Extraits pertinents :

[1] Le père présente une demande pour l’obtention de droits d’accès à l’enfant des parties X, née le [...] 2012, âgée de 4 ans ainsi que pour fixation d’une pension alimentaire.

[2] De son côté, la mère présente une demande en déchéance de l’autorité parentale de Monsieur et en changement de nom.

[4] Pendant l’audition, la mère formule une objection à l’égard du dépôt en preuve de conversations s’étant déroulées entre elle et Monsieur. À la suite du témoignage de Monsieur à ce sujet, le Tribunal a prit cette objection sous réserve. Il en sera traité dans le présent jugement.

[26] Comme il n’arrive pas à se trouver du travail au Québec, Monsieur décide de partir pour le Liban, endroit où habitent ses parents et sa famille, le but étant d’y trouver un travail; il sera absent cinq mois. X n’a pas encore ses six mois lors de son départ.

[28] Pendant cette séparation temporaire, les parties communiquent via les moyens technologiques. Régulièrement, ils se parlent via « skype ». Madame fait participer l’enfant à ces conversations lorsqu’elles se déroulent sur les heures où X est éveillée. Madame parle de leur fille à Monsieur, espérant que cela les aidera à faire en sorte que leur relation redevienne agréable. Elle a espoir qu’à son retour, Monsieur aura retrouvé ses esprits, que tout reviendra comme avant la naissance de l’enfant.

ANALYSE

Sur l’objection formulée par Madame

[79] La conversation que l’on veut pouvoir déposer a été transmise à la partie demanderesse en vertu de l’article 292 du Code de procédure civile du Québec moins de dix jours avant l’audition. Le mode de communication, l’intégralité ainsi que la fiabilité des documents déposés sont remis en question.

[80] En fait, les documents que l’on veut déposer en preuve consistent à des extraits de conversations tenues via Facebook entre les parties.

[81] Cet article auquel il est fait ici référence ne vise aucunement ce type de conversation :

Art.292 : Une partie peut produire à titre de témoignage, outre une déclaration prévue au livre De la preuve du Code civil, la déclaration écrite de son témoin, y compris un constat d’huissier, pourvu que cette déclaration ne vise à prouver qu’un fait secondaire du litige et qu’elle ait été préalablement notifiée aux autres parties.

Une autre partie peut, avant la date fixée pour l’instruction, exiger la présence à l’enquête du témoin concerné ou encore obtenir l’autorisation du tribunal de l’interroger hors sa présence.

[82] Il ne s’agit pas ici d’une déclaration écrite, mais bien d’échanges entre les parties sous le support électronique de Facebook.

[83] Le Tribunal est d’avis que le mode utilisé pour déposer ces conversations ne rencontre pas les exigences prescrites.

[84] La demanderesse soulève également l’absence de fiabilité dudit document dans sa forme.

[85] Dans Droit de la famille - 161206[1] la juge Gagné, j.c.s. rappelle les principes applicables dans le cadre de dépôt de conversations tenues dans un tel contexte :

[61] Dans Ville de Mascouche, le juge Gendreau rappelle ce qui suit:
À mon avis, la partie qui entend utiliser ces éléments de preuve doit se conformer à la procédure dont j’ai fait état dans Cadieux c. Service de gaz naturel Laval Inc. Dans cette affaire, j’avais exprimé l’avis que les enregistrements vidéo ou audio sont des éléments de preuve autonomes et que le juge ne devrait les recevoir qu’après avoir été convaincu que les documents sont fiables et intégraux. Cela signifie que la partie qui entend s’en servir doit l’alléguer et la mettre à la disposition de l’adversaire. Cela me semble essentiel. Même si la technique du voir dire est propre au procès criminel, je la trouverais utile afin que non seulement la fiabilité et l’intégrité de la preuve soient contrôlées mais aussi son admissibilité.

[62] La même règle s’applique à la reproduction de conversations privées sur Facebook.
[…]

[65] Des messages échangés sur Facebook sont des documents technologiques au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (« Loi »).

[66] Outre les autres exigences de la Loi, il est nécessaire, pour que ces messages fassent preuve au même titre que des messages établis sur support papier, que leur intégrité soit assurée.

[67] Tant la Loi que le C.c.Q accordent une présomption d’intégrité aux documents technologiques. Cette présomption s’applique aux messages sur support électronique, mais pour que leur reproduction sur support papier ait la même valeur juridique, encore faut-il que le document résultant du transfert comporte la même information que le document source et que son intégrité soit assurée.

[68] L’intégrité de la copie sera assurée si, lors de la reproduction, l’information ne subit aucune altération ou destruction volontaire ou accidentelle.
(les références ont été omises)

[86] Le défendeur reconnaît qu’il a imprimé quelques conversations mais que plusieurs messages ont été effacés.

[87] Dans un tel contexte, cette preuve ne présente pas de garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s’y fier. L’utilisation de ce document est contraire à l’objectif de recherche de la vérité.

[88] L’objection au dépôt de la pièce D-2 est accueillie.


Dernière modification : le 14 septembre 2017 à 10 h 05 min.