Extraits pertinents :

[1] La Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie d’une demande de révision du cabinet Deveau avocats (le demandeur) à la suite du refus de la Municipalité de Cantley (la municipalité) de lui donner accès à la soumission déposée par le cabinet Dunton Rainville (le tiers), qui s’est vu accorder, par la municipalité, le mandat de lui fournir des services juridiques pour l’année 2013.

[7] Une version caviardée de l’appel d’offres pour services professionnels en matière juridique est déposée (T-4). Elle comprend une lettre du tiers décrivant l’offre de service et des documents décrivant le cabinet.

[15] Le témoin explique que la concurrence dans le milieu juridique est très forte et est accrue dans le domaine municipal. Il faut donc être extrêmement concurrentiel. Il y a de nouveaux joueurs, ce qui crée une forte pression sur la stratégie des prix.

[17] Il ne connaît pas le taux horaire des autres bureaux qui soumissionnent. Le taux horaire n’est jamais publicisé. Cette information est connue par le client et le bureau seulement.

[25] Le tiers s’est vu accorder, par résolution du conseil municipal adopté le 12 mars 2013 (D-1), le contrat de services professionnels pour une durée d’une année.

[31] De retour en audience publique, le témoin explique que si son offre de service était dévoilée, cela donnerait un avantage aux compétiteurs et aurait pour effet de « brûler son prix ». Les concurrents ne connaissent pas sa structure de prix et la divulguer leur permettrait de savoir jusqu’où le tiers était prêt à descendre ses prix pour obtenir le contrat.

[40] La demande d’accès vise à obtenir la soumission déposée par le tiers, qui s’est vu accorder, par la municipalité, le mandat de lui fournir des services juridiques pendant l’année 2013.

[44] La municipalité refuse de donner accès à la soumission aux motifs qu’elle est protégée par le secret professionnel de l’avocat et qu’elle contient des « informations confidentielles et commerciales » que le tiers refuse de communiquer, et ce, en vertu des articles suivants :

La Loi sur l’accès

23. «Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d’un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement.»

24.« Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver une négociation en vue de la conclusion d’un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement.»

[45] Le demandeur soutient que l’offre de service acceptée par la municipalité fait partie des archives municipales qui sont soumises à un régime d’accès plus généreux. Il s’appuie sur une décision[5] récente de la Commission dans laquelle la juge administratif s’en remet à la définition d’archives contenue dans la Loi sur les archives[6] pour conclure que tous les documents détenus par une municipalité font partie des archives municipales.

[64] Récemment, dans quelques décisions[10], dont la décision Boischatel invoquée par le demandeur, la Commission a référé à la définition du terme « archives » contenue dans la Loi sur les archives afin de déterminer si un document faisait partie des archives municipales et était visé par un droit d’accès plus généreux. Cette définition prévoit:

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:
«archives» : l’ensemble des documents, quelle que soit leur date ou leur nature, produits ou reçus par une personne ou un organisme pour ses besoins ou l’exercice de ses activités et conservés pour leur valeur d’information générale;

[65] De plus, cette loi adoptée en 1983 renvoie à la notion de « document » contenue dans la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information[11] .

[74] Si le législateur avait voulu substituer la définition d’archives prévue à la Loi sur les archives à celle développée par la jurisprudence à l’égard de l’article 209 du Code municipal, il l’aurait affirmé clairement par une référence dans l’une de ces lois. En l’absence d’une telle mention, il ne me semble pas possible d’affirmer que l’intention du législateur était de modifier l’interprétation d’archives contenue au Code municipal en raison de l’adoption de la Loi sur les archives en 1983.

[77] Il ressort de la preuve administrée dans le présent dossier que la soumission du tiers a été retenue et acceptée par résolution du conseil municipal. De plus, le tiers a admis qu’elle constitue le contrat le liant à la municipalité, aucun autre document ne faisant état de la relation contractuelle entre les parties. La soumission, devenue contrat, constitue un document constatant les actes de la vie corporative de la municipalité.

[78] Ainsi, la Commission s’en remet à l’interprétation donnée à la notion d’archives dans l’affaire Garneau c. Laplante et conclut que la soumission est un document faisant partie des archives au sens de l’article 209 du Code municipal et qu’elle doit être accessible.

[90] Le tiers soutient que le droit au secret professionnel s’étend à tous les documents rédigés à l’occasion d’un mandat, incluant la soumission présentée dans le but de rendre des services juridiques.

[91] Le demandeur relève le fait que la municipalité, qui est la bénéficiaire de ce droit, n’a pas plaidé ce motif dans sa plaidoirie écrite. Cependant, la Charte prévoit que le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel. La Commission se doit donc d’analyser cet argument.

[97] Il est vrai qu’un mandat confié à un avocat et le taux horaire de ce dernier peuvent dans certains cas être visés par le secret professionnel[18]. Cependant, cette protection vise à protéger la relation avocat-client qui pourrait être affectée par la divulgation d’un compte d’honoraires.

[99] En l’espèce, la soumission retenue qui fait partie du contrat de services professionnels liant la municipalité au tiers ne contient pas d’élément de cette nature. En effet, on ne peut en conclure que le contrat « d’ordre général » liant une municipalité à un bureau d’avocats et ne contenant aucune information relative à des mandats particuliers est protégé par le secret professionnel.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[101] ACCUEILLE la demande de révision.

[102] ORDONNE à la Municipalité de Cantley de communiquer, dans les 30 jours suivant la réception de la présente décision, copie de l’offre de service contenue dans la lettre du 28 janvier 2013 ayant fait l’objet de la résolution (D‑1).


Dernière modification : le 6 mars 2017 à 15 h 31 min.