[Extraits]

[1]           Les parties à la convention collective m’ont désigné pour entendre et décider du grief collectif, déposé par le Syndicat le 20 mai 2015. En vertu de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence (L.R.Q. c. S-6.2), les techniciens ambulanciers paramédics (TAP) doivent suivre la formation exigée par le Ministère et les Agences de la santé et des services sociaux afin de maintenir leur inscription au Registre national.

[2]           En 2015, l’Employeur a transmis aux TAP le lien informatique qu’il avait reçu des autorités compétentes pour le matériel didactique nécessaire pour leur formation. Avant 2015, l’Employeur remettait aux TAP tout le matériel en format papier. Le grief conteste le fait qu’à compter de l’année 2015, l’Employeur ne remette pas aux salariés ambulanciers tout le matériel de formation en format papier. L’Employeur ne transmet aux TAP que le lien Internet leur permettant d’avoir accès au matériel didactique ou à la documentation en lien avec la formation qu’ils devront suivre. Les TAP impriment cette  documentation, mais à leurs propres frais.

[3]           Les parties ont admis que la procédure de grief prévue à la convention collective a été respectée, que le présent tribunal d’arbitrage a été régulièrement constitué et qu’il a juridiction pour entendre et disposer du grief.

LA PREUVE

  Admissions des parties

[4]           Les parties ont convenu des admissions suivantes :

« ADMISSIONS DE FAITS

AUX FINS DE L’ARBITRAGE DU 17 JANVIER 2019 DEVANT ME DENIS PROVENÇAL, ARBITRE DE GRIEF, LES PARTIES CONVIENNENT DES ADMISSIONS SUIVANTES :

1. Le 20 mai 2015, le Syndicat déposait un grief syndical portant le numéro 1399, dont copie sera déposée à l’audience;

2. Par ce grief, le Syndicat se plaint qu’aucun matériel pour la formation n’est fourni sans frais, les salariés désirant avoir une copie papier de tous les documents nécessaires à la formation, tel qu’en fait plus amplement foi ledit grief;

3. Les parties reconnaissent que l’arbitre a pleine juridiction pour disposer du grief et qu’il a valablement été saisi de celui-ci;

4. Les parties demandent à l’arbitre de se prononcer sur le fond du grief et qu’il conserve juridiction advenant qu’une compensation financière soit demandée par ce grief, l’Employeur se réservant toutefois d’invoquer tout moyen de faits ou de droit à l’encontre de quelque réclamation d’ordre monétaire si le grief était accueilli;

5. La formation à l’origine du grief est une formation intitulée « Actualisation et AVC 2015 » et la documentation afférente à ladite formation sera produite à l’audience;

6. Cette formation n’est pas une formation exigée par l’Employeur. Cette formation n’a pas non plus été conçue par l’Employeur.  Cette formation n’est pas donnée par l’Employeur et n’a pas lieu dans les locaux de l’Employeur;

7. Tel que prévu à la convention collective, si cette formation tombe un jour de congé pour le salarié, l’Employeur remet une journée de congé à ce salarié et si ce salarié est au travail, l’Employeur lui paie le quart de travail complet même si cette formation devait durer moins de temps que son quart de travail;

8. La formation en cause est une exigence légale qui découle de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence, laquelle impose aux techniciens ambulanciers paramédics des obligations de perfectionnement de leurs connaissances et d’évaluation de leurs compétences afin de pouvoir être inscrits au Registre national de la main-d’œuvre et de maintenir leur carte de statut de technicien ambulancier paramédic;

9. Le sujet des formations,  leur contenu, l’identité des formateurs, les dates et le lieu où auront lieu les formations sont déterminés par le CISSS, en l’occurrence le CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue;

10. Les techniciens ambulanciers paramédics qui ont assisté à la formation « Actualisation et AVC 2015 » proviennent de toutes les entreprises ambulancières de l’Abitibi-Témiscamingue;

11. Lors de certaines formations dont celle « Actualisation et AVC 2015 », le CISSS (ou ses prédécesseurs, telle l’Agence de la santé et des services sociaux), détermine le matériel didactique ou les documents de support en lien avec la formation qui sera donnée aux techniciens ambulanciers paramédics (preuve testimoniale à parfaire);

12. Avant 2015, le matériel didactique ou la documentation de support en lien avec la formation qui sera donnée était remis en format papier sans frais par l’Employeur à chaque salarié en prévision de la formation qui sera donnée (preuve testimoniale à parfaire);

13. Depuis 2015, l’Employeur fournit à chacun de ses salariés sans frais le lien informatique leur permettant d’avoir accès au matériel didactique ou à la documentation de support en lien avec la formation qui sera donnée. Les salariés doivent alors cliquer sur le lien pour pouvoir télécharger lesdits documents.  Ainsi, depuis 2015, l’Employeur ne fournit aucun document en format papier à ses salariés dans le cadre des formations exigées par la loi (preuve à parfaire);

14. À cet égard, l’Employeur a, depuis fort longtemps, les adresses courriels personnelles de tous ses salariés. Ses salariés possèdent aussi minimalement des téléphones intelligents et certains, des tablettes ou des ordinateurs personnels.  Ces équipements servent d’ailleurs de façon régulière aux salariés alors qu’ils sont au travail, tel lorsqu’ils sont en attente d’appels ambulanciers (preuve testimoniale à parfaire);

15. Ces équipements, téléphones cellulaires, tablettes et/ou ordinateurs ne sont pas fournis par l’Employeur, mais sont la propriété exclusive des salariés. Il revient à ces salariés de souscrire à leurs frais à un plan de données cellulaires ou à un accès internet auprès d’un fournisseur de services tel Télus ou Bell. C’est grâce à leur propre plan que ces salariés vont télécharger lesdits documents puis, s’ils le désirent, à leurs frais les imprimer sous format papier afin de pouvoir les annoter lors de la formation (preuve testimoniale à parfaire);

16. En effet, l’Employeur ne donne pas accès à son réseau Wifi à la caserne et ne met aucun ordinateur à la disposition de ses salariés ni aucune imprimante;

17. Dans le cadre du grief, aucun salarié de l’Employeur n’a porté à son attention ne pas avoir d’adresse courriel ou d’équipement de communication qui les aurait empêchés d’avoir accès à l’information transmise par courriel par l’Employeur;

18. Le mode de communication par courriel est bien implanté chez l’Employeur. À ce titre, depuis 2010, l’Employeur transmet les bordereaux de paie à chacun de ses salariés uniquement par voie de courrier électronique, à l’adresse électronique personnelle de chacun de ses salariés, et ce, sans grief;

19. D’ailleurs depuis 2011, l’Employeur communique exclusivement avec ses salariés via leur adresse courriel personnelle et le tableau d’affichage patronal situé dans la caserne.  Le téléphone cellulaire des salariés est quant à lui utilisé pour leur octroyer des quarts de travail et ce, sans grief;

