Extraits pertinents :

[1] Le 22 décembre 2016, la défenderesse a déposé au greffe une demande de rétractation de jugement à l’encontre d’un jugement par défaut de répondre rendu par le soussigné le 15 décembre 2016.

[9] Le 15 août 2016, la demande introductive d’instance est signifiée à la défenderesse par huissier. Le rapport de signification indique que les procédures ont été signifiées à la défenderesse au xxxxxx, à Montréal. Cette adresse correspond à celle du domicile de la défenderesse.

[11] Par sa demande introductive d’instance, la demanderesse réclamait à la défenderesse la somme de 52 698,50$ (plus les intérêts courus et les frais de justice) pour des taxes foncières impayées relativement à un immeuble dont elle est propriétaire situé au xxxxx.

[12] Le 30 août 2016, un formulaire de réponse a été déposé au greffe de la Cour municipale. Cette réponse est signée par Marie-Rose Dion en sa qualité de « représentante » de la défenderesse. Au formulaire, on indique que la défenderesse n’est pas représentée par avocat. Les « coordonnées personnelles » de la défenderesse inscrites au formulaire de réponse correspondent à celle de son domicile, soit xxxxxx, à Montréal.

[16] Le 18 octobre 2016, les avocats de la demanderesse ont notifié, par courriel transmis aux adresses électroniques de Yanik Guillemette et Sébastien Gilbert, un protocole de l’instance. Les avocats de la demanderesse avaient déjà signé le document. Le 19 octobre 2016, les avocats de la demanderesse ont déposé ce protocole de l’instance au greffe. Les représentants de la défenderesse n’ont pas donné suite à la notification du protocole de l’instance. Ils n’ont pas davantage retourné une copie signée du protocole de l’instance au greffe (ou aux avocats de la demanderesse) ni transmis leur propre proposition de protocole de l’instance[8].

[17] Le 21 octobre 2016, le soussigné a rendu jugement afin d’entériner la proposition de protocole de l’instance déposée au greffe par la demanderesse. Ce jugement a été transmis aux parties, par courriel, par la greffière de la Cour municipale. À ce moment, le Tribunal ignorait l’accident subi par le président de la défenderesse et n’avait pas pris connaissance de l’échange de courriels intervenus entre les représentants des parties

[23] Le 26 octobre 2016, le soussigné adressait, par l’entremise de la greffière de la Cour municipale, un courriel aux représentants de la défenderesse (Yanik Guillemette et Sébastien Gilbert) ainsi qu’à l’avocate de la demanderesse (Me Chloé Fauchon) afin d’expliquer le contexte entourant le prononcé du jugement qui entérinait le protocole de l’instance proposé par la demanderesse.

[24] Ce courriel contenait notamment la mise en garde suivante à l’égard de la défenderesse :

«Finalement, nous soulignons que la défenderesse, personne morale, doit obligatoirement se faire représenter par avocat en l’instance conformément à l’article 87(3) CPC. Néanmoins, même si la réponse transmise au greffe par une représentante de la demanderesse est irrégulière, il n’y a pas lieu de la rejeter. Ce défaut pourra éventuellement être remédié lorsque l’avocat mandaté par la défenderesse interviendra au dossier, et ce, conformément à l’article 92 CPC. Par conséquent, nous invitons la défenderesse à mandater un avocat pour la représenter en l’instance, et ce, dans les meilleurs délais. Ce dernier pourra, le cas échéant, prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger les droits de la défenderesse pendant l’instance et lors de l’instruction.»

[25] Malgré la réception de ce courriel, les représentants de la défenderesse ont omis, négligé ou refusé de désigner un avocat pour la représenter légalement en l’instance.

[26] Le 1er novembre 2016, à 11h28, les avocats de la demanderesse ont notifié à la défenderesse, par courriel, une mise en demeure de désigner un avocat selon l’article 192 C.p.c.

[28] La défenderesse n’a pas donné suite à cette mise en demeure dans les 10 jours de sa notification. Par conséquent, l’instance s’est poursuivie comme si la défenderesse n’était pas représentée, et ce, conformément au 2ième alinéa de l’article 192 C.p.c.

[29] Le 17 novembre 2016, à 11h20, la demanderesse a néanmoins notifié à la défenderesse, par courrier électronique, une demande d’introductive d’instance modifiée. L’amendement visait à augmenter le montant de la réclamation à 62 192,99$ afin de tenir compte des taxes foncières échues (3ième versement de taxes pour l’année 2016) depuis l’introduction de l’instance.

[31] Le 1er décembre 2016, la demanderesse a déposé au greffe une demande d’inscription pour jugement par défaut de réponse à la demande introductive d’instance, et ce, conformément aux articles 192 et 180 C.p.c.

