Extrait pertinent:

[53] L’article 2855 C.c.Q. énonce l’obligation lors de la présentation d’un élément matériel de faire une preuve distincte préalable d’authenticité de celui-ci :

2855. La présentation d’un élément matériel, pour avoir force probante, doit au préalable faire l’objet d’une preuve distincte qui en établisse l’authenticité. Cependant, lorsque l’élément matériel est un document technologique au sens de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, cette preuve d’authenticité n’est requise que dans le cas visé au troisième alinéa de l’article 5 de cette loi.

[54] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles rappelle, qu’en vertu de l’article 2 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles[3], elle est maître de ses règles de preuve et de procédure et qu’elle n’est pas tenue à celles édictées par le droit civil.

2. La Commission n’est pas tenue à l’application des règles de procédure et de preuve civiles.

[55] La Loi sur la justice administrative[4] prévoit une disposition semblable à l’article 11 de son texte :

11. L’organisme est maître, dans le cadre de la loi, de la conduite de l’audience. Il doit mener les débats avec souplesse et de façon à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction.

Moyens de preuve.

Il décide de la recevabilité des éléments et des moyens de preuve et il peut, à cette fin, suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile. Il doit toutefois, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. L’utilisation d’une preuve obtenue par la violation du droit au respect du secret professionnel est réputée déconsidérer l’administration de la justice.

[56] Dans les faits en cause, l’employeur offre au travailleur de visionner l’original des séquences vidéo le 14 février 2006. Par la suite, l’agent de la CSST tout comme le réviseur administratif permettent au travailleur de commenter le visionnement déposé au dossier avant de rendre leur décision. Cependant, à ces diverses occasions, aucune objection n’est émise relativement au dépôt par l’employeur desdits enregistrements, le travailleur soulève tout au plus l’absence de certaines périodes antérieures pertinentes. Dans ces circonstances, le tribunal est d’avis qu’afin d’obtenir le rejet d’une preuve constitutive du dossier de la Commission des lésions professionnelles, il appartient au travailleur de démontrer l’absence d’authenticité ou de fiabilité du document électronique.

[57] La Cour d’appel dans l’affaire Cadieux et Le Service de gaz naturel Laval inc.[5] développe certains critères en matière de recevabilité d’enregistrement mécanique. On y mentionne l’identité des locuteurs, l’authenticité, l’intégralité et la fiabilité du document qui ne doivent pas être altérés et dont les propos doivent être suffisamment audibles et intelligibles. Bien qu’il soit possible pour le tribunal de s’inspirer de ces balises, il faut toutefois les utiliser avec circonspection et souplesse puisque ce jugement traite d’une infraction en matière criminelle alors qu’un prévenu à droit à la présomption d’innocence, qu’il est en droit de ne pas s’auto incriminer et que le fardeau de la démonstration des éléments essentiels de l’infraction appartient à la partie poursuivante hors de tout doute raisonnable. Ces différents principes ne trouvent pas écho en matière administrative.

[58] En l’espèce, le tribunal retient du témoignage de monsieur Royer que le matériel en cause, soit les caméras de surveillance et le logiciel rattaché, ne présente aucune défectuosité à la période concernée par les événements. Il retient également des dires de ce dernier que le transfert sur CD des données retrouvées sur les caméras de surveillance le matin du 9 février 2006 représentent sans l’ombre d’un doute une copie fidèle du film original, bien que fragmenté en quatre fichiers en raison des capacités limitées de l’ordinateur. Cette façon de faire n’entraîne aucune perte de données puisque le technicien choisit, par mesure de sécurité, de reproduire en double certaines séquences. Ce témoin est crédible et ne possède aucun intérêt à modifier l’intégralité du film puisqu’il entretient au moment des enregistrements de bonnes relations avec le travailleur qui se trouve à être son oncle.

[59] La Commission des lésions professionnelles est également d’avis qu’il n’a pas été démontré que la présence non constante du technicien informatique lors des enregistrements ait pu mettre en péril l’authenticité de la copie effectuée. La preuve présentée à cet effet révèle qu’aucun employé, quel qu’il soit, ne possédait en février 2006 les connaissances et qualifications requises pour altérer ou trafiquer les bandes vidéo en l’absence de monsieur Royer. Ce dernier ne les avait pas lui-même.

[60] Enfin, le tribunal rejette l’allégation de non-fiabilité de la copie pour cause de problèmes techniques se manifestant sous forme d’arrêts inexpliqués de l’image puisque ces défaillances sont clairement sans conséquence. En effet, il appert lors de ces interruptions impromptues, que l’horloge de l’ordinateur s’arrête également pour redémarrer en même temps que la reprise d’image. Il n’en résulte par conséquent aucune perte de données.

[61] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles rejette le moyen préliminaire présenté par le travailleur et refuse d’exclure la preuve vidéo déposée au dossier. 


Dernière modification : le 4 mai 2012 à 14 h 31 min.