] [75] REJETTE le moyen de non-recevabilité des pièces P-4 et P-11 formulé par les défendeurs; [76] AVEC DÉPENS, contre les défendeurs; __________________________________ J. ROGER BANFORD, J.C.S.” Dernière modification : le 11 mars 2010 à 14 h 23 min.