[45] Le avocat de la défenderesse a plaidé que la mise en demeure de se constituer un avocat devait obligatoirement être signifiée par huissier et être remise en mains propres au président de la défenderesse pour être valide. Invité à préciser la source légale de cette obligation, l’avocat n’a pas été en mesure de référer le Tribunal à la disposition applicable du Code de procédure civile.

[46] L’article 192 C.p.c. mentionne que la mise en demeure de se constituer un avocat doit faire l’objet d’une notification :

192. Avant le délibéré, si l’avocat d’une partie se retire, meurt ou devient inhabile à exercer sa profession, la partie doit être mise en demeure de désigner un nouvel avocat pour la représenter ou d’indiquer aux autres parties son intention d’agir seule. Elle doit répondre à cette mise en demeure dans les 10 jours de sa notification. Aucun acte de procédure ne peut être fait ni aucun jugement rendu pendant ce temps.

Si la partie ne désigne pas un nouvel avocat, l’instance se poursuit comme si elle n’était pas représentée. Si cette partie ne respecte pas le protocole de l’instance ou les règles de la représentation, toute autre partie peut demander l’inscription pour jugement si elle est demanderesse ou le rejet de la demande si elle est défenderesse.

La partie représentée par avocat est réputée informée de l’inhabilité ou de la mort de l’avocat d’une autre partie ou de sa nomination à une charge ou fonction publique incompatible avec l’exercice de sa profession sans qu’il soit nécessaire de la lui notifier.

[47] L’article 110 C.p.c. énumère les modes de notification autorisés :

110. La notification peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de constituer une preuve de la remise, de l’envoi, de la transmission ou de la publication du document. Elle l’est notamment par l’huissier de justice, par l’entremise de la poste, par la remise du document, par un moyen technologique ou par avis public.

Elle est faite, lorsque la loi le requiert, par l’huissier de justice, auquel cas elle est appelée signification.

Quel que soit le mode de notification utilisé, la personne qui accuse réception du document ou reconnaît l’avoir reçu est réputée avoir été valablement notifiée.

[48] L’article 139 C.p.c. énumère les procédures qui doivent obligatoirement faire l’objet d’une signification, c’est-à-dire être notifiées par un huissier de justice. Or, la mise en demeure de se constituer un avocat, prévue à l’article 192 C.p.c., ne fait pas partie de cette liste. Par conséquent, la transmission par un moyen technologique est donc autorisée pour la notification d’une mise en demeure de désigner un avocat.

[49] La notification par un moyen technologique est prévue aux articles 133 et 134 C.p.c. :

§ 3. — La notification par un moyen technologique

133. La notification par un moyen technologique se fait par la transmission du document à l’adresse que le destinataire indique être l’emplacement où il accepte de le recevoir ou à celle qui est connue publiquement comme étant l’adresse où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés, dans la mesure où cette adresse est active au moment de l’envoi.

Cependant, la notification par un tel moyen n’est admise à l’égard de la partie non représentée que si celle-ci y consent ou que le tribunal l’ordonne.

134. La preuve de la notification par un moyen technologique est faite au moyen d’un bordereau d’envoi ou, à défaut, d’une déclaration sous serment de l’expéditeur.

Le bordereau indique la nature du document transmis, le numéro du dossier du tribunal, le nom de l’expéditeur et du destinataire et leurs coordonnées, de même que le lieu, la date et l’heure et les minutes de la transmission; il doit contenir également, à moins que la transmission ne soit effectuée par l’entremise d’un huissier, l’information nécessaire pour permettre au destinataire de vérifier l’intégrité de la transmission. Ce bordereau n’est produit au greffe que si une partie le demande.

[50] En l’espèce, le bordereau d’envoi annexé à la mise en demeure de désigner un avocat a été notifiée par courrier électronique, le 1er novembre 2016, à 11h28, à l’adresse utilisée par le président de la défenderesse pour correspondre avec le greffe de la Cour municipale ainsi qu’avec les avocats de la demanderesse, soit le xxxxxx. Ce bordereau d’envoi contient toutes les informations prévues à l’article 134 C.p.c.

[52] Évidemment, ces documents ne confirment pas que le président de la défenderesse a personnellement pris connaissance du document. Toutefois, la notification était valide et la demanderesse n’avait aucune obligation légale de faire signifier la mise en demeure de se constituer un avocat par huissier ni de la remettre en mains propres au président de la défenderesse.

[...]

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[125] REJETTE la demande de rétractation de jugement;

[126] LE TOUT avec les frais de justice.


Dernière modification : le 31 octobre 2017 à 15 h 16 min.