20. Depuis 2011, l’Employeur informe ses salariés à leur adresse courriel  personnelle de l’existence des formations, de leur objet, les dates et du ou des lieux où elles seront données par le CISSS.  Aucun envoi postal n’est fait. Le seul autre mode de communication de cette même information étant via le tableau d’affichage se retrouvant à la caserne d’ambulance, et ce, sans grief;

21. Pareillement, l’Employeur transmet à l’adresse courriel personnelle de chacun de ses salariés l’ensemble de ses communications, tels les directives patronales, les notes de service, les bulletins cliniques émis par la Direction médicale nationale des services préhospitaliers d’urgence, le CISSS ou le CCS, tel qu’il le sera plus amplement démontré à l’audience, et ce, sans grief;

22. Même les changements d’affectation en cours de quart de travail sont soumis par l’Employeur à ses salariés via leur adresse courriel personnelle, par message texte sur leur téléphone cellulaire personnel, en plus des ondes radio;

23. Le Syndicat reconnaît et assume le fardeau de la preuve dans ce dossier. Le Syndicat fera entendre notamment un témoin, soit Mme Steffie Martin. L’Employeur fera entendre un témoin, soit M. Marc St-Pierre;

En foi de quoi les parties ont signé

À Terrebonne,  ce 17ième jour de  janvier 2019 »

  La preuve du Syndicat

[5]           Mme Steffie Martin est technicienne ambulancière paramédic à Ambulance Val d’Or, en Abitibi. Elle est également présidente de la section locale du Syndicat. Mme Martin est titulaire d’un DEC, a réussi le Programme national d’intégration clinique (PNIC) du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) et est inscrite au Registre national de la main-d’œuvre des TAP ambulanciers du MSSS.

[6]           Afin de maintenir leur inscription au registre national, la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence (L.Q. S-6.2) impose aux TAP des formations afin d’évaluer leurs compétences et de perfectionner leurs connaissances. Le contenu de ces formations est déterminé par le MSSS. Pour le CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue, le technicien doit suivre et réussir 16 formations à l’intérieur de quatre années. C’est une exigence liée au maintien de son emploi comme technicienne ambulancière paramédic à Ambulance Val d’Or.

[7]           Mme Martin précise que pour suivre la formation, le TAP doit être en uniforme et avoir les équipements dont il se sert sur la route, tels le stéthoscope et le masque de poche. Il doit également avoir crayon et papier et le manuel de la formation version papier. Il est aussi nécessaire d’avoir la version papier du manuel pour suivre la formation car il faut étudier la matière avant les cours et, lors de la formation, il y a des exercices à compléter en référant au manuel. Également, il y a un pré-test à la fin du manuel auquel il faut répondre par écrit. De plus, il est exigé que le technicien soit en possession du manuel de formation version papier lorsqu’il suit les cours. Mme Martin dépose le manuel de la formation 2015 ‘’L’approche préhospitalière au patient présentant un AVC aigu probable’’, un manuel de 80 pages contenant de nombreuses illustrations couleurs.

[8]           Depuis le début de son emploi, en 2008, l’Employeur remettait aux TAP une copie papier du manuel. En 2015, l’Employeur a avisé verbalement les TAP d’utiliser le lien Internet pour obtenir la version du manuel de formation et aucun avis n’a été transmis au Syndicat. Le 4 mai, l’Employeur a transmis un courriel aux TAP les informant de la date et du lieu de la ‘’FORMATION ACTUALISATION ET AVC 2015’’ et il était précisé :

« NOTE : Les formations débuteront à 8h.30 et se termineront à 17h.30 et le dîner sera libre. Le port de l’uniforme est obligatoire et les TAP doivent apporter leurs équipements d’intervention (masque de poche, stéthoscope, etc.)

Vous pouvez consulter la documentation concernant cette formation sur le site Web d’Urgences-Santé en cliquant sur le lien vers la Direction médicale nationale/SPU, Technicien ambulancier paramédic sous l’onglet ‘’Documents de formation – PICTAP guides de supports, section 2013, document intitulé : L’approche pré hospitalière patient présentant un AVC aigu probable.’’ (http: //www.lien Internet) »

[9]           Mme Martin affirme qu’en aucun temps le Syndicat n’a consenti à cette nouvelle procédure.

[10]        Comme les autres TAP, Mme Martin a téléchargé le manuel de formation avec ses outils informatiques. Elle l’a a imprimé car c’est plutôt difficile d’étudier le manuel sur un appareil électronique et de prendre des notes. Mme Martin a déposé une évaluation de ses coûts d’impression des documents pédagogiques pour ses formations :

« Frais manuels de formation

Frais (copie Tech Imprimerie) : 0,12¢ la feuille + 5$ spirale et main d’œuvre + 15$ traitement électronique.

CÉGEP : le kit pour boudiner avec les couvertures sont de 3,09$ + TX et les pages sont à 10 cent chacune + TX.

Document (copie Tech) : actualisation 2015 et AVC (81 pages)= 29,72 + taxes

Trauma 2016  (140 pages) 34$ + taxes

Dyspnée sévère jour 2-3 (186 pages) : 38,60$ + taxes

Documents (CÉGEP) : Actualisation 2015 et AVC (81 pages)= 11,19$ + taxes

Trauma 2016 (140 pages)= 17,09$ + taxes

Dyspnée sévère jour 2-3 (186 pages) = 21,69 + taxes

*(Coûts d’utilisation d’Internet et du Réseau cellulaire de Mme Martin non reproduits) »

[11]        L’Agence qui dispense le cours de formation exige des TAP qu’ils aient le manuel de formation en format papier en classe. Toutefois, Mme Martin n’a pas été témoin que des TAP se sont fait refuser l’accès au cours de formation parce qu’ils n’avaient pas le manuel en format papier. L’Employeur n’oblige pas les TAP à posséder un téléphone cellulaire ou une tablette électronique et ne leur rembourse aucun frais pour l’utilisation d’Internet ou d’un réseau Wifi.

  La preuve de l’Employeur

[12]        M. Marc St-Pierre est copropriétaire de l’entreprise et en est aussi le directeur-général. Il est également TAP, mais a cessé la pratique sur le terrain depuis 2012. M. St-Pierre précise que, depuis 2015, ce sont trois formations destinées aux TAP qui ont été dispensées par l’Agence ou le CISSS. C’est l’entreprise qui informe les TAP des  programmes de formation, des dates et des endroits où elles seront dispensées. Ces informations sont aussitôt communiquées aux TAP.

