Extraits pertinents

[3] Les faits à l'origine du présent appel sont bien résumés au mémoire de l'appelant :

«Le 5 février 2009, vers 16:41, l'agent de la paix Pierre[sic] Gagnon de la Ville de Montréal a procédé à l'interception d'un véhicule automobile conduit par Monsieur Marc-André Bolduc, au motif que ce dernier circulait à une vitesse supérieure (78km/h) à celle permise (50km/h) sur le boulevard Henri-Bourassa, en direction ouest. L'audition s'est déroulée le 5 mars 2009 et à cette date, l'intimée a déposé en preuve le constat d'infraction portant le numéro 760‑738‑425 (P-1 en liasse). L'intimée a ensuite déclaré sa preuve close. L'appelant a subséquemment présenté une requête pour rejet du constat d'infraction (pour motif d'absence de la signature de l'agent Gagnon). Cette requête a été présentée le 5 mars 2009 mais l'audition a été continuée jusqu'au 14 mai 2009, date à laquelle l'Honorable juge Pierre G. Bouchard a pris la requête en délibéré.
Le 12 juin 2009, il a rendu un jugement écrit dans lequel il a rejeté la requête de l'appelant pour motif que le Tribunal ne pouvait pas conclure que le présent constat d'infraction ne rencontre pas les prescriptions de la loi et des règlements. Suite à ce rejet, le juge a fixé une date pour l'audition de la défense de l'appelant.[...]

Question en litige

[...]

Le constat d'infraction est-il conforme aux dispositions du Règlement sur la forme des constats d'infraction (le Règlement)?

[9] Pour la bonne compréhension du dossier, il y a lieu de reproduire la partie litigieuse du constat remis à l'appelant. Les parties attestation et signification se lisent comme il suit :

[10] La mention du nom, du matricule et de l'unité qui apparaît sur le constat d'infraction sur support électronique constitue-t-elle une signature au sens du Règlement?

[11] L'appelant prétend que non, car il ne comporte pas la signature exigée par le sous-paragraphe h) du paragraphe 8 de l'article 34 du Règlement, lequel édicte :

«34. Le recto des feuillets ou les données des pages-écran correspondantes du constat d'infraction délivré pour les infractions relatives au contrôle du transport routier, à la sécurité routière et au stationnement d'un véhicule ou pour les infractions dont une municipalité est chargée de la poursuite comporte les rubriques, mot-clés, textes et espaces permettant d'inscrire les mentions suivantes :

(…)

8e. dans la section relative à l'attestation des faits et à la signification du constat d'infraction ou dans des sections distinctes s'y rapportant :

(…)

h) la signature de la personne qui atteste les faits et de la personne qui effectue la signification ou selon le cas leur signature respective apposée : au moyen d'un procédé électronique ou le code de validation de leur signature ainsi apposée; dans le cas où l'attestation et la signification sont effectuées par la même personne, l'indication de ce fait et la signature de cette personne pour l'attestation des faits et pour la signification ou selon le cas, sa signature apposée au moyen d'un procédé électronique ou le code validation de sa signature ainsi apposée».

[12] Pour sa part, Ville de Montréal prétend que le nom de l'agent, son matricule et le numéro de son unité, tels qu'ils apparaissent à la section attestation du constat rencontre les exigences du sous-paragraphe h).

[13] La solution de l'appel tourne autour de la signification qu'il faut donner au mot «signature» à l'ère des communications sur support électronique. Comme le législateur n'a pas cru bon de définir ce qu'il entendait par «signature», il y a lieu de recourir aux dictionnaires usuels.

[14] Le Petit Larousse illustré offre la définition suivante :

«2. Nom ou marque personnelle qu'on appose en bas d'une œuvre, d'un texte, d'un document, etc., pour attester qu'on en est l'auteur, qu'on s'engage à exécuter un acte, etc.»

[15] Le Grand Robert de la langue française définit ainsi ce mot :

«1. Inscription du nom (d'une) personne sous une forme particulière et constante pour affirmer l'exactitude, la sincérité d'un écrit ou en assumer la responsabilité…»

[16] Le deuxième paragraphe de l'article 14 du Règlement édicte cependant que lorsque les autorités utilisent un constat d'infraction sur support papier, celui-ci doit être signé de façon manuscrite :

14. (…)

Le constat d'infraction composé de feuillets comportant des inscriptions informatisées est un constat sur support papier assujetti aux normes de la présente section et doit être signé de façon manuscrite lors de la délivrance.

[17] Les articles 16 et 17 du Règlement qui visent les constats d'infraction sur support électronique ne prévoient pas une telle obligation. Ils doivent cependant comporter, en vertu de l'article 34(8)h), une «signature apposée au moyen d'un procédé électronique ou le code de validation de sa signature ainsi apposée».

[18] Le Tribunal est d'avis que l'apposition, par procédé électronique, du nom, prénom, numéro de matricule et numéro d'unité de l'agent de la paix à la section G du constat d'infraction rencontre les exigences du sous-paragraphe h) de l'article 38 (8) du Règlement et constitue une signature au sens des dictionnaires.

[19] De plus, cette mention rencontre également les exigences du sous-paragraphe c) de l'article 38(8) du Règlement. Il était inutile de répéter deux fois la même information.

[20] En effet, l'agent Pascal ne s'est pas contenté d'inscrire que son nom (sa signature). Il est allé plus loin et a ajouté des éléments qui font que sa signature est unique. L'ajout de son numéro de matricule et de son numéro d'unité a rendu sa signature distinctive en ce qu'elle permet au défendeur d'individualiser, sans doute possible, l'agent qui a attesté les faits mentionnés au constat d'infraction. L'ajout du matricule et du numéro d'unité constitue le «code de validation» de sa signature. En effet, il n'y a qu'une personne qui peut, au SPVM, signer un document, Gagnon Pascal, matricule [...], unité [...].

[21] Il faut également garder à l'esprit l'objet de la loi. Cette signature est requise afin de permettre au défendeur de s'assurer de l'identité de la personne qui lui décerne le constat d'infraction et qui a constaté les faits qui y sont relatés afin de pouvoir l'assigner s'il le désire. En l'espèce, l'information est complète et permet au défendeur d'identifier la personne à assigner.

[22] Il ne faut également pas perdre de vue que le motif invoqué par l'appelant relève de la forme et que celle-ci doit s'incliner devant le fond comme le rappelle si bien les auteurs Lebel et Roy :

«À l'instar du Code de procédure civile, le Code de procédure pénale fait l'objet d'une interprétation généreuse. Les tribunaux y font prévaloir la substance sur la forme, écartant ainsi le formalisme d'autrefois.»

[23] Accueillir l'appel ferait triompher la forme sur la substance alors que l'appelant n'a pas démontré que ce prétendu vice de forme lui cause un quelconque préjudice. Le Tribunal est d'avis que le constat d'infraction émis à l'appelant est conforme à la lettre et à l'esprit de la Loi et du Règlement et que l'appel doit être rejeté.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24] REJETTE l'appel;

[25] LE TOUT SANS FRAIS.

Wilbrod Claude Décarie, j.c.s.


Dernière modification : le 16 mai 2012 à 11 h 10 min.