Extraits pertinents :

[2] Le 27 février 2013, Claudine Amar (la plaignante) dépose une plainte à la Commission des normes du travail en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail[2] (la Loi). Elle y prétend que son employeur, l’Association Sépharade de la banlieue Ouest de Montréal (l’Association), l’a congédiée sans cause juste et suffisante le 11 février 2013.

[8] L’Association, qui est à but non lucratif, a pour rôle de servir les membres de la communauté sépharade en offrant des services religieux ainsi qu’une garderie et un traiteur.

[9] La plaignante est embauchée le 1er janvier 2008 en tant qu’administratrice du bureau. Son travail consiste à accomplir les tâches générales de secrétariat et faire la tenue de la comptabilité, à l’exclusion des états financiers. Elle s’occupe d’entretenir la relation avec le conseil d’administration (le C.A.), elle collecte les dons et traite les différentes demandes des membres.

[10] Son horaire est de 25 heures par semaine. Cependant, elle est souvent appelée à faire des heures supplémentaires, ce qu’elle ne refuse jamais selon
Raphaël Perez, membre du C.A. de 2007 à 2011. Il ajoute même, qu’en fait, la plaignante a travaillé plus de 25 heures toutes les semaines et qu’elle n’a jamais refusé de faire des heures supplémentaires.

[13] En 2009, des travaux majeurs d’agrandissement ont lieu. Une garderie est construite et cela implique que la synagogue doit être déplacée. Une des conséquences est que la charge de travail de la plaignante va augmenter considérablement. Elle se trouve dans l’obligation de faire des heures supplémentaires, mais à titre de bénévole.

[14] La plaignante ajoute qu’elle effectuait toutes ces heures supplémentaires de bonne foi, car les projets de construction de l’Association lui tenaient à cœur.

[16] En mai 2011, David Zafrani est élu président du conseil. La plaignante constate que la charge de travail va toujours en augmentant. Elle lui demande d’augmenter ses heures de travail, mais réclame d’être rémunérée en conséquence et non plus que ce soit du bénévolat. Elle affirme travailler régulièrement de 30 à 32 heures par semaine.

La version de la plaignante

[17] Le jeudi 7 février 2013, la plaignante est convoquée à une rencontre par David Zafrani afin de discuter d’un événement à venir. Robert Ruah, vice-président, est présent à cette réunion. À la fin de la discussion, David Zafrani dit à la plaignante que l’Association a besoin d’une personne à temps plein, soit un horaire de 40 heures par semaine et qu’elle soit plus qualifiée qu’elle. Il lui annonce qu’elle recevra une lettre le lundi suivant pour lui confirmer le tout.

[20] Le 11 février 2013, la plaignante reçoit la lettre promise par David Zafrani en fin de journée, lors d’une rencontre. Elle souligne que malgré le fait qu’elle attendait la lettre en question, elle a travaillé ce jour-là comme si de rien n’était. La lettre lui annonce « qu’en raison d’un changement de la nature du poste », on met fin à son emploi à compter de ce jour-là.

[23] Le 4 mars 2013, la plaignante reçoit une nouvelle lettre de la part de l’Association. David Zafrani écrit :
Pour des raisons de clarification, je voudrais faire un résumé de notre rencontre du 7 février en présence de vous-même, Robert Ruah et moi-même. Nous vous avons informé que l’Association avez besoin d’un employé à temps plein. Nous vous avons offert le poste à temps plein, et vous l’avez refusé en disant que vous ne vouliez pas dépasser les 25 heures par semaine. Je vous avais demandé à plusieurs reprises, pendant les 18 derniers mois, si vous pouvez travailler à temps plein. Votre réponse était toujours négative. Nous vous avons demandé si vous serais intéressé de continuer de travailler pendant cette période de transition. Vous m’avez contacté par téléphone, le 10 février, 2013 et vous m’avez informé que vous voulez cesser de travailler immédiatement.
(reproduit tel quel)

[24] La plaignante conteste cette lettre. Elle maintient qu’on ne lui a jamais offert le poste. Elle admet cependant qu’elle n’a jamais formellement affirmé qu’elle était prête à travailler 40 heures par semaine, mais que devant la déclaration de David Zafrani à l’effet que l’Association recherche une personne plus qualifiée, elle a compris qu’elle était éliminée d’office et qu’il ne servait à rien de formuler quelque proposition que ce soit. Elle se sentait mise devant le fait accompli.
La version de l’Association

La version de l'Association

[25] Le 7 février 2013, David Zafrani et Robert Ruah rencontrent la plaignante. Selon Robert Ruah, ils passent ensemble en revue toutes les tâches de la plaignante à l’aide d’un fichier Excel et cette dernière reconnaît qu’il faut plus d’heures pour arriver à accomplir toutes les tâches requises. Robert Ruah admet qu’il est possible que la plaignante accomplisse plus de 25 heures de travail par semaine.

[26] C’est alors, toujours selon eux, que la plaignante déclare qu’elle ne peut pas donner plus de 25 heures de travail par semaine. Si cela n’est pas satisfaisant, elle demande qu’on lui prépare une lettre de fin d’emploi assortie d’une compensation monétaire. Ils demandent alors à la plaignante un peu de temps avant de procéder ainsi afin de lui trouver une remplaçante.

[29] Selon Robert Ruah, la plaignante quitte alors la réunion en disant qu’elle va revenir avec deux réponses, à savoir si elle reste pour assurer l’intérim et le montant de la compensation monétaire qu’elle réclame.

[30] Le dimanche soir suivant, soit le 10 février, la plaignante appelle David Zafrani pour lui annoncer qu’elle refuse de travailler 40 heures par semaine et que donc, elle quitte son emploi. Elle réclame par la même occasion une compensation monétaire.

Le remplacement de la plaignante

[33] À la suite du départ de la plaignante, l’Association engage H.M. pour la remplacer. Cette dernière pour des raisons personnelles ne peut non plus travailler à temps plein. Elle va travailler 30 à 32 heures par semaine, soit le même nombre d’heures que la plaignante effectuait auparavant. De fait, les relevés informatiques de sa fiche de paye indiquent une moyenne de 31 heures par semaine. Ce remplacement va durer environ 9 mois. Ce n’est que passé ce délai que l’Association va pourvoir le poste à temps plein.

L’enregistrement

[34] La plaignante a voulu produire en preuve un enregistrement d’une séance du C.A., ce à quoi s’est opposée l’Association.

[35] Le Tribunal a donné droit à l’objection. En effet, l’enregistrement ne présentait pas les critères d’authenticité et d’intégrité reconnus par la jurisprudence. On ne pouvait établir l’identité des locuteurs et que leurs propos étaient suffisamment audibles et intelligibles. On ne pouvait établir non plus l’identité de l’opérateur de l’appareil et qu’il n’y avait eu aucune altération depuis la captation.

[...]

[67] En résumé, tout ce qui précède porte à croire que la version de l’Association est cousue de fil blanc. Aucune autre preuve, hormis la question du refus de la plaignante, n’a été présentée par l’Association lors de l'audience. Par conséquent, elle ne s’est pas déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait. Le Tribunal ne peut alors que constater que le congédiement a été fait sans cause juste et suffisante.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE la plainte;

ANNULE le congédiement;


Dernière modification : le 19 avril 2017 à 17 h 17 min.