[13]        Avant l’année 2015, l’Agence transmettait à l’entreprise les documents de formation en format papier pour le nombre de TAP à l’emploi.  Depuis 2015, l’Agence ne transmet que le lien électronique qui donne accès à la documentation de la formation pour les TAP. L’entreprise suit alors la même procédure et transmet par courriel le lien électronique à ses TAP ainsi que les informations relatives aux dates et lieux où se tiendront les formations. De plus, ces informations transmises par l’Agence sont affichées sur un tableau à l’entreprise. Il en est ainsi également pour toutes les communications du Ministère ou de l’Agence, tel le Bulletin clinique préhospitalier.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

  Argumentation du procureur du Syndicat

[14]        Le procureur souligne que les TAP doivent suivre les formations dispensées par l’Agence. Ils doivent nécessairement étudier le contenu du cours qu’ils suivront et la matière est contenue dans un manuel. Par exemple, en 2015, le manuel de formation contenait 80 pages et il était impossible d’en étudier le contenu uniquement à partir de la version électronique. Le procureur fait également remarquer au tribunal qu’en aucun temps l’Employeur n’a consulté les TAP et le Syndicat sur sa décision de ne plus remettre la version papier du manuel de formation. D’ailleurs, contrairement aux Bulletins cliniques préhospitalier, le manuel de formation n’est pas affiché au tableau de l’entreprise.

[15]        L’article 27.04 de la convention collective est clair et, si du matériel est requis pour la formation, il est fourni à la personne salariée sans frais. La preuve démontre qu’il est impossible de suivre la formation sans avoir le manuel en format papier. Le terme requis n’est pas synonyme de donner accès. Les TAP encourent des frais afin d’obtenir la version papier du manuel.

[16]        Le procureur cite les articles 22829 et 31 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (L.Q. C-1.1) lesquels prévoient que le destinataire du document électronique doit manifester son accord à recevoir un document uniquement dans sa version électronique.

  Argumentation de l’Employeur

[17]        Le procureur soutient qu’en aucun moment, l’Employeur n’a exigé des frais aux TAP pour qu’ils aient accès au matériel de formation. Le litige soulevé par le grief du Syndicat se situe au niveau du format dans lequel il est transmis aux personnes salariées. Il faut également prendre en compte que la formation des TAP est exigée par la loi et non par l’Employeur. De plus, ce n’est pas l’Employeur qui détermine le contenu de la formation et le matériel pédagogique. L’Employeur a un rôle passif et n’agit que comme une courroie de transmission en regard des formations obligatoires que doivent suivre les TAP. Donc, l’Employeur ne peut être en violation des articles 57 et 85.2 de la Loi sur les normes du travail (L.Q., c. N-1.1). Il n’a pas à rémunérer le TAP lorsqu’il étudie la matière qui fera l’objet de sa formation ni à lui rembourser des frais s’il décide d’imprimer le matériel pédagogique.

[18]        L’économie générale de la convention collective ne supporte pas les conclusions recherchées par le grief du Syndicat car la formation dispensée par l’Agence au TAP n’est pas exigée par l’Employeur. L’article 27.04 de la convention collective n’exige pas que l’Employeur imprime sur papier le matériel pédagogique. C’est le Ministère qui a modifié sa méthode de transmission du matériel pédagogique. L’Employeur n’a rien à voir avec cette décision et n’avait pas à demander la permission au Syndicat pour ne transmettre que le lien électronique qu’il reçoit du Ministère ou de l’Agence. De plus, les TAP travaillent avec leurs propres outils informatiques qu’ils ont payés et ils ont accès au matériel pédagogique que l’Employeur reçoit pour leur formation. Tout ce qui est relatif au travail des TAP leur est transmis électroniquement par l’Employeur et le Syndicat n’a jamais déposé de grief pour que leur soit remboursé le coût, en tout ou en partie, de leurs appareils informatiques ou de l’accès à l’Internet ou à un réseau Wifi. Le grief du Syndicat doit être rejeté.

MOTIFS ET DÉCISION

[19]        Le Syndicat demande par son grief que le matériel pédagogique nécessaire à la  formation des TAP pour qu’ils maintiennent leur inscription au Registre national de la main-d’œuvre et leur carte de statut de TAP leur soit transmis en format papier.

[20]        Je considère également utile de reproduire les dispositions suivantes de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence :

« 3. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a la responsabilité de déterminer les grandes orientations en matière d’organisation des services préhospitaliers d’urgence. Il propose et élabore des plans stratégiques et des politiques, définit les modes d’intervention, élabore et approuve les protocoles cliniques et opérationnels en cette matière.

Plus particulièrement:

  il établit les politiques nationales relatives au développement et à la formation de la main-d’œuvre nécessaire à l’organisation des services préhospitaliers d’urgence et en fait l’évaluation;

9°  il détermine les règles d’évaluation des résultats obtenus par l’ensemble des services préhospitaliers d’urgence, met en place les mécanismes de reddition de compte permettant de mesurer ces résultats et veille à l’application et à l’évaluation des mesures qui en découlent;

10°  il constitue et maintient à jour le registre national de la main-d’œuvre auquel doivent s’inscrire les techniciens ambulanciers;

(…)

SECTION II

LE DIRECTEUR MÉDICAL RÉGIONAL DES SERVICES PRÉHOSPITALIERS D’URGENCE

 17. Chaque agence doit désigner un médecin ayant une formation et une expérience pertinente en médecine d’urgence pour exercer notamment les fonctions suivantes en conformité avec les normes et les orientations nationales :

3°  s’assurer que soient fournis les services nécessaires à la formation continue et au maintien et à l’évaluation des compétences du personnel d’intervention des services préhospitaliers d’urgence ;

(…)

(je souligne)

SECTION IV

LE TECHNICIEN AMBULANCIER

63. Les conditions pour agir comme technicien ambulancier sont les suivantes:

  avoir complété la formation collégiale initiale reconnue par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie et réussi l’examen afférent à cette formation ou avoir complété une formation reconnue équivalente par le directeur médical national en application du paragraphe 8° du premier alinéa de l’article 6 ou être titulaire d’un certificat ou d’une autre forme de reconnaissance professionnelle officielle, délivré au Canada, attestant qu’il est qualifié et autorisé à agir comme technicien ambulancier et reconnu par le directeur médical national conformément à ce paragraphe;

2°  être inscrit au registre national de la main-d’œuvre maintenu par le ministre conformément au paragraphe 10° de l’article 3 et avoir obtenu une carte de statut de technicien ambulancier.

64. Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les conditions que doit remplir un technicien ambulancier pour être inscrit au registre national de la main-d’œuvre et obtenir une carte de statut de technicien ambulancier.

Il peut également, de la même manière, déterminer les obligations de perfectionnement de connaissances et d’évaluation des compétences auxquelles un technicien ambulancier doit se soumettre à l’intérieur d’une période de quatre ans pour maintenir son inscription au registre national.

64.1 Parmi les renseignements contenus au registre national de la main-d’œuvre, le nom d’un technicien ambulancier, son statut d’exercice, les activités de formation continue auxquelles il a participé ainsi que la date de sa première inscription au registre et celle de toute inscription ultérieure ont un caractère public.

De plus, le gouvernement peut, par règlement, déterminer, parmi les autres renseignements contenus au registre, lesquels ont un caractère public.

(…)

66. Dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, le technicien ambulancier doit respecter les protocoles visés à l’article 65 de même que respecter l’encadrement médical régional établi en vertu de l’article 17 et participer à l’encadrement médical régional établi en vertu de l’article 17.

