Développement

 

1-Émergence de l’expression «Valeur juridique»

2-Composantes de l’expression «Valeur juridique»

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1 - Émergence de l’expression «Valeur juridique»

[1] L’expression de «valeur juridique», utilisée à l’article 5 de la Loi, prête à confusion et ne s’impose pas dans le vocabulaire juridique. En effet, à chaque fois que le Code civil du Québec réfère à la notion de valeur (382 occurrences), ce terme est presque toujours associé à une composante pécuniaire. Dans le même ordre d’idée, l’expression «effets juridiques» que l’on trouve dans le même article 5 n’est pas communément employée.

« La valeur juridique d'un document, notamment le fait qu'il puisse produire des effets juridiques et être admis en preuve [...]» [Article 5]

[2] On peut d’ailleurs remarquer que l’article 9 de la Loi propose également une illustration de cette notion en disposant que des documents qui ont la même valeur juridique peuvent être «remplacés» l’un par l'autre et peuvent ainsi être utilisés «simultanément ou en alternance». Une expression qui n’est pas sans rappeler la notion d’équivalence fonctionnelle.

[3] Cette terminologie tient donc du pur néologisme et prend sa source sans doute dans des références en dehors du droit. Or, ce terme générique, dont la généralité s’explique sans doute par la volonté fort honorable d’inclusion, a pour office de faire disparaître une dichotomie classique, pluriséculaire, et notamment celle entre preuve et formalisme ; entre ad probationem et ad validitatem. Il est aussi loisible de douter de l’opportunité d’introduire la notion «d’effet juridique» d’un document qui ne peut, selon nous, être autre chose que les deux fonctions précitées. Les expressions de «valeur juridique» ou bien «d’effet juridique»

« pour le moins boiteuse sont l’illustration parfaite qu’il n’est nullement nécessaire de gérer la nouveauté par la nouveauté. Au contraire ; il est sans doute plus efficace de le faire avec des repères qui en eux-mêmes ne sont pas source à interprétation. L’outil juridique, outre sa capacité d’adaptabilité, autorise de surcroît cette référence au temps source de prévisibilité.» [GAUTRAIS, 2012 #144].

[4] Ceci dit, il est possible d’expliquer l’utilisation de cette expression par deux raisons principales. En premier lieu, la notion de «valeur juridique» fut préalablement employée dans certains débats internationaux et notamment auprès de la CNUDCI [CNUDCI, 1985] qui dès 1985 y réfère pour traiter des enregistrements informatiques. Certains auteurs ont également évoqué le fait que la notion de valeur juridique était en fait une contraction des termes valeur probante et force juridique. En second lieu, le législateur souhaite apparemment utiliser ces termes «neutres» afin d’étendre au maximum la portée de la Loi en permettant ainsi qu’elle puisse s’appliquer à toutes les «fonctions» qu’un document est susceptible d’avoir.

 

2 - Composantes de l’expression «Valeur juridique»

[5] La valeur juridique réfère selon nous aux deux grandes «fonctions» qu’un document est susceptible d’avoir : la preuve et le formalisme. Parmi les «fonctions» probatoires qu’un document peut avoir il y a d’abord et avant tout, l’admissibilité en preuve, auquel l’article 5 de la Loi fait expressément référence. Mais le terme «notamment» ainsi que l’expression «effets juridiques» permet de croire que l’équivalence entre le papier et les technologies de l’information ne se limite pas à ce point. Il est donc vraisemblable que cet article vaut également pour la force probante, et ce, même si le professeur Fabien affirme que:

«Le terme effets juridiques serait mal choisi pour désigner la force probante (…).» [FABIEN, 2004, #565]

[6] Au-delà de cette dichotomie essentielle du droit de la preuve (admissibilité + force probante), il importe de s’interroger aux autres «fonctions» que le document qui a la même valeur juridique est susceptible d’avoir. Nous croyons que le terme «valeur juridique» est également en mesure de correspondre aux règles de formalisme que le droit ne manquent pas d’imposer. Ainsi, au-delà des règles ad probationem, la valeur juridique devrait inclure également celles que l’on qualifie d’ad validitatem.

[7] Simplement à titre d’illustration, il est également possible de croire que la notion de valeur juridique pourrait également référer à la fonction archivistique qu’un document serait susceptible d’avoir. La Loi prévoit d’ailleurs, à l’article 20, que lors du transfert d’un document, le document d’origine ne doit pas être détruit; ainsi,

« doit être conservé sur son support d'origine le document qui, sur celui-ci, présente une valeur archivistique, historique ou patrimoniale» [Article 20 in fine]

Néanmoins, étant donné que ce point est moins directement relié au droit de la preuve, nous ne ferons que l’évoquer.


Dernière modification : le 6 février 2017 à 18 h 30 min.