Développement

 

1.Définition du document

2.Place déterminante du document: l’information

3.Caractéristiques de l’information

4.Document en pratique

5.Notions annexes: la banque de données, le dossier

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1. Définition du document

 

[1] Un document est la symbiose d’un support et d’une information. L’article 3 de la Loi, propose une définition englobante et épurée de la notion de document, qui se révèle être très inspirée des sciences de la bibliothéconomie et de l’archivistique. On la trouve depuis longtemps dans certains textes de norme (ISO, DP 6760, 1974) qui définissent le document ainsi:

« ensemble d'un support d'information et des données enregistrées sur celui-ci sous une forme en général permanente et lisible par l'Homme ou par une machine ».

[2] C’est globalement la même que l’on trouve au niveau fédéral avec celle retenue par la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada qui à son article 2 dispose qu’un document constitue des:

« Éléments d’information, quel qu’en soit le support. »

[3] C’est aussi une définition qui est très comparable à d’autres que l’on trouve dans d’autres juridictions. À titre d’illustration, la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques définit le document avec la même volonté inclusive et les mêmes critères:

« Tous éléments d’information, quels que soient leur forme et leur support, notamment correspondance, note, livre, plan, carte, dessin, diagramme, illustration ou graphique, photographie, film, microforme, enregistrement sonore, magnétoscopique ou informatisé, ou toute reproduction de ces éléments d’information. »

[4] Le terme de document s’imposait donc assez naturellement dans la mesure où il est intégré tant dans le domaine des sciences de l’information que du droit mais aussi tant du papier que des technologies de l’information [POULIN+TRUDEL, 2001].

[5] Sur le strict point de vue juridique, cette définition de document s’applique selon nous à l’ensemble des moyens de preuve prévus au Code civil [DE RICO+JAAR, 2008], précisément à l’article 2811 CCQ. En effet, si cette notion vaut évidemment pour les différents écrits prévus au CCQ [Article 2812 et suiv. CCQ], un document vaut également pour un élément matériel, un témoignage, un aveu. Comme le disent les auteurs Tessier et Dupuis:

« Ainsi, la loi régit les écrits, mais aussi tout autre type de preuve qui peut être administrée devant les tribunaux tels les enregistrements vidéos sur support technologique. Ainsi, au lieu de créer une nouvelle catégorie d'écrits, comme en vertu de l'ancien article 2837 C.c.Q., le législateur renvoie plutôt à un support. » [TESSIER+DUPUIS, 2011].

Il est donc possible d’opérer un rapprochement entre la notion de document et d’élément de preuve à l’instar du Professeur Fabien pour qui un élément de preuve :

« se compose d’une information véhiculée par un support quelconque » ou «une information sur un support fait d’un moyen de preuve fiable » [FABIEN, 2004, #544].

Dès lors, nous nous inscrivons en opposition avec une auteure qui considère davantage que la notion de document constitue un synonyme à celle d’écrit [LAFONTAINE, 2002, #118].

[6] Aussi, nous croyons que la facture de la définition de la notion de document vise à introduire une grande souplesse dans ce que peut constituer un document. Cette souplesse se vérifie comme nous venons de le voir relativement aux différents moyens de preuve; mais il en est de même pour la définition même du document qui au regard des critères de réalisation qui suivent se veut inclusive.

« La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information « octroie un sens très englobant au mot document » (par. 29). [Les frères Maristes c. Desbiens (Ville), 2009, #29].

[7] Si aux premiers abords le couple «information» et « support » semble tout désigné pour caractériser la notion de document, il faut cependant prendre connaissance de la suite de l’article pour découvrir que c’est davantage la notion d’information qui a vocation à occuper un rôle central dans la définition de la notion de document.

 

2. Place centrale accordée à la notion d’information

 

[8] Ainsi l’article 3 alinéa 2 de la Loi précise que :

« L'information y est délimitée et structurée, de façon tangible ou logique selon le support qui la porte, et elle est intelligible sous forme de mots, de sons ou d'images. L'information peut être rendue au moyen de tout mode d'écriture, y compris d'un système de symboles transcriptibles sous l'une de ces formes ou en un autre système de symboles ». [Article 3 al. 2]

Dans cet article qui vise à définir un document, composé comme nous venons de le voir d’informations et d’un support, l’accent est néanmoins particulièrement tourné autour de la notion d’information qui est souvent envisagée comme « l'élément de base du document» [POULIN+TRUDEL, 2001]. L’information est donc sa raison d’être alors que le support à un rôle plus utilitaire en permettant sa «fixation». Le support devra permettre une fixation durable de l’information «quelle qu’en soit la forme matérielle» [FABIEN, 2004, #546]. En cela, le législateur a favorisé l’interchangeabilité [Interchangeabilité] des supports [POULIN+TRUDEL, 2001] et à cet égard, un parallèle pourrait être trouvé avec l’oeuvre en droit d’auteur qui doit être «fixée» «sur quel support que ce soit».