67.  À la demande d’un directeur médical régional des services préhospitaliers d’urgence, l’inscription d’un technicien ambulancier au registre national de la main-d’œuvre maintenu par le ministre conformément au paragraphe 10° de l’article 3 peut faire l’objet d’une radiation temporaire ou permanente par un comité d’examen formé en vertu de l’article 70 lorsque ce technicien :

  ne respecte pas les obligations de perfectionnement de ses connaissances, refuse de respecter le processus d’évaluation de ses compétences visé au deuxième alinéa de l’article 64 pour le maintien de son inscription, refuse de participer à celui-ci ou ne respecte pas, dans l’exercice de ses fonctions, l’encadrement médical lié à l’exercice des protocoles visés à l’article 65 ;

(…) »

(je souligne)

[21]        Le Règlement sur les conditions d’inscription d’un technicien ambulancier au registre national de la main-d’œuvre (L.Q. chapitre 6.2 a. 64) précise les conditions d’inscription et du maintien du TAP au registre national :

« SECTION I

CONDITIONS D’INSCRIPTION

1. Pour être inscrit au registre national de la main-d’œuvre constitué par le ministre de la Santé et des Services sociaux en vertu du paragraphe 10 du deuxième alinéa de l’article 3 de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence (chapitre S-6.2), un technicien ambulancier doit remplir l’une ou l’autre des conditions suivantes:

  être titulaire d’un diplôme d’études collégiales (DEC) en soins préhospitaliers d’urgence;

  avoir complété une formation reconnue équivalente par le directeur médical national des services préhospitaliers d’urgence;

  être titulaire d’un certificat ou d’une autre forme de reconnaissance professionnelle officielle, délivré au Canada, attestant qu’il est qualifié et autorisé à agir comme technicien ambulancier et reconnu à ce titre par le directeur médical national des services préhospitaliers d’urgence;

Un technicien ambulancier doit également être titulaire d’un permis de conduire valide, autre qu’un permis probatoire qui, conformément au Code de la sécurité routière (chapitre C-24.2), l’autorise à conduire un véhicule d’urgence au Québec.

De plus, un technicien ambulancier ne doit pas avoir été déclaré coupable d’une infraction à la Loi ou à un règlement pris en vertu de celle-ci, ou avoir été déclaré coupable d’un acte criminel qui est relié à l’exercice des activités pour lesquelles il serait inscrit au registre, à moins qu’il en ait obtenu le pardon.

(…)

9.1  Le statut inactif est attribué à un technicien ambulancier inscrit au registre national de la main-d’œuvre qui:

  n’a pas suivi la totalité des activités obligatoires de formation continue à l’intérieur de la période de 4 ans prévue à l’article 10, y compris le technicien visé par l’article 12;

(…)

SECTION III

MAINTIEN DE L’INSCRIPTION

10. Pour maintenir son inscription au registre national de la main-d’œuvre, un technicien ambulancier doit, à l’intérieur d’une période de 4 ans, suivre la totalité des activités obligatoires de formation continue qui, en application du paragraphe 2 du premier alinéa de l’article 6 de la Loi, sont établies par le directeur médical national des services préhospitaliers d’urgence et dispensées par ou sous la responsabilité de ce dernier, de la Corporation d’urgences-santé ou d’un centre intégré de santé et de services sociaux du territoire où il exerce.

Il doit de plus se soumettre, lorsque requis, à l’évaluation de ses compétences, suivant le processus établi.

La première période de 4 ans prévue au premier alinéa se calcule à compter de la date de l’inscription au registre du technicien ambulancier et se termine à la date d’anniversaire de naissance du technicien qui suit la fin de cette période de 4 ans. Les périodes suivantes de 4 ans se calculent à compter de la date d’anniversaire de naissance du technicien ambulancier.

Tout délai accordé à un technicien ambulancier en application de l’article 12 ne prolonge pas la période de 4 ans.

11. Les activités de formation continue permettent le maintien, la mise à jour et le rehaussement des compétences du technicien ambulancier et elles portent principalement sur les protocoles d’intervention clinique, les interventions sociosanitaires, les urgences traumatiques ainsi que sur les lois et règlements qui régissent les services préhospitaliers d’urgence.

Ces activités de formation continue qui peuvent varier en fonction du niveau de pratique de soins se composent:

1°  de formation pratique ou théorique;

2°  de séminaires ou colloques scientifiques;

  de stages;

4°  de travaux de recherche.

Elles sont reconnues avoir été suivies lorsqu’un technicien ambulancier reçoit une attestation de participation ou qu’il réussit, selon les modalités prévues, soit l’évaluation pratique, soit l’examen oral ou écrit. »

(je souligne)

[22]        J’ai jugé utile de reproduire ces dispositions de la Loi et du Règlement considérant qu’un des arguments de l’Employeur est qu’il n’exige pas la formation et qu’elle n’est pas dispensée par lui dans ses locaux. Toutefois, pour maintenir son inscription au registre national, le TAP doit nécessairement s’inscrire aux formations exigées par le MSSS et les réussir. C’est donc une condition implicite du maintien de l’emploi actif du TAP chez l’Employeur. D’ailleurs, l’article 27.07 de la convention collective confirme cette interprétation lorsqu’il prévoit spécifiquement que lorsqu’un TAP est référé au comité d’examen prévu à la Loi des services préhospitaliers d’urgence pour des raison d’échecs suite à une formation exigée par le MSSS ou l’Agence, il est suspendu sans solde de ses fonctions. Ces cours de formation ne sont donc pas optionnels pour les TAP et ils se doivent de les suivre et de les réussir s’ils veulent conserver leur inscription au registre national et ne pas subir les conséquences sur leur emploi prévues à l’article 27.07 de la convention.

  Les dispositions de la convention collective

[23]        Les dispositions pertinentes de la convention collective sont les suivantes :

« 27.01  Les parties reconnaissent l'importance de la formation exigée par le MSSS en vertu de la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence (L.R.Q. c. S-6.2) et comprennent que ces formations sont nécessaires afin de maintenir l'inscription d'un technicien ambulancier au registre national.

Le présent article vise donc la formation exigée par le MSSS et les Agences de la Santé et des services sociaux.

27.02  Lorsque la formation a lieu durant une journée de congé ou de récupération d'une personne salariée, l'employeur lui remet son congé au cours de la même période de paie.

27.03  Si des quarts de travail ou des parties de quart de travail et une période de formation chevauchent une même période de vingt-quatre (24) heures (de 00h00 à 23h59), un des quarts de travail, au choix de la personne salariée, est réputé avoir été travaillé et ce quart lui est payé.

27.04  Si du  matériel est requis pour la formation, il est fourni à la personne salariée sans frais.

27.05  Lorsque la formation a lieu à plus de cinquante (50) kilomètres du point de service, les frais de déplacement sont remboursés par l'employeur.

