Extraits de la décision 

LES DOCUMENTS TECHNOLOGIQUES DÉPOSÉS À TITRE D’ÉLÉMENTS DE PREUVE

[171]     Les parties ont déposé en preuve un certain nombre de « documents technologiques » au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, RLRQ, c. C-1.1 (la LCJTI), à savoir des textes, des images et des sons extraits de plusieurs sites web, dont ceux d’Hydro-Québec, d’Enercon et du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles.

[172]     Il n’existe aucun différend quant à la qualification de ces documents, de leur admissibilité en preuve, ni sur leur intégrité[16], sinon que sur la valeur juridique ou la force probante que la Commission devrait leur accorder. Ayant pris sous réserve cette question, il est maintenant le temps d’en disposer.

[173]     La LCJTI a notamment pour objet d’assurer « l’équivalence fonctionnelle des documents et leur valeur juridique, quels que soient les supports des documents, ainsi que l’interchangeabilité des supports et des technologies qui les portent » (paragraphe 3o de l’article 1).

[174]     Lorsque l’intégrité d’un document ne fait l’objet d’aucune discussion, comme dans le cas qui nous occupe, il n’y a pas lieu de distinguer la valeur juridique d’un document en fonction de son support (article 5 de la LCJTI).

[175]     Dès que l’intégrité d’un document technologique est assurée (par présomption, admission ou autrement), sa valeur juridique ou sa force probante doit être appréciée non pas en fonction de son support, mais en fonction du régime de preuve applicable.

[176]     En l’espèce, les documents technologiques déposés en preuve visent essentiellement à rapporter des faits. Or, lorsqu’on rapporte des faits par personne interposée, que ce soit par preuve testimoniale ou par une preuve documentaire[17], on revient, ni plus ni moins, à discuter d’une preuve par ouï-dire, laquelle est admissible en droit administratif[18], et sa force probante est laissée à l’appréciation du tribunal.

[177]     Qu’en est-il de l’argument de la CCQ voulant que les faits contenus dans les documents technologiques produits par Enercon qui sont contraires à ses intérêts puissent lui être opposés en tant qu’aveux extrajudiciaires?

[178]     Outre le fait que la Commission n’est pas liée par le régime de preuve en matière civile, force est de constater que l’aveu extrajudiciaire est un moyen de preuve qui n’a aucun objet dans la perspective d’un recours qui vise à régler une difficulté d’interprétation ou d’application de la Loi R-20.

[179]     Selon l’article 2850 du Code civil du Québec, un aveu extrajudiciaire n’est pas autre chose que la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur. Or, il est illusoire de croire qu’une difficulté d’interprétation ou d’application avec une loi d’application générale peut se régler à la suite de l’aveu d’une partie. Une preuve de cette nature pourrait, tout au plus, avoir une incidence au niveau de l’appréciation des faits, mais encore là, il n’est pas possible de parler véritablement d’un « aveu » au sens strict du terme puisqu’elle ne pourrait pas produire, a priori, une conséquence juridique contre son auteur.


Dernière modification : le 12 août 2015 à 23 h 30 min.