 

3. Caractéristiques de l’information

 

[9] Relativement à l’information, l’article 3 prend un soin assez important à identifier les qualités qu’elle se doit d’avoir pour être qualifiée comme telle. Ainsi, trois conditions cumulatives sont demandées:

1. L’information doit être délimitée et structurée afin de former un tout homogène,

2. celle-ci doit être reliée de façon tangible ou logique selon le support qui la porte,

3. et doit être intelligible «sous forme de mots, de sons ou d'images».

[10] La Loi demande au document en premier lieu que son information soit délimitée et structurée. Si les qualificatifs ne s’imposent peut-être pas au commun des juristes, un sens assez simple à cette première condition de l’information semble pouvoir être donné. En effet, cette expression vise selon nous tout simplement à ce qu’un même document puisse être réalisé en se basant non plus sur le support comme c’était le cas par exemple avec un document papier mais davantage à la cohérence qui découle de l’information qu’il porte. Toujours dans cet objectif d’inclusion dont la Loi témoigne, cette disposition vise à empêcher qu’un document ne puisse être reconnu comme tel par le seul fait que techniquement, il est constitué d’une série de «sous-documents». À titre d’exemple, le langage XML autorise la structuration de données qui technologiquement peuvent être considérées comme provenant de différents documents [Wikibook, XML].

[11] En deuxième lieu, un document peut être soit sur un support tangible soit sur un support logique. Parfois, et de façon identique, cette opposition est également reprise par les terme de structuration physique ou logique. Le premier terme - tangible - est donc associé à l’univers papier:

«La structuration tangible réfère à la capacité d'une disposition visuelle particulière à exprimer la structure logique d'un document.

Le document sur support papier est structuré de manière tangible.» [POULIN+TRUDEL, 2001]

Le second - logique - est quant à lui dédié aux différentes technologies que l’on trouve sur les différents supports numériques. D’ailleurs ce qualificatif de «logique» est expressément repris à l’article 4 [Article 4] qui est dédié aux documents technologiques. En effet, sur ces supports, l’information est organisée de manière logique c’est-à-dire qu’elle a besoin d’écritures qui ne sont pas directement dédiées au contenu mais davantage à sa structure ou sa mise en page [Métadonnées]. En pareille situation, l’information est agencée selon une «logique» propre à la technologie employée (sous forme d’octets pour les technologies électroniques). Concrètement cela signifie que la lecture du codage qui constitue un document numérique n’est pas toujours facilement intelligible par l’humain. Par exemple, le langage HTML que l’on emploie sur des sites «web» utilise des balises (tags) qui visent à opérer une mise en page particulière. De manière comparable, le langage XML dispose de codes internes qui structurent et donnent des particularités aux documents, et ce, sans que l’information en tant que telle n’en soit affectée. En tout état de cause, et au-delà de la technicité de ces termes, là encore, la volonté législative semble vouloir être de s’assurer qu’un document puisse être soit sur un support physique soit sur un support numérique et que cette différence de structuration de l’information selon une forme tangible ou logique semble tracer la distinction entre le document papier (et ses équivalents physiques) et le document dit technologique. C’est d’ailleurs ce qui a été affirmé par le ministre Cliche lors des débats parlementaires le 08 décembre 2000:

«la première étant applicable au support papier; la deuxième étant plus applicable au support électronique.» [DÉBATS PARLEMENTAIRES, 2000]

[12] Enfin, en troisième lieu, un document peut être reconnu comme tel dès lors, d’une part, qu’il est susceptible d’avoir un sens et d’être compris. Le critère d’intelligibilité est donc exigé. Un critère dont il est loisible d’interpréter assez largement:

«l’intelligibilité est la qualité que l'information possède lorsqu'elle est susceptible d'être comprise par un être humain» [POULIN+TRUDEL, 2001].