27.06  Lorsque la formation a lieu à plus de cinquante (50) kilomètres du point de service et lorsque le MSSS ou l'Agence ne fournit pas le repas lors d'une journée de formation, l'employeur rembourse à la personne salariée les déboursés réellement effectués jusqu'à concurrence du montant maximum d'indemnité pour le dîner prévu à l'article 28.07, le tout sur présentation de pièces justificatives.

27.07  Lorsque le dossier d'un technicien ambulancier est référé au comité d'examen prévu à la Loi sur les services préhospitaliers d'urgence pour des raisons liées à des échecs suite à une formation exigée par le MSSS ou l'Agence, le technicien ambulancier est suspendu de ses fonctions sans solde. »

(je souligne)

[24]        Le but de l’article 27 est de faire en sorte que le TAP puisse suivre les formations obligatoires pour maintenir son statut avec le moins d’impact sur ses conditions de travail. Ainsi, si la formation se tient durant une journée de congé du TAP, l’Employeur lui remet son congé. Lorsque les conditions de l’article 27.03 de la convention sont rencontrées, le TAP peut se voir payer les quarts de travail qu’il a manqués pour suivre sa formation. Si le lieu de la formation est à plus de 50 kilomètres du point de service, les frais de déplacement et autres déboursés lui seront remboursés.

  Analyse

[25]        Avant 2015, l’Employeur recevait en format papier le nombre de manuels de formation pour les TAP à son emploi. Depuis 2015, le MSSS ou l’Agence ne transmet à l’Employeur qu’un lien informatique sur lequel le TAP peut télécharger le manuel de formation.

[26]        Ce manuel de formation déposé en preuve a été préparé par les Services préhospitaliers d’urgence – Urgences-santé. Il contient 80 pages et porte sur l’approche préhospitalière au patient présentant un AVC aigu probable. Il s’agit d’un document qui ne peut s’adresser qu’à des professionnels de la santé et il suffit de consulter la table des matières et lire quelques pages seulement pour s’en convaincre. Il est traité entres autres sujets de thrombolyse cérébrale dans l’AVC ischémique aigu, du mécanisme de l’AVC, soit de l’AVC ischémique et de l’ischémie cérébrale transitoire, des notions de déficits neurologiques, de l’AVC hémorragique, de l’AVC aigu et de candidat à la thrombolyse cérébrale, de l’Échelle de coma de Glasgow, etc. Le manuel de formation comprend aussi plusieurs illustrations comme celles expliquant les fonctions cérébrales et il est compréhensible que l’utilisation de la couleur est nécessaire afin de bien saisir la matière qui y est enseignée. Je souligne également qu’à la fin du manuel, une bibliographie de 11 pages des ouvrages spécialisés consultés pour cette formation est incluse.

[27]        Le pré-test du manuel de formation déposé en preuve compte huit pages et comprend 44 questions. À la fin de chaque question, il y a des lignes afin que le TAP écrive sa réponse. Le TAP peut donc, s’il le juge nécessaire, référer au manuel de formation. Les réponses des TAP sont révisées avec les formateurs lors de la journée de formation.

[28]        Bref, il ne s’agit pas que d’un simple document informatif de quelques pages comme le Bulletin clinique préhospitalier déposé en preuve par l’Employeur, mais d’un véritable instrument pédagogique. D’ailleurs ces Bulletins, qui sont transmis aux TAP et affichés à l’établissement, ont soit pour objet de rappeler certaines procédures, comme celui 6 janvier 2015 qui traite en deux pages de l’intervention auprès d’un patient avec un défibrillateur automatique implantable, ou celui du 15 mars 2016, qui tient sur trois pages et qui informe les TAP des nouvelles lignes directrices de réanimation. Il est évident que ces Bulletins, bien qu’importants dans la pratique quotidienne des TAP, n’exigent pas la même concentration que celle exigée dans l’étude du manuel de formation et peuvent assurément être consultés facilement sur un appareil électronique et faire l’objet d’un affichage au tableau du point de service.

[29]        Lors de son témoignage, Mme Martin a déposé un document qui illustre le nombre de pages des manuels pédagogiques. Par exemple, en plus du manuel sur l’AVC qui comporte 80 pages, le manuel ‘’Trauma’’ compte 140 pages et ‘’Dyspnée sévère jour’’ a 186 pages. Je souligne également que la formation d’actualisation  et AVC dispensée aux mois de mai et juin 2015 était d’une journée, soit de 08h.30 à 17h.30. Les TAP ne peuvent se contenter de faire acte de présence à ces journées de formation. Elles sont obligatoires et indispensables au maintien de leur inscription au registre national et ils doivent s’y préparer et bien étudier la matière contenue au manuel de formation.

   La jurisprudence

[30]        Les procureurs des parties ont déposé plusieurs sentences arbitrales qui ont porté sur la communication aux salariés par voie électronique de certaines obligations contenues à la convention collective, telles la remise du bulletin de paie du salarié ou de l’affichage de certains avis ou de postes. Certaines décisions de ces arbitres ont pris également en compte les dispositions de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information ( L.C.J.T.I.) lors de l’analyse de la question qui leur était soumise.

[31]        Au début de l’année 2012, l’arbitre Louise Viau, dans l’affaire Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, local 1999 et L’Oréal Canada Inc[1]., a décidé qu’à défaut de dispositions contraires à la convention collective,  l’employeur respectait les dispositions de l’article 46 L.N.T. et de l’article 2 de la L.C.J.T.I. lorsqu’il donnait accès aux salariés à leur bulletin de paie avec une communication sécurisée sur un site Internet. L’arbitre a conclu que l’employeur ne se contentait pas de rendre accessibles les bulletins de paie à ses salariés, mais qu’il leur remettait également au sens de la L.N.T. Je reproduis une partie du raisonnement de l’arbitre Viau :

« [122]     Prenant en considération le fait que tous ses salariés n’ont pas nécessairement un ordinateur et qu’ils ne sauraient pas nécessairement comment s’y prendre pour accéder au site sécurisé mis en place afin de prendre connaissance de leurs bulletins de paie, l’employeur a pris le soin de former tous ses salariés à l’utilisation du nouveau système en leur donnant, sur le temps de travail, une formation de groupe. En outre, il s’est montré disponible pour donner de la formation individuelle aux salariés qui en auraient besoin, soit parce qu’ils étaient absents lorsque la formation de groupe a été donnée, soit encore parce qu’ils sont moins familiers avec l’utilisation d’un ordinateur.

[123]     En outre, il a mis à leur disposition un certain nombre de postes de travail permettant à ses employés d’accéder à leur bulletin de paie directement sur leur lieu de travail et de l’imprimer. Il offre aussi un soutien informatique en lien avec ces postes de travail.

[124]     La soussignée est satisfaite que, ce faisant, l’employeur ne se contente pas de rendre les bulletins de paie accessibles à ses salariés, il les leur remet effectivement. Il appartient bien sûr à ces derniers de prendre les mesures qui leur semblent les plus appropriées pour conserver leurs bulletins de paie si tel est leur désir.

