Extraits pertinents :

1 Le Tribunal est saisi d'une requête en reconnaissance d'une décision d'adoption rendue hors du Québec, soit [le PAYS A.].

3 Le dossier a ceci de particulier : l'enfant fut adopté [au PAYS A] quelques semaines avant le terrible tremblement de terre de janvier 2010.

4 Depuis, les parents ont égaré les originaux au soutien de la requête, soit l'acte de naissance de l'enfant, le jugement d'adoption prononcé à [VILLE B], l'Attestation de signature des officiers d'état civil [du PAYS A] et le consentement de la mère biologique à l'adoption [au PAYS A] ou à l'étranger.

5 Ces documents sont introuvables depuis le sinistre de janvier 2010. La requérante, grâce à ses contacts et à ses efforts, a obtenu une copie des documents.

8 L'article 2860 du Code civil du Québec[1] permet-il de passer outre l'exigence de produire les documents originaux?

10 "Pour être recevable", la demande en reconnaissance d'une décision d'adoption rendue hors du Québec doit être accompagnée de "copies certifiées de la décision d'adoption et de la loi étrangère4."

13 Il reste maintenant à déterminer si l'article 2860 du Code civil du Québec permet de passer outre cette exigence. L'article se lit comme suit :

2860. L'acte juridique constaté dans un écrit ou le contenu d'un écrit doit être prouvé par la production de l'original ou d'une copie qui légalement en tient lieu.

Toutefois, lorsqu'une partie ne peut, malgré sa bonne foi et sa diligence, produire l'original de l'écrit ou la copie qui légalement en tient lieu, la preuve peut être faite par tous moyens.

À l'égard d'un document technologique, la fonction d'original est remplie par un document qui répond aux exigences de l'article 12 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (chapitre C-1.1) et celle de copie qui en tient lieu, par la copie d'un document certifié qui satisfait aux exigences de l'article 16 de cette loi.

14 Comme le signale le professeur Ducharme, cet article reprend la règle de la "meilleure preuve"[9]. Il requiert la production de l'écrit original pour prouver un acte juridique ou une copie qui en tient légalement lieu. La preuve de cet acte juridique peut être faite par tout autre moyen si la personne qui l'invoque démontre qu'elle n'a pu, malgré sa bonne foi et sa diligence, produire l'original ou une copie qui légalement en tient lieu.

19 En vertu de l'article 2822 C.c.Q., un document émanant d'autorités étrangères a un caractère semi-authentique et bénéficie d'une présomption d'authenticité[17], c'est-à-dire une présomption que le droit y a correctement été appliqué. La reconnaissance du caractère authentique de ce document empêche notamment une partie d'en contredire les termes par témoignage[18].

25 Même si, en matière civile et contractuelle, le tribunal pourrait se contenter de la photocopie s'il n'a aucun doute que le document produit est une véritable copie de l'original qui ne peut être retrouvé[25], et que la preuve de l'acte juridique peut être faite par d'autres moyens de preuve, il apparaît qu'en matière d'adoption, compte tenu de l'importance des conséquences découlant d'un jugement d'adoption (et de sa reconnaissance au Québec) sur la vie de l'enfant, une plus grande rigueur doit être manifestée.

26 En conclusion, dans la mesure où l'article 825.6 C.p.c. requiert le dépôt de "copies certifiées de la décision d'adoption et de la loi étrangère", les requérants devaient établir qu'il leur a été impossible de produire l'original ou une copie certifiée conforme et qu'ils ont agi avec diligence.

27 De plus, pour autant que le Secrétariat à l'adoption internationale (SAI) aurait pu attester de certains faits pertinents au présent dossier, notamment quant à la perte ou la destruction des originaux et à la conformité des copies de l'acte de naissance et du jugement d'adoption étrangers, s'il en est le détenteur, le défaut d'avoir obtenu cette attestation pourrait représenter un manque de diligence, selon l'article 2860 C.c.Q.

28 Conséquemment, la lecture combinée des articles 825.6 C.p.c. et 2860 C.c.Q. fait en sorte qu'une copie certifiée du jugement d'adoption aurait dû être obtenue et produite au soutien de la requête, puisqu'il s'agit d'une condition nécessaire préalable à la reconnaissance du jugement d'adoption prononcé en Haïti. De plus, concernant les autres documents, la règle de la meilleure preuve pourrait aussi requérir l'original ou une copie certifiée conforme.

29 ATTENDU QUE le dossier, tel que constitué, est incomplet;

30 ATTENDU QU’il est possible d’y remédier;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

31 ORDONNE une réouverture d’enquête pour permettre aux requérants de déposer l’original des documents ou des copies certifiées;


Dernière modification : le 6 mars 2017 à 14 h 34 min.