Une notion d’intelligibilité qui est inhérente à tout document qui se doit d’être porteur de sens, et ce, afin de remplir les deux raisons d’être qu’il est susceptible de remplir, à savoir, les fonctions discursive et documentaire:

« nous distinguons donc deux fonctions de base du texte : la fonction discursive et la fonction documentaire. » [ESCARPIT, 1973]

Une notion d’intelligibilité qui d’ailleurs fut déjà expressément prise en compte dans certaines décisions comme par exemple dans Cadieux c. Service de gaz naturel Laval inc. de la Cour d’appel du Québec qui, relativement à la recevabilité en preuve d’un enregistrement sonore identifie clairement la prise en compte de ce critère:

« Aussi, la production d'un enregistrement mécanique impose à celui qui la recherche, la preuve d'abord de l'identité des locuteurs, ensuite que le document est parfaitement authentique, intégral, inaltéré et fiable et enfin que les propos sont suffisamment audibles et intelligibles. »[Cadieux c. Service de gaz naturel Laval inc., 1991]

[13] D’autre part, cette intelligibilité exigée par la Loi fait également preuve de permissivité de par les formes d’expression qu’elle est susceptible de prendre, soit des mots, du son ou des images. Ainsi, un document sera donc bien évidemment du texte conformément à l’usage ordinaire qui est suivi devant les tribunaux. Mais même si l’on utilise de tels documents de façon moins courante dans nos systèmes judiciaires, la Loi veut également inclure dans la définition de document des enregistrements audios (son), des photographies (images), et assurément des vidéos à savoir des documents qui cumulent sons et images. Cette volonté inclusive du législateur présente néanmoins quelques limites et l’on pourrait par exemple considérer que les formes d’expression olfactive ou gustative ne sont pas retenues. Également, on peut apercevoir que la définition de document que l’on trouve en science de l’information est généralement encore plus large, le critère de l’intelligibilité n’étant pas systématiquement retenu [BUCKLAND, 1997]. Ceci étant dit, la notion de document ainsi décrite permet d’inclure l’immense majorité des formes d’expression susceptibles de conséquences juridiques.

[14] Il est en revanche un lien à faire ici avec le droit de la preuve tel que prévu dans le CCQ. En effet, et sur la base de cette définition du document, il apparaît clairement qu’un écrit [Article 2812 et s.], un témoignage [2843 et s. CCQ], un aveu [Article 2850 et s. CCQ] et un élément matériel [Article 2854 et s. CCQ] sont tous en mesure d’être des documents. En revanche, cet article doit être pris en compte afin de tenter de résoudre la difficile question visant à distinguer l’écrit de l’élément matériel.

 

4. Document en pratique

 

[15] La Loi fournit une liste non exhaustive de termes équivalent à celui de document au sens de la Loi et qui sont régulièrement employés dans les textes législatifs.

«71. La notion de document prévue par la présente loi s'applique à l'ensemble des documents visés dans les textes législatifs, que ceux-ci y réfèrent par l'emploi du terme document ou d'autres termes, notamment acte, annales, annexe, annuaire, arrêté en conseil, billet, bottin, brevet, bulletin, cahier, carte, catalogue, certificat, charte, chèque, constat d'infraction, décret, dépliant, dessin, diagramme, écrit, électrocardiogramme, enregistrement sonore, magnétoscopique ou informatisé, facture, fiche, film, formulaire, graphique, guide, illustration, imprimé, journal, livre, livret, logiciel, manuscrit, maquette, microfiche, microfilm, note, notice, pamphlet, parchemin, pièce, photographie, procès-verbal, programme, prospectus, rapport, rapport d'infraction, recueil et titre d'emprunt.

Dans la présente loi, les règles relatives au document peuvent, selon le contexte, s'appliquer à l'extrait d'un document ou à un ensemble de documents.» [Article 71]

La qualification de document s’étend donc aux autres termes prévus dans la liste non exhaustive de l’article 71. De sorte que par exemple, les actes, les écrits ou encore le chèque pourront aussi être qualifiés de document.

 

5. Notions annexes : la banque de données, le dossier

 

[16] La Loi assimile les banques de données à la notion de document [Article 3 al. 2]. On peut y voir le même esprit inclusif en prescrivant que celle-ci peut être considérée comme un document. Cette disposition peut être rapprochée, d’une part, comme vu à l’article 3, de la la qualité que l’information doit avoir pour être considérée comme étant celle d’un document; en effet, on y reprend les deux critères de structuration et de délimitation tel qu'établis au premier alinéa. D’autre part, et sans que cela ne soit clairement exprimé, le critère d’intelligibilité est évidemment également requis.

[17] Un dossier est constitué d’un ou plusieurs documents [Article 3 al. 3] qui ne perdent pas leur individualité malgré le fait qu’ils soient regroupés ensemble comme par exemple lors de leur transmission.


Dernière modification : le 30 avril 2012 à 14 h 45 min.