[125]     Il est vrai que le salarié doit faire un certain effort pour consulter son bulletin de paie, l’imprimer ou le sauvegarder. Mais, tout en étant de nature différente, cet effort n’est pas plus important que de marcher jusqu’à sa boîte aux lettres dans le cas d’un salarié qui vivrait dans un secteur où Postes Canada ne livrerait pas le courrier à domicile.

[126]     La preuve qui a été présentée démontre que certains salariés, par désintérêt ou pour toute autre raison, se refusent à consulter leur bulletin de paie électronique. L’employeur n’a aucun contrôle là-dessus, pas plus qu’il n’en avait antérieurement sur les enveloppes contenant les bulletins de paie qu’il expédiait par la poste. Il n’avait aucun moyen de savoir si ces enveloppes étaient ouvertes ou non,  ni si les bulletins de paie étaient conservés ou jetés à la poubelle. »

(je souligne)

[32]        À la même époque, l’arbitre Francine Beaulieu rendait une décision sur la même question dans l’affaire Syndicat de l’enseignement de la région de La Mitis et Commission scolaire des Monts-et-Marées[2]. L’arbitre Beaulieu a exprimé une opinion contraire à celle de l’arbitre Viau :

« [118]    Même si je suis toujours d’avis que les salariés n’ont pas le choix et qu’ils doivent s’ajuster aux nouvelles technologies, encore faut-il que cela se fasse dans le respect des dispositions négociées entre un employeur et ses employés.

[119]      La clause 6-9.01 de l’entente locale nous apprend que les parties ont convenu que le personnel enseignant sera payé par virement bancaire tous les deux jeudis. La clause 6-9.02 prévoit que, pour chacune des paies, le personnel  enseignant reçoit un talon détaillant chacune des déductions.

[120]    Dans son sens usuel, comme dans la définition qu’en donne Le Petit Larousse Illustré, le verbe recevoir doit être interpréter comme étant le fait d’être mis en possession de quelque chose. Recevoir un avis via un ordinateur à l’effet que la copie de notre relevé de salaire est disponible n’est pas, à mon avis, recevoir son talon de paie. Ce que fait l’Employeur est plutôt informé son personnel que le relevé de salaire est disponible. L’Employeur ne met pas son personnel en possession de son relevé, il ne fait que lui donner un accès disponible pour aller le chercher.

[121]    Le Petit Larousse Illustré définit comme suit le verbe recevoir :

Recevoir      1. Entrer en possession de ce qui est donné, offert, transmis, envoyé; toucher ce qui est dû. (…)

[122]    L’article 44 de la Loi sur les normes du travail veut que le salarié reçoive son salaire en mains propres sur les lieux du travail et pendant un jour ouvrable. En l’espèce, les parties ont convenu que le versement de la paie se ferait par virement bancaire.

[123]    Quant à l’article 46 de cette loi, il nous apprend que l’employeur doit remettre au salarié, en même temps que son salaire, un bulletin de paie contenant des informations suffisantes pour lui permettre de vérifier le calcul de son salaire.

[124]    De cet article, il faut comprendre que c’est une obligation pour un employeur de remettre au salarié un bulletin de paie et, il est remis, habituellement en même temps que le salaire, donc sur les lieux du travail. Je conviens que les parties se sont entendues pour qu’il y ait virement bancaire pour le salaire. Elles ont cependant convenu, à la clause 6-9.02 de l’entente locale, que le personnel enseignant recevrait un talon de paie détaillant chacune des déductions. De plus, l’article 46 doit toujours recevoir application. L’Employeur doit donc remettre un talon de paie à son personnel. Par ailleurs, dans notre dossier, on comprend que le Syndicat ne conteste pas la remise du relevé de salaire par voie électronique tant qu’elle demeure sur une base volontaire.

[125]    La Commission des normes du travail donne d’ailleurs cette interprétation de l’article 46 (pièce S-, P-4) :

INTERPRÉTATION            

(…)

Cet article ne précise pas la forme que doit revêtir le bulletin de paie. Les informations peuvent donc apparaître, par exemple, sur support papier ou par voie électronique. Toutefois, l’obligation de l’employeur est de « remettre » un bulletin de paie au salarié et non pas seulement de rendre ce bulletin accessible.

[126]    Je partage cette interprétation et estime que l’Employeur doit remettre sur support papier ou électronique le relevé de salaire à son personnel enseignant.

[127]    La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information va dans le même sens lorsqu’elle précise ceci à l’article 29 :

Acquisition d’un support.

29.      Nul ne peut exiger de quelqu’un qu’il se procure un support ou une technologie spécifique pour transmettre ou recevoir un document, à moins que cela ne soit expressément prévu par la loi ou par une convention.

Support de réception.

De même, nul n’est tenu d’accepter de recevoir un document sur un autre support que le papier ou au moyen d’une technologie dont il ne dispose pas.

[128]    L’Employeur ne peut ainsi obliger le personnel enseignant à recevoir un document sur un autre support que le papier ou au moyen d’une technologie dont il ne dispose pas. Je comprends que l’Employeur peut mettre à la disposition de son personnel des ordinateurs et des imprimantes, mais ce n’est pas ce que cette loi dit.

[129]    De ce qui précède, j’en conclus que l’Employeur ne pouvait agir comme il l’a fait et que la remise du relevé de salaire doit, tant qu’il n’y aura pas de modification de la convention collective ou une entente entre les parties, demeurer sur une base volontaire. »

(je souligne)

[33]        En 2016, l’arbitre André Bergeron était saisi de la même question dans l’affaire Hydro Québec et Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec (SPIHQ)[3]. L’arbitre Bergeron  a étudié les décisions des arbitres Viau et Beaulieu et s’est rangé derrière l’opinion de l’arbitre Beaulieu :

« [102]    En somme, ces dispositions signifient qu’un document technologique, ou électronique, est valide lorsque le destinataire accepte de le recevoir sous cette forme et que le document lui est envoyé à l’adresse électronique à laquelle il accepte de le recevoir.

[103]    En ce qui a trait au bulletin de paie, je rappelle que l’article 46 L.N.T. impose à l’employeur de « remettre » à ses employés leur bulletin de paie et non pas de le leur rendre accessibles.

[104]    Cela signifie que si l’employeur souhaite remettre à ses employés une version électronique de leur bulletin de paie, il ne peut le leur faire parvenir sous cette forme qu’avec leur consentement et uniquement à l’adresse électronique de leur choix, faute de quoi le document devra leur être transmis sous format papier.

[105]    Pour les salariés qui acceptent de recevoir leur bulletin de paie sous forme électronique sur leur page personnelle du site intranet de l’Employeur, le document est donc, selon l’article 31 L.C.C.J.T.I., présumé remis et cette transmission est par conséquent conforme à l’article 46 L.N.T.

[106]    Par contre, une telle présomption n’existe pas pour les salariés qui refusent de recevoir leur bulletin de paie sous forme électronique et dès lors, l’envoi du bulletin de paie sous forme électronique devient contraire aux exigences de l’article 46 L.N.T. puisque l’employeur ne leur remet pas leur bulletin de paie mais ne fait que le leur rendre accessible.

(je souligne)

[34]        Cette décision de l’arbitre Bergeron a fait l’objet d’une demande de révision judiciaire et, le 23 novembre 2017, la juge Lucie Fournier de la Cour supérieure du Québec rejetait la requête de l’employeur[4].

[35]        En matière d’affichage de poste ou d’horaire de travail, la jurisprudence est également partagée. Toutefois, il faut comprendre que, contrairement au bulletin de paie qui doit être remis au salarié, l’arbitre n’avait pas à prendre en compte les dispositions de la L.N.T. mais seulement des dispositions de la convention collective. Dans l’affaire Centre de santé et de services sociaux du Sud-Ouest-Verdun et Syndicat des professionnel(le)s en soins de santé (FIQ)[5], l’arbitre François Blais était saisi d’un grief qui contestait la décision de l’employeur d’afficher les postes électroniquement à des guichets informatiques, lesquels étaient situés aux mêmes endroits où étaient affichés les postes en format papier sur un babillard. L’arbitre Blais décidait qu’en l’absence de disposition dans la convention collective qui désignait le moyen à utiliser pour procéder à l’affichage, le choix du moyen relevait des droits de gérance de l’employeur et que, dans les circonstances, ces droits avaient été exercés de façon raisonnable.

[36]        L’arbitre René Turcotte, dans l’affaire Syndicat de la fonction publique, section locale 2881 (FTQ) et CSSS de Dorval-Lachine[6], était également d’opinion qu’en l’absence de dispositions précises dans la convention collective, l’affichage devait se faire par voie papier ou sur un babillard. Le choix du moyen de communication relevait des droits de la direction. Selon l’arbitre Turcotte, le syndicat devait démontrer que le moyen choisi par l’employeur, soit la voie électronique, était une décision injuste et déraisonnable.

[37]        Dans l’affaire Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS)[7], l’arbitre Lyse Tousignant était saisie d’un grief qui contestait le fait que l’employeur avait changé de système pour afficher les horaires de travail. Au lieu d’afficher les horaires en format papier, comme il le faisait auparavant, l’employeur a décidé de recourir au système informatique pour les communiquer aux salariés. L’arbitre Tousignant a écarté le raisonnement des arbitres Blais et Turcotte et s’est appuyée sur la définition du terme affiche contenu au dictionnaire et sur l’alinéa 2 l’article 29 de la L.C.J.T.I. :

« [46]        Maintenant, concernant l'obligation d'afficher, la procureure patronale s'en est référée à des définitions dictionnaires dont, entre autres, le Multi Dictionnaire de la langue française où sous la rubrique afficher on y retrouve  entre autres:

« 1. Annoncer au moyen d'affiches. Les résultats des examens seront affichés demain.

Sous la rubrique affichage, s'y retrouve ce qui suit:

«1.  Action d'afficher; son résultat. L'affichage doit être en français. Un tableau d'affichage.

2.   Visualisation de données. Affichage numérique. »

[47]        Au dictionnaire Le Petit Robert, il est dit du verbe afficher entre autres ce qui suit:

«1 Annoncer, faire connaître par voie d'affiches (ou par le tableau d'affichage)....

(infor. Faire apparaître (une information visuelle) sur un cadran, un écran.»

[48]        Sous la rubrique affiche, il y est mentionné:

«Feuille imprimée destinée à porter qqch. à la connaissance du public, et placardée sur les murs ou des emplacements réservés....»

[49]        Le sens commun d'afficher permet d'affirmer que le but est de faire connaître par voie d'affiches et que cette dernière est une feuille imprimée destinée à porter quelque chose à la connaissance du public, dans le présent cas, les personnes salariées et les intéressés. S'il est exact que les dictionnaires parlent aussi d'affichage numérique ou encore spécifient, dans le domaine de l'informatique, ce qu'il en est, dans le cadre de l'application de la convention collective, la pratique qui avait cours, l'entendement des parties de l'obligation de l'employeur,   a toujours été un affichage papier. Si les parties veulent modifier, il y a toujours la voie de la négociation. En 2009, il s'agissait d'un projet pilote, rien n'empêche les parties de le faire mais, à défaut de conclusion commune, la clause et son application selon sa finalité et portée s'applique pour la durée de la convention.

[50]        Je peux comprendre l'évolution technologique, d'ailleurs, ce n'est pas pour rien que la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information a été adoptée.

[51]        Dans le présent cas, la preuve ne révèle aucune explication de la part de la partie patronale. Avec la preuve soumise, ce n'est pas juste une question de souris...mais une question de mise à jour et de droit.

[52]        J'ajoute que si «Logibec» permet à la personne salariée de prendre connaissance des mises à jour de son horaire de travail individuel, le tout ne fait pas en sorte que la clause 9.08 concernant la cédule de travail est respectée. Il n'y a qu'une cédule et elle vise l'ensemble des personnes salariées. De plus,  l'article 29  alinéa 2 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information prévoit que « nul n'est tenu d'accepter de recevoir un document sur un autre support que le papier ou au moyen d'une technologie dont il ne dispose pas.» Cette disposition a fait l'objet d'interprétation dans l'affaire Commission scolaire des Monts-et-Marées. S'il est exact que le contexte était différent, il n'en reste pas moins que l'arbitre s'exprime comme suit au para. 128:

« L'Employeur ne peut ainsi obliger le personnel enseignant à recevoir un document sur un autre support que le papier ou au moyen d'une technologie dont il ne dispose pas. Je comprends que l'Employeur peut mettre à la disposition de son personnel des ordinateurs et des imprimantes, mais ce n'est pas ce que cette loi dit.»

[53]        Vu ce qui précède, le grief est accueilli; »

(je souligne)

[38]        Ce que je retiens de cette jurisprudence c’est que non seulement il faut prendre en compte, en premier lieu, les dispositions de la convention collective et, plus particulièrement, si elle prévoit ou non un mode de communication particulier des documents que l’employeur doit transmettre aux salariés ou au syndicat, mais aussi des dispositions contenues aux lois qui visent les informations contenues à ces documents. Ainsi, je considère que de rendre accessible un document par un moyen de communication informatique n’équivaut pas nécessairement à le remettre à son destinataire, à moins que la convention collective ne le prévoit spécifiquement, et que ce document ne soit pas visé par une disposition spécifique d’une loi comme celle prévue à l’article 46 L.N.T. concernant la remise du bulletin de paie au salarié. D’ailleurs, je suis aussi d’avis que l’article 29 de la L.C.J.T.I. confirme cette approche. L’article 29 se lit comme suit :

« 29. Nul ne peut exiger de quelqu’un qu’il se procure un support ou une technologie spécifique pour transmettre ou recevoir un document, à moins que cela ne soit expressément prévu par la loi ou par une convention.

De même, nul n’est tenu d’accepter de recevoir un document sur un autre support que le papier ou au moyen d’une technologie dont il ne dispose pas.

Lorsque quelqu’un demande d’obtenir un produit, un service ou de l’information au sujet de l’un d’eux et que celui-ci est disponible sur plusieurs supports, le choix du support lui appartient. »

(je souligne)

[39]        Il convient maintenant de procéder à l’étude du présent grief selon les dispositions de l’article 27 de la convention collective sous étude.

   La formation des TAP prévue à la convention collective

[40]        Il est non contesté que les TAP doivent suivre les formations exigées par le MSSS en vertu de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence pour maintenir leur inscription au registre national. Comme je l’ai déjà mentionné, l’article 27 de la convention collective reconnaît l’importance de la formation obligatoire et les parties ont prévu des dispositions spécifiques afin que la participation des TAP ait le moins d’impact sur leurs conditions de travail.

[41]        L’article 27.04 de la convention prévoit que si du matériel est requis pour la formation, il est fourni à la personne salariée et ce, sans frais.

[42]        Le terme requis est défini comme suit au dictionnaire Petit Robert :

« Requis : 1. Demandé, exigé, comme nécessaire (...) »

[43]        Le terme fournir, au même dictionnaire, est défini de la façon suivante :

« Fournir : A. Pourvoir de ce qui est nécessaire – alimenter, approvisionner. (…) Donner, procurer. Fournir QQCH. (…) »

[44]        Le manuel de formation est requis et il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet. Il demeure à déterminer si l’Employeur remplit son obligation lorsqu’il ne fournit que le lien Internet pour que le TAP se le procure. Je souligne que les parties avaient déjà prévu que des frais pouvaient être encourus pour du matériel requis pour la formation car l’article 27.04 de la convention précise que ce matériel est fourni sans frais.

[45]        En regard de la preuve qui a été administrée par les parties, je suis d’opinion que lorsque l’Employeur ne transmet que le lien Internet pour que le TAP ait accès au matériel pédagogique, il manque à son obligation de fournir le matériel requis. Tout d’abord, je souligne que Mme Martin a témoigné que les TAP devaient apporter le format écrit du manuel lors de leur formation. Ce témoignage n’a pas été contredit et le fait qu’elle n’a pu observer qu’aucun participant n’ait été exclu du cours s’il n’avait pas le format papier n’est pas concluant.

[46]        Je suis aussi d’opinion que la version papier du manuel de formation est indispensable pour assurer au TAP la qualité d’une bonne préparation à la formation qu’il est dans l’obligation de suivre. J’ai parcouru tout le manuel de formation portant sur l’approche préhospitalière au patient présentant un AVC aigu probable déposé en preuve par le Syndicat et ce document contient près de 80 pages de données médicales spécialisées sur la question. Je n’ai aucun doute que l’étudiant doit annoter, souligner et même surligner certains passages de ce document. Il devra aussi sûrement apposer des signets sur certaines pages du document dont il voudra obtenir des éclaircissements lors de sa formation. Le manuel de formation n’est pas un simple document d’information, c’est un outil pédagogique indispensable et je ne peux comprendre comment l’Employeur peut prétendre remplir son obligation de fournir le matériel requis pour la formation du TAP lorsqu’il ne lui transmet que le lien Internet pour y avoir accès.

[47]        Je considère que l’accès Internet transmis par l’Employeur du manuel de formation n’est en quelque sorte qu’un accessoire au format papier et qu’il ne le remplace pas.

[48]        Le fait que tous les TAP possèdent des appareils électroniques n’a aucune pertinence. Afin que l’article 27.04 de la convention collective s’applique, il ne faut que le matériel pédagogique soit requis pour qu’il soit fourni sans frais au TAP. De plus, en vertu de l’alinéa 2 de l’article 29 de la L.C.J.T.I., le TAP peut exiger d’obtenir la version papier si les conditions de l’article 27.04 sont rencontrées, ce qui est le cas dans la présente affaire.

[49]        Il faut également interpréter les termes de l’article 27.04 dans le contexte dans lequel ils sont utilisés. Le TAP ne doit pas voir ses conditions de travail diminuées du fait qu’il doive suivre une formation obligatoire pour maintenir son inscription au registre national. Le manuel de formation est un document pédagogique que je qualifierais de lourd, pas seulement au niveau de son nombre de pages, mais aussi à cause de son contenu, lequel doit être compris et assimilé par le TAP. La version papier de ce manuel est indispensable au TAP afin qu’il puisse l’étudier sérieusement. L’Employeur doit donc assumer les frais et remettre la version papier du manuel de formation obligatoire que doivent suivre les TAP de son entreprise.

[50]        Je souligne qu’aux fins de la présente analyse, je n’ai pas pris en compte l’article 85.2 L.N.T., lequel se lit comme suit :

« 85.2. Un employeur est tenu de rembourser au salarié les frais raisonnables encourus lorsque sur demande de l’employeur, le salarié doit effectuer un déplacement ou suivre une formation. »

[51]        Textuellement, la convention collective ne prévoit pas que c’est l’Employeur qui exige que les TAP à son emploi suivent et réussissent les cours de formation obligatoire et ce, même s’ils peuvent encourir la sanction prévue à l’article 27.07 de la convention s’ils échouent à une formation de MSSS ou de l’Agence. À mon avis, en regard de la preuve administrée, les termes de l’article 27.04 de la convention collective sont suffisamment clairs pour comprendre que l’Employeur ne peut agir comme simple courroie de transmission en regard du matériel pédagogique qui est requis en n’informant le TAP que du lien électronique auquel il pourra avoir accès à la documentation. L’Employeur s’est aussi engagé à assumer les frais associés à ce matériel.

[52]        L’Employeur doit fournir le matériel pédagogique requis sans frais et la version papier du manuel de formation est essentielle pour que le TAP puisse pouvoir se consacrer à une étude sérieuse de la matière qui fera l’objet de sa formation. L’article 29 de la L.C.J.T.I. donne également le droit au TAP de recevoir le manuel requis dans le cadre de sa formation dans sa version papier et que l’Employeur s’est engagé à lui fournir en vertu de l’article 27.04 de la convention collective.

DISPOSITF

POUR LES RAISONS QUI PRÉCÈDENT, après avoir étudié la preuve, la jurisprudence et les autorités soumises par les parties, soupesé les arguments des procureurs et sur le tout délibéré, le tribunal :

ACCUEILLE  le grief du Syndicat déposé le 20 mai 2015;

DÉCLARE que l’Employeur doit assumer les coûts d’impression en format papier du manuel de formation et de la documentation qui y est associée dans le cadre de la formation obligatoire des techniciens ambulanciers paramédics pour maintenir leur inscription au registre national;

RÉSERVE sa juridiction afin de déterminer les montants dus aux salariés concernés depuis la date du dépôt du grief avec les intérêts prévus au Code du travail à défaut d’entente entre les parties et sur la présentation d’une requête précisant les sommes dues à chacun des salariés.


Dernière modification : le 19 février 2019 à 20 